Macky Sall : entretien exclusif à L’Express

Émeutes à Dakar, guerre en Ukraine, Poutine et Françafrique. Le président du Sénégal livre ses quatre vérités.

« L’Afrique n’est plus la chasse gardée de l’Europe »

Président du Sénégal depuis 2012, Macky Sall, 61 ans, est à la tête d’un pays en ébullition. A un an de la présidentielle, le chef de l’Etat n’exclut pas de se présenter à un troisième mandat tandis que son opposant Ousmane Sonko – poursuivi pour viols et diffamation – mobilise ses partisans dans la rue depuis deux ans. En 2021, des émeutes se sont soldées par la mort de 14 personnes. La semaine dernière, de nouveaux heurts ont éclaté à Dakar en marge des marches organisées par les supporters de Sonko contre la procédure judiciaire qui vise leur champion. Aux manettes d’un pays de 17 millions d’habitants, Macky Sall vient également de terminer son mandat d’un an à la présidence de l’Union africaine, marqué par la crise alimentaire liée à la guerre en Ukraine.

L’Express : Une vingtaine de pays africains – y compris le Sénégal – se sont abstenus d’exiger le retrait de l’armée russe d’Ukraine lors du vote des résolutions à l’ONU en mars 2022 et février 2023. Pourquoi ?

Macky Sall : Dès le premier jour de la guerre, les États africains ont su que la guerre aurait un impact direct sur la vie de leurs citoyens. Le continent est importateur net de blé, qui vient en majorité de Russie et d’Ukraine. L’Afrique est confrontée à une pénurie de plus 30 millions de tonnes de denrées alimentaires, notamment de blé, de maïs et de soja ! En outre, l’arrêt brutal de l’exportation des engrais a touché de plein fouet nos cultures locales : l’arachide, le mil, le coton. Voilà pourquoi, depuis le début, nous privilégions le dialogue avec l’Union européenne, les Etats-Unis, mais aussi avec la Russie. Il s’agit de maintenir les chaînes d’approvisionnement et de lever les contraintes sur les denrées alimentaires stratégiques.

Comment s’est déroulée votre rencontre avec Vladimir Poutine, le 3 juin à Sotchi ?

Notre échange a duré 3 heures et demie, où nous avons plaidé en faveur d’un accord sur les céréales. Vladimir Poutine était seul et, moi, j’étais accompagné du président de la Commission de l’Union africaine [et ancien Premier ministre du Tchad] Moussa Faki. Pour nous, il était impératif que le message de l’Afrique parvienne directement au président russe afin qu’il comprenne l’urgence de la situation dans notre continent où vivent 1,4 milliard d’habitants, dont certains – LIRE LA SUITE DANS L’EXPRESSE. FR

3ème MANDAT

«Cette question m’a été posée des dizaines de fois. Dans mon camp, les gens se sont déjà positionnés pour m’investir comme candidat. Je n‘ai pas encore apporté ma réponse. J’ai un agenda, un travail à faire. Le moment venu, je ferai savoir ma position, d’abord à mes partisans, ensuite à la population sénégalaise»

«Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps. J’ai été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. En 2016, j’ai proposé le passage au quinquennat et suggéré d’appliquer cette réduction à mon mandat en cours. Avant de soumettre ce choix au référendum, nous avons consulté le Conseil constitutionnel. Ce dernier a estimé que mon premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée de la réforme. La question juridique est donc réglée. Maintenant, dois-je me porter candidat pour un troisième mandat ou non ? C’est un débat politique, je l’admets.»

Quid de ses nombreuses déclarations antérieures dans lesquelles il a déclaré qu’il ne se présenterait pas, Macky Sall répond : «Je ne me dédis pas. J’ai donné une opinion qui correspondait à ma conviction du moment. Celle-ci peut évoluer et les circonstances peuvent m’amener à changer de position. Nous sommes en politique. Mais pour l’instant, je n’ai pas déclaré ma candidature. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.»

Sonko et Les manifestations

«Dans un État de droit, un leader politique ne peut chercher à se soustraire à la loi en instrumentalisant la rue. Ce qui se passe n’est acceptable dans aucune démocratie. Un individu ne peut pas bloquer la capitale, Dakar, au seul prétexte qu’il est convoqué au tribunal. Si le Sénégal n’était pas une authentique démocratie, croyez-moi, son sort aurait été réglé depuis longtemps», 

« J’ignore ce qui peut se passer. Je ne suis pas devin. Mais une chose est sûre : ceux qui s’imaginent pouvoir intimider le pouvoir et bloquer la justice se bercent d’illusions. Chacun devra assumer ses responsabilités.»

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