Les jeunes Congolais accueillent le pape François au stade des Martyrs à Kinshasa
En République démocratique du Congo (RDC), le pape François a célébré, mercredi 1er février, la grande messe très attendue à l’aéroport de Ndolo dans la capitale, Kinshasa, en présence d’une foule immense venue écouter ses paroles : plus d’un million de personnes, selon les autorités. Ce matin, le pape est avec les jeunes au stade des Martyrs.
La clameur monte du stade, les tribunes se remplissent, racontent les envoyées spéciales de RFI à Kinshasa, Véronique Gaymard et Alice Mesnard. Beaucoup sont vêtus de tee-shirts à l’effigie du pape, ou même déguisés en souverain pontife. Au total, 80 000 jeunes sont attendus pour cette rencontre.
Accueilli comme une rock star au son des tambours et des chants, le pape François, à bord de sa « papamobile », a salué et béni la foule. Il a invité les jeunes Congolais à être « acteurs » de l’avenir de leur pays, en prenant garde au tribalisme et en s’opposant à la corruption. « Prenez garde à la tentation de désigner quelqu’un du doigt, d’exclure l’autre parce qu’il est d’une origine différente de la vôtre ; au régionalisme, au tribalisme qui semblent vous renforcer dans votre groupe, mais qui sont au contraire la négation de la communauté. Vous savez comment cela se passe : d’abord, on croit des préjugés sur les autres, puis l’on justifie la haine, puis la violence, et finalement, on se retrouve en guerre », a-t-il dit.
Pour ces jeunes, confrontés chaque jour au chômage, aux luttes de pouvoir, et aux violences, avides d’un message spirituel, il a évoqué la notion de pardon : « Pour créer un avenir nouveau, nous devons donner et recevoir le pardon. C’est ce que fait le chrétien : il n’aime pas seulement ceux qui l’aiment, mais il sait arrêter la spirale des vengeances personnelles et tribales par le pardon. »
« Si quelqu’un te tend une enveloppe, ne tombe pas dans le piège »
La foule a donc répondu présent au message du pape qui, dans son discours, a enjoint les jeunes à ne pas se laisser tenter par le cancer de la corruption qui gangrène la société. « Si quelqu’un te tend une enveloppe, te promet des faveurs et des richesses, ne tombe pas dans le piège », a-t-il prévenu. Le pape est même sorti de son discours écrit pour rajouter des phrases et soutenir la foule en liesse : « Ça me plaît cette chanson, vous êtes braves », leur a dit le pape qui a même dû interrompre son discours alors que les jeunes lançaient des slogans sur les élections : « Fatshi [surnom du président Félix Tshisekedi, NDLR], prends conscience, ton mandat est à sa fin. » Certains ici ont estimé que ces slogans étaient instrumentalisés par certaines parties.
Le pape a par ailleurs développé cinq points qu’il a comparés aux cinq doigts de la main en invitant les jeunes, qui composent près de 60% de la population, à se prendre en main pour changer le destin du pays : la prière, la communauté, l’honnêteté, le pardon et le service envers les autres. « À quoi servent mes mains, à construire ou à détruire, à donner ou à amasser, à aimer ou à haïr ? », a-t-il demandé, en montrant qu’une main ouverte peut « faire naître un lendemain différent ». Mais ce sont vraiment ses paroles sur la corruption qui ont touché les jeunes présents dans le stade des Martyrs.
J’ai aimé le moment où il nous a incité à dénoncer le mal : la corruption.
Des jeunes s’expriment sur le discours du pape François au stade des Martyrs
Pascal Mulegwa
Une jeune femme rencontrée aux abords du stade confie avoir étudié pour être infirmière sans trouver de travail. C’est donc « la débrouille », comme on dit, avec, par exemple, des activités de petits commerces informels pour survivre. Difficile de se projeter dans l’avenir pour ceux qui représentent près de 60% de la population. Encore plus pour les jeunes en proie à la violence dans l’est du pays que le pape a rencontrés mercredi 1er février.
Une séquence poignante durant laquelle le pape François a dénoncé les violences dans cette partie du Congo.
Plusieurs victimes ont livré des récits très durs des souffrances vécues, de l’Ituri au Nord-Kivu : des hommes et des femmes mutilées, des femmes esclaves sexuelles, violées, certaines étaient présentes avec leurs enfants issus de ces viols. Le pape les a écoutées, les a bénies. « Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance », « plus jamais de violence, de rancœur et de résignation ».
Cette rencontre avec la jeunesse au stade des Martyrs, c’est aussi une façon pour le souverain pontife de veiller à garder la jeunesse auprès de l’Église catholique, alors que se multiplient les églises pentecôtistes ou de réveil. Malgré l’influence croissante de ces dernières, l’Église catholique conserve un rôle majeur dans l’éducation, la culture, la politique ou la tenue des infrastructures socio-sanitaires en RDC. Elle fait office de contre-pouvoir.
Le pape de 86 ans, qui se déplace en fauteuil roulant en raison de douleurs au genou, rencontrera en fin de matinée le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde à la nonciature apostolique, « ambassade » du Saint-Siège en RDC. En milieu d’après-midi, il se rendra à la cathédrale Notre-Dame du Congo, construite en 1947, où il prononcera un discours devant des prêtres et religieux.