Démission de deux responsables de la BBC : une leçon de responsabilité pour nos médias (Par Adama Sow)

C’est l’info majeure de ce week end. Les faits sont simples mais lourds de sens : le directeur général de la BBC, Tim Davie, et la patronne de l’information, Deborah Turness, ont démissionné. Leur faute ? Avoir laissé passer un montage trompeur d’un discours de Donald Trump dans un documentaire, altérant le sens original des propos de l’ancien président américain.

Les deux dirigeants du media anglaise n’ont pas demission à cause d’un scandale de corruption ni d’une affaire de mœurs. On leur reproche une faute éditoriale, une erreur de traitement journalistique. Et pourtant, ces deux dirigeants ont choisi la voie la plus exigeante : assumer, reconnaître et partir.
Ce geste, rare dans l’univers médiatique contemporain, rappelle que l’autorité morale des dirigeants de médias ne se mesure pas seulement à leur pouvoir hiérarchique, mais à leur capacité à protéger la crédibilité et l’intégrité de l’institution qu’ils dirigent.

Pour un media qui se respecte,un seul manquement éditorial peut ébranler des décennies de respect et de légitimité. C’est pourquoi, même sans preuve de manipulation volontaire, le directeur général et la patronne de l’information ont pris leurs responsabilités. Ils ont compris qu’un média public, ou privé prétendant informer honnêtement, ne peut pas survivre à la défiance. Malheureusement, cette culture de la responsabilité morale est ce qui manque le plus à beaucoup de rédactions dans nos pays.

Chez nous, au Sénégal comme dans d’autres pays africains, les fautes professionnelles sont devenues banales. Un chroniqueur insulte, un animateur diffuse de fausses informations, un journaliste commet un grave manquement déontologique… Et souvent, la direction du média se tait. Pire encore, certains sont encouragés, protégés, voire promus parce que leurs excès « font de l’audience ».

Ce silence est une faute en soi. Il installe l’idée que la liberté d’expression est sans devoir, que le métier de journaliste peut s’exercer sans rigueur, sans redevabilité, sans honneur. Or, un média qui n’assume pas ses dérives n’est plus un contre-pouvoir, il devient un amplificateur du chaos.
Le cas de la BBC est une leçon universelle. Il rappelle que l’éthique ne se délègue pas. Quand un média perd son sens de la responsabilité morale, ce ne sont pas seulement ses dirigeants qui échouent, c’est tout un écosystème de confiance publique qui s’effondre.

Il n’y a pas de presse forte sans dirigeants courageux. Aussi, il n’ya pas de liberté durable sans devoir d’exemplarité. Et pas de démocratie solide sans des médias capables de se juger eux-mêmes avec la même rigueur qu’ils exigent des autres.

DAKARACTU

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