Affrontements au Kenya

Par Mary KULUNDU – © 2025 AFP – Au moins neuf personnes ont été blessées mardi à Nairobi lors d’affrontements entre des manifestants dénonçant les violences policières au Kenya, les forces de l’ordre et des centaines de « voyous » à moto armés de fouets et de bâtons qui s’en sont pris aux protestataires.

Des journalistes de l’AFP ont vu un policier en tenue anti-émeute tirer à bout portant vers la tête d’un civil, un incident qui a été filmé et dont la vidéo suscite l’indignation sur les réseaux sociaux.

Alors que beaucoup pensaient que l’homme avait été tué, une source hospitalière a indiqué à l’AFP qu’il était toujours vivant, mais dans un état critique.

La tension monte au Kenya à l’approche du premier anniversaire du début des manifestations massives menées l’an dernier dans tout le pays contre un projet de hausse d’impôts et la corruption généralisée, qui avaient été réprimées dans le sang.

Plus de 60 personnes avaient alors été tuées, et plus de 80 enlevées par les forces de sécurité pendant et après les protestations, selon des groupes de défense des droits humains.

Dans un tel contexte, et bien que le gouvernement ait pris soin de ne pas augmenter les taxes directes dans la loi des finances à venir, la récente mort en cellule d’un homme de 31 ans, que la police avait initialement tenté de camoufler en suicide, a indigné une partie de la société.

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Il s’agissait de la deuxième grande journée de manifestations contre les brutalités policières en une semaine, après celle de jeudi dernier. Si elles ne sont pour l’instant pas massives, elles se sont distinguées mardi par la présence de « voyous » violents visiblement chargés de disperser la foule, selon le terme employé par médias kényans et manifestants.

« Les voyous nous ont attaqués. Ils nous ont submergés au début », s’est ainsi émue Hanifa Adan, l’une des principales voix des manifestations de 2024. « Ils nous ont coincés et nous ont battus avec des fouets. La police se contentait de les regarder faire », a-t-elle raconté à l’AFP.

Des journalistes de l’AFP ont vu la police protéger ces hommes armés face à des manifestants qui ont été dans un premier temps pacifiques avant de répondre en jetant des pierres, puis en mettant le feu à au moins deux motos.

Josephine Michael, qui gère une clinique près du lieu des manifestations, a indiqué avoir soigné sept personnes, dont l’homme avec une « blessure par balle à la tête ». « Il a une blessure grave à la tête. Ils n’est pas stable », a-t-elle affirmé à l’AFP, ajoutant que l’homme avait été transféré vers un autre hôpital.

Des journalistes de l’AFP ont par ailleurs vu deux autres blessés.

« Prendre l’argent »

« Nous devenons un pays sans loi, » a commenté à l’AFP, dépité, Ndungi Githuku, du groupe de défense des droits civiques Kongamano La Mapinduzi.

« Nous voyons des centaines de voyous payés, avec des fouets et des armes rudimentaires, venir brutaliser notre peuple », a-t-il déploré, se disant « choqué de voir les politiciens au Kenya, dirigés par le président, compter sur des voyous pour parvenir à leurs fins avec des fouets ».

Une moto brûle pendant une maniestation contre la mort d'un homme en garde à vue, le 17 juin 2025 à Nairobi, au Kenya

Une moto brûle pendant une maniestation contre la mort d’un homme en garde à vue, le 17 juin 2025 à Nairobi, au Kenya

AFP

SIMON MAINA

Un commentaire régulièrement entendu depuis un an, alors que l’intervention de chauffeurs de boda bodas, ces motos-taxis kényans, a été documentée à plusieurs reprises pour encadrer ou réprimer des événements publics.

En juillet dernier, au plus fort des manifestations anti-gouvernementales, les militants avaient accusé les autorités d’avoir recours à ces éléments violents pour discréditer leur mouvement.

En mars dernier, les « voyous » ont vraisemblablement dépassé leurs prérogatives, selon la presse kényane, lorsqu’ils se sont mis à dépouiller scrupuleusement passants et magasins lors d’un déplacement du chef de l’Etat William Ruto dans Nairobi.

Ces derniers mois, Rigathi Gachagua, ancien vice-président de M. Ruto, devenu l’un de ses plus grands contempteurs, a affirmé à plusieurs reprises que celui-ci payait des « voyous » contre la jeunesse kényane.

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Mardi, les commerçants nairobiens ont donc fermé leurs boutiques à la hâte alors que l’AFP a vu des policiers tirer des gaz lacrymogènes dans les foules.

« Il y a beaucoup de gens sur des boda bodas qui ont infiltré les manifestations pacifiques », a regretté Rashid, lui-même chauffeur de moto-taxi de profession, qui a demandé à ne pas donner son nom complet.

L’un des « voyous », tenant un bâton à proximité de policiers, a confirmé anonymement à l’AFP qu’on lui avait promis 1.000 shillings kényans (6,7 euros) contre sa présence mardi afin de « protéger les commerces », son recrutement ayant été assuré par des « leaders communautaires ».

« Je ne savais pas que cela tournerait comme ça », a-t-il poursuivi, assurant n’être là que pour « prendre l’argent », dans un contexte économique difficile au Kenya… également dénoncé par les manifestants.

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