Turquie: une fin de campagne électorale marquée par une violence rare
Le 14 mai, 61 millions de Turcs se rendront aux urnes pour les élections présidentielle et législatives. Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans, tentera de remporter un troisième mandat de président. Face à lui, son principal rival, Kemal Kiliçdaroglu, est soutenu par une alliance de partis d’opposition. Les sondages donnent une légère avance à ce dernier dans ce scrutin décisif pour l’avenir de la Turquie. La fin de campagne se déroule dans un contexte extrêmement tendu, voire violent.
Avec notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer
Des opposants insultés, diffamés, comparés à des terroristes, visés par des jets de pierre… Pour Kemal Can, qui couvre la politique turque depuis des décennies, il faut remonter aux années 1970 pour retrouver une campagne électorale aussi violente que celle-ci à l’égard de l’opposition. Et encore…
« Ce qui est frappant, et inédit, c’est le fait que cette violence soit ouvertement encouragée par les plus hautes autorités de l’État, que le candidat d’opposition soit directement désigné comme une cible, et que ces provocations soient déclenchées par de fausses informations diffusées par les autorités. »
Kemal Kiliçdaroglu, qui croit en sa victoire, a même appelé ses partisans à rester chez eux pendant la soirée électorale, citant la possible présence d’ « éléments armés » dans les rues.
« Je ne pense pas qu’il fasse référence au risque qu’en cas de défaite claire, Erdogan refuse de concéder sa défaite et fasse preuve d’inconscience au point de provoquer des violences dans les rues… Ce à quoi Kiliçdaroglu fait référence, c’est plus au risque de participer à des incidents locaux, sporadiques, qui pourraient rendre contestable une victoire de l’opposition », reprend Kemal Can.
L’opposition espère l’emporter dès dimanche pour éviter un entre-deux-tours encore plus tendu s’il fallait revoter le 28 mai.
La question ouïghoure et la dépendance économique de la Chine également en jeu
Pour faire face à une crise économique qui a entamé sa popularité, Recep Tayyip Erdogan compte notamment sur les investissements et la technologie en provenance de Chine, après avoir mis sous le tapis la question ouïghoure. Mais l’opposition a une position plus nuancée, selon Erkin Ekrem, professeur à l’université Hacettepe à Ankara, où il est responsable du centre d’études ouïghoures. Il répond aux questions de Yang Mei, journaliste à la rédaction chinoise de RFI.
D’une façon générale, la Turquie a besoin pour son développement économique des investissements et de la technologie. Que ce soit pour le parti au pouvoir ou pour l’opposition, la Chine est le pays qui pourrait apporter ces deux choses. Et tous les partis en Turquie sont pour développer des relations avec la Chine et soutenir le projet chinois des nouvelles routes de la soie. Mais il y a tout de même une petite nuance entre le gouvernement et l’opposition : si le parti au pouvoir a plutôt tendance à mettre sous le tapis le problème des Ouïghours pour ne pas gêner la Chine, l’opposition estime qu’il faudrait au contraire soulever le problème des Ouïghours pour parvenir à une solution qui renforcera les relations entre les deux pays.