EUROPE : faut-il confisquer les avoirs russes gelés en Europe ? Les États européens sont divisés

258 milliards d’euros… C’est le montant estimé des avoirs russes bloqués en Europe. Les Européens ont décidé d’immobiliser ces actifs pour sanctionner Moscou et sa guerre d’agression de l’Ukraine, qui a débuté il y a tout juste trois ans. Certains Etats membres de l’Union Européenne voudraient confisquer cet argent pour le reverser à l’Ukraine. Une position qui est loin de faire l’unanimité.

C’est dans un simple immeuble de bureaux, à deux pas de la gare du Nord à Bruxelles, que transitent la majeure partie de ces milliards russes. Au cœur de ces flux : la très discrète société Euroclear, un géant de la finance. Les avoirs de personnalités proches du Kremlin et d’institutions russes y sont pour le moment bloqués. Et cette semaine, ce pactole est au cœur de discussions diplomatiques animées.

Les États européens divisés

Toute la question est de savoir s’il est possible de saisir – de confisquer – ces avoirs, pour les reverser ensuite à l’Ukraine et renforcer Kiev, dans ce moment décisif pour une résolution du conflit. Aujourd’hui, l’Union européenne reverse déjà à l’Ukraine les bénéfices de ces avoirs, c’est-à-dire les intérêts, une somme infime par rapport aux montants en jeu. La discussion entre les 27 ministres européens des affaires étrangères, sur la confiscation de ces montants, a bien eu lieu… Mais l’idée ne convainc en fait qu’une minorité d’Etats. Les États membres qui sont prêts à dégainer cette arme, à confisquer les milliards russes, sont en fait les plus vulnérables, les plus exposés à la Russie sur la carte de l’Europe : les Etats baltes, la Pologne, la Suède et le Danemark.

Nos contribuables ne devraient pas être ceux qui payent. C’est le pays qui détruit l’Ukraine, la Russie, qui devrait payer

La cheffe de la diplomatie européenne, l’Estonienne Kaja Kallas, n’a d’ailleurs pas manqué d’exprimer sa position.

« Nous avons besoin du soutien de tous pour le faire. Jusqu’à présent nous n’avons pas obtenu ce soutien. Mais je dois dire que le travail est en cours et que pendant ce conseil des affaires étrangères, un pays de plus qui était contre, s’est rallié à la cause. Parce que surtout dans la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, nous finissons tous par conclure que nos contribuables ne devraient pas être ceux qui payent. C’est le pays qui détruit l’Ukraine, la Russie, qui devrait payer. »

Se pose la question de la légalité d’une telle manœuvre. En théorie elle est impossible, en raison de la clause « d’immunité souveraine » qui protège chaque État ainsi que ses biens. Les états qui y sont favorables arguent qu’une pirouette juridique pourrait être trouvée, les autres rétorquent que l’Union européenne perdrait en crédibilité à enfreindre le droit international.

Nous avons nous aussi beaucoup d’avoirs qui sont bloqués en Russie

Autre motif de réticence : la peur que d’autres investisseurs internationaux échaudés par ces méthodes, fuient les places financières européennes, mais aussi, la crainte des mesures de rétorsion. « Il faut toujours faire attention sur ces sujets-là qui sont extrêmement subtils, sensibles et complexes. Nous avons nous aussi beaucoup d’avoirs qui sont bloqués en Russie », rappelait de son côté l’ancien commissaire européen Thierry Breton.

Se priver d’un levier de négociation

Dernier argument majeur : reverser ces 200 milliards à l’Ukraine maintenant, ce serait se priver d’un levier en or massif au moment de négocier. Aujourd’hui, l’Europe peut menacer de les verser à Kiev, de les retenir ou proposer de les rendre, s’ils servent à reconstruire l’Ukraine après un cessez-le-feu. Ces avoirs gelés pourraient aider l’Europe à se hisser à la table des négociations.

SOURCE FRANCEINFO

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