Emigration irrégulière-une stratégie pour prévenir et guérir : le Général Mansour Seck livre sa recette
Des veuves de la mer, aux orphelins des océans, le Sénégal semble impuissant face aux drames de l’émigration irrégulière. Les régimes se succèdent, les passeurs et candidats se multiplient avec la complicité souvent des parents victimes comme leur progéniture d’une pression sociale inouïe. Par la terre, le ciel et la mer, rien n’est épargné pour tenter de rejoindre l’Occident à la recherche d’un supposé Eldorado. Cette situation quasi-insoluble a poussé l’ancien Chef d’État-Major Général des Armées, le Général Mamadou Mansour Seck, à sortir de sa réserve et à faire part d’une proposition pour dit-il «prévenir et guérir».
«Une stratégie pour prévenir et guérir». C’est la recette que propose l’ancien Chef d’État-Major Général des Armées (CEMGA) du Sénégal et ancien ambassadeur du Sénégal aux Etats-Unis, le Général Mamadou Mansour Seck. Face au drame de l’émigration irrégulière avec son lot d’orphelins, de veuves, le Général Seck connu pour ses prises de position courageuses, s’est confié à Sud Quotidien. Une recette en 20 points.
Pour l’ancien CEMGA, il faut «préparer un film documentaire dans les différentes langues nationales pour montrer les obstacles et les risques des deux traversées par mer et par terre et répéter les séances dans les 14 régions du pays».
Puis, «immatriculer toutes les pirogues, lister leurs propriétaires et identifier les menuiseries qui les fabriquent» ; «poursuivre les passeurs avec la participation des citoyens; «Faire parler ceux qui ont expérimenté l’émigration»; «Documenter et diffuser les séjours en Afrique du Nord, surtout en Libye et en Tunisie» avec des risques comme la réduction en esclaves à vendre, d’abus sexuels, de recrutements forcés pour le terrorisme, etc.
Au 6ème point, le Général Mamadou Mansour Seck soutient qui’ faut «expliquer les performances limitées des pirogues et de leurs moteurs conçus pour la pêche » avec comme conséquences «une autonomie de 100 à 200 km et non pour 4000 km » pour joindre l’Europe. Sans occulter les risques de panne en pleine mer, l’absence de confort, le problème d’hygiène (toilette). En cas de pluie en période d’hivernage, ces pirogues de fortune ne disposent pas de toit encore moins de bouées de sauvetage ».
« Un décès toutes les 40 minutes »
Toujours dans une «stratégie pour prévenir et guérir», le Général Seck soutient qu’il faut «présenter le nombre de morts et le nombre de réussites » en soutenant qu’on dénombre «un décès toutes les 40 minutes ces dernières années ».
Au point 8, il estime qu’il faut «décrire et documenter la traversée de la Méditerranée par des canots pneumatiques surchargés, donc instables »; « Sensibiliser sur l’accueil en Europe: la montée des partis de droite opposés à l’immigration »; « Donner les moyens aux forces de défense et de sécurité pour contrôler la mer et surtout au niveau de Saint-Louis par la Marine et l’Aviation (patrouilles aériennes, emplois d’hélicoptères) »; « Déployer la Police et la Gendarmerie nuit et jour aux points de départ des pirogues ; contrôler les stations d’essence »; « Expliquer que les Canaries ne sont pas en Europe continentale mais à mi-chemin seulement et que pour aller en Amérique, la distance est deux fois plus longue ; pour arriver aux USA, il faut traverser plusieurs pays et frontières »; « Attirer l’attention des autorités des pays du Maghreb sur le traitement inhumain des émigrés »; « Coordonner les activités avec les institutions existantes (OIM- Organisation internationale pour les migrations -, OPEX – opérations extérieures -, Accord avec l’Espagne, ONG Caminando Fronteras, etc.) Coopérer avec nos voisins, surtout la Mauritanie »; «Demander aux chefs religieux de parler aux parents et de s’impliquer comme certains l’ont fait récemment »; Entre autres solutions, le Général Mamadou Mansour Seck demande aussi de « former et employer les jeunes dans l’agriculture moderne qui demande des bras », d’autant plus que, « la souveraineté alimentaire pourrait être ainsi accélérée ». « Il y a plus de vingt ans, l’Université du Minnesota nous avait promis l’autosuffisance alimentaire au bout de trois ou quatre ans de partenariat. Elle formerait des étudiants sénégalais dans les diverses disciplines agricoles », rappelle-t-il.
Au point 17, il met le curseur sur le fait que « les réseaux sociaux, dont la jeunesse est friande, sont une menace par leur capacité de lavage de cerveaux. Ils ont pu détourner certains jeunes du droit chemin pour en faire des terroristes »; «Sensibiliser à travers la documentation, surtout visuelle, sur l’enfer de la traversée du désert par le Niger ou certains candidats à l’émigration ont été abandonnés en plein désert par des véhicules de transport »; « Inclure l’émigration dans l’enseignement au niveau des lycées comme le Prytanée militaire et les futurs lycées Armée-Nation ».
Enfin, « après la tragédie de Mbour où l’on compte de nombreux morts, cette stratégie, soutient-il, pourrait être efficace si le Président de la République la lance solennellement en présence des représentants des Institutions comme l’OIM, mais aussi des représentants de la Mauritanie, du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la Lybie, de l’Espagne, de la France et de l’Italie ».
Selon lui, « cette initiative nationale souveraine sera bien perçue par les pays du Sud de l’Europe qui pourraient même contribuer à son efficacité ».
En conclusion, le Général Mamadou Mansour Seck fera remarquer que «l’Union Africaine pourrait s’en inspirer dans une stratégie continentale pour combattre l’émigration » Et que « les images des Africains cherchant à aller en Europe, dont de nombreux morts en Méditerranée, donnent une très mauvaise image de nos Etats ». Par conséquent, «cette stratégie doit être en harmonie avec des accords de pêche permettant à nos pêcheurs de pouvoir disposer de nos ressources halieutiques surexploitées ». Quant à l’information audiovisuelle, il estime qu’elle est une « arme pédagogique dissuasive dans cette stratégie de prévenir et guérir ».
Abdoulaye THIAM
SUDQUOTIDIEN