Art in : du cerveau à la mode : un défilé afro-futuriste pour tisser des liens à Dakar
À l’issue d’un défilé vibrant pour présenter sa deuxième collection, mêlant art, héritage et message politique tenu mardi 2 décembre 2025 dans le cadre dynamique de Ouakam, Jérôme Demassias, neurologue de formation et fondateur de la marque DMDB ainsi que de la plateforme Arts in Transit, a partagé sa vision d’un afro-futurisme ancré dans la solidarité et la créativité diasporique. Cet événement, première édition sénégalaise du programme, marque un tournant symbolique : celui de réunir, par la mode et l’art, les différentes rives des mondes afro-descendants.
L’aventure DMDB a commencé il y a seulement quelques mois, lors d’une pause dans sa carrière médicale en Guadeloupe. Pour Jérôme Demassias, il s’agit de « créer de l’art sous différentes formes pour reconstituer des liens entre les mondes afro-diasporiques ». Son défilé, deuxième collection de la marque, dépasse le simple fait vestimentaire : c’est un manifeste.
« L’afro-futurisme, c’est dire aux petits enfants noirs à travers le monde au Sénégal, en Guadeloupe, au Brésil, à Cuba qu’ensemble on est plus fort, que notre avenir sera radieux si on croit en nous et si on reste solidaires », explique-t-il. Un message d’espoir et de puissance adressé aux nouvelles générations.
La mode comme langage politique « indélébile »
Interrogé sur ce qui anime sa double casquette de scientifique et de créateur, Demassias évoque l’influence familiale une mère passionnée de mode, des après-midis parisiens à acheter des chaussures avec son père mais aussi une exigence : « Faire du beau, mais que ça ait toujours du sens. » Pour lui, la mode et l’art sont des vecteurs politiques puissants, non par la recherche de postes ou de voix, mais par la portée universelle de leur langage.
« Notre parole est saine, grande, et elle peut toucher les gens à travers un vêtement, une œuvre, une musique. C’est le moyen politique le plus indélébile, et finalement le plus dangereux, car il traverse les frontières sans faire de bruit, mais en marquant les esprits. »
Derrière DMDB se trouve Arts in Transit, une plateforme culturelle qu’il co-dirige avec sa sœur, la réalisatrice Pamela de Macias de Bonne. Le projet rassemble une constellation de créatifs : des artistes contemporains comme Patricia Lolia, Maison Club ou POC, la chef pâtissière Cindy Flavien, ou encore la designer de chaussures Anaïs Verspens, dont la marque Nam Art a chaussé les modèles du défilé dakarois.
« Ensemble, on est plus forts, plus brillants », souligne Demassias, insistant sur l’importance de créer des synergies entre disciplines et origines.
Dakar, terre d’accueil et de retrouvailles
Cette édition revêt une signification particulière : c’est la première organisée sur le continent africain. « Après huit ans d’absence, je retrouve un Sénégal transformé, mais surtout cette teranga qui n’est pas qu’un slogan », confie-t-il. De la Médina au Plateau, des rencontres avec un Baye Fall à une vendeuse de thiéboudienne, il perçoit un « lien, peut-être lointain, mais bien présent ».
Le défilé n’est qu’un premier acte. Suivront une exposition à la Villa Kells, des tables rondes sur la création diasporique, les industries culturelles afro-descendantes, et même une intervention de Demassias sur la représentation du cerveau dans les mondes africains et caribéens. Une soirée caribéenne et un second défilé sont également prévus samedi, célébrant les musiques africaines et afro-descendantes.
En mêlant neurologie, mode, art et engagement, Jérôme Demassias incarne une nouvelle figure du créateur diasporique : enraciné, ouvert, et résolument tourné vers un avenir collectif. Son défilé à Ouakam n’était pas seulement un spectacle c’était une déclaration d’intention, tissée fil à fil, pour des lendemains qui osent s’habiller de sens et de solidarité.
Le programme Arts in Transit se poursuit jusqu’à dimanche 7 décembre à Dakar.
LAMINE DIEDHIOU
SUDQUOTIDIEN

