Annonce de « l’indépendance » de la Kabylie à Paris par le MAK: une réunion « discrète sous tension »
Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a proclamé l’indépendance de la Kabylie le dimanche 14 décembre à Paris lors d’une cérémonie symbolique mais sous haute tension. Interviewé par TV5MONDE, ce mercredi 17 décembre, le journaliste du Monde Afrique, Simon Roger, a décrypté les enjeux de cette cérémonie en France.
« Moi, Ferhat At Said Mehenni, je proclame solennellement l’indépendance de la Kabylie. » Ce sont par ces mots que le président du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a proclamé l’indépendance de la Kabylie, en leur propre nom, ce dimanche 14 décembre à Paris. La Kabylie est une région montagneuse du nord de l’Algérie, principalement habitée par les Kabyles qui partagent une culture, une langue et une identité amazighs.
Le MAK est à l’origine de cette cérémonie, qui s’est déroulée sans l’accord des autorités algériennes. « Alger considère que le MAK fomente des troubles pour déstabiliser le pays, et donc l’unité nationale algérienne. Les tensions sont très fortes« , affirme Simon Roger, journaliste au Monde Afrique, invité sur le plateau de TV5MONDE. Depuis 2021, l’Algérie a classé le MAK comme une « organisation terroriste« .
Qu’est-ce que le MAK?
Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a été créé en 2001. À la même époque, l’Algérie traverse une guerre civile, appelée la « décennie noire« , qui s’étend de 1992 à 2002. Le gouvernement algérien affronte les groupes islamistes armés. En dix ans, plus de 150.000 personnes seraient décédées, selon le journal Le Monde. Des milliers d’autres disparaissent, et un million de personnes sont déplacées.
Au printemps 2001, des militants kabyles manifestent pour exprimer leur mécontentement à l’égard du gouvernement algérien. Celui-ci répond par la force. Bilan: 130 morts et plusieurs milliers de blessés. Cet événement deviendra le catalyseur de la création du MAK.
Ce mouvement réclame l’indépendance de la Kabylie, marquant une rupture définitive avec l’État algérien. En 2010, l’Anavad, un collectif qui s’est proclamé gouvernement kabyle, s’installe officiellement à Paris. Le MAK et l’Anavad se donnent pour mission de porter la question kabyle devant les instances internationales. Cependant, le 18 mai 2021, le régime algérien classe le MAK comme une « organisation terroriste« .
Selon des associations kabyles, cette décision aurait conduit à l’emprisonnement de plus de 500 Kabyles poètes, écrivains, journalistes et militants associatifs en Algérie. Amnesty International a, par ailleurs, condamné ces arrestations.
En 2022, l’Anavad proclame une République fédérale de Kabylie. Selon un membre du MAK, celle-ci œuvre à l’établissement d’une souveraineté territoriale en Kabylie, région qui demeure sous l’administration de l’État algérien. Mais dans les faits, ni le MAK ni l’Anavad ne disposent de légitimité électorale.
Aucun référendum n’a été organisé pour recueillir le consentement du peuple kabyle. Ce même représentant du MAK explique que les taux élevés d’abstention des électeurs kabyles lors des élections algériennes font office de baromètre pour mesurer leur mécontentement vis-à-vis du gouvernement algérien.
Une cérémonie sans réaction de la France
Cela dit, le MAK a inscrit une nouvelle date charnière dans son histoire: le 14 décembre 2025. « Cette date fait référence au 14 décembre 1974, jour où l’ONU, par une résolution adoptée à cette date, a pris en considération la question de l’indépendance des peuples et des États coloniaux« , explique Simon Roger sur TV5MONDE.
Cette cérémonie, qui a rassemblé près de 800 personnes, s’est déroulée à Paris sous haute tension, selon le journaliste. « Il y avait à la fois une forte excitation et une forme d’appréhension, comme si l’évènement pouvait dérailler à tout moment« , raconte Simon Roger.
Une cérémonie à Paris qui intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Paris et Alger. « La France n’a pas réagi et ne réagira probablement pas, car c’est trop sensible. C’est un mouvement (le MAK, ndlr) dont on a du mal à évaluer l’audience. Cela n’engage pas l’Algérie en tant qu’État constitué« , explique le journaliste.
Plusieurs épisodes de tensions ont émaillé les relations entre l’Algérie et la France ces derniers mois, notamment l’expulsion d’agents consulaires et l’affaire Boualem Sansal. La France a surtout reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental dans une lettre d’Emmanuel Macron au roi Mohammed VI, provoquant la colère diplomatique d’Alger.
Cette crise bilatérale inclut également l’arrestation du journaliste français Christophe Gleizes, condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national » en lien avec le MAK, le 29 juin dernier.

