Une rencontre au sommet entre Trump et Poutine: un premier pas vers la fin de la guerre?
La semaine prochaine, Donald Trump affirme qu’il rencontrera Vladimir Poutine, puis il prévoit également un entretien avec Volodymyr Zelensky, dans l’espoir d’aboutir à un cessez-le-feu en Ukraine. Trump avait lancé un ultimatum à Poutine il y a à peine deux semaines, et celui-ci expire ce 8 août. Est-ce un signe que la Russie pourrait bientôt mettre fin à sa guerre en Ukraine? Sven Biscop, professeur en relations internationales à l’Université de Gand et Ria Laenen, experte de la Russie à l’Université de Louvain, se montrent optimistes, mais prudents: “Peut-être que de véritables négociations vont enfin commencer.”
Luc Beernaert, Matthias Bertrand Source: HLN
Les plans de Trump – consulter d’abord Poutine, puis parvenir à une trêve avec la participation de Zelensky – peuvent-ils déboucher sur une paix durable et fiable?
Biscop: “C’est intéressant de voir que les choses bougent. On constate que ni Poutine ni Trump ne veulent rompre avec l’autre. Ils essaient de se convaincre mutuellement que des progrès sont en cours. Mais de là à dire que cela mènera à quelque chose, c’est une autre histoire. Il est possible que des négociations commencent, mais elles risquent de s’éterniser. Si ces négociations sont réelles et non de façade comme jusqu’à présent, ce sera déjà un pas en avant.”
Laenen: “Il y a peu de chances qu’un accord garantissant une paix durable soit conclu à court terme. Cela n’enlève rien au fait qu’un sommet entre Poutine et Trump soit perçu comme un succès pour l’un comme pour l’autre: pour Poutine, c’est la confirmation qu’il fait toujours partie du cercle des grandes puissances ; pour Trump, c’est important car il a promis pendant sa campagne électorale de mettre rapidement fin à la guerre. S’il peut maintenant provoquer une percée, il en fera grand cas.”
Poutine a-t-il été impressionné lorsque Trump a menacé la Russie de nouvelles sanctions?
Biscop: “Je ne le pense pas. Mais Poutine voit en Trump un allié potentiel à la Maison Blanche, et il ne veut pas risquer de le perdre. Il cherche probablement un équilibre entre ses objectifs en Ukraine — annexer les territoires conquis, désarmer le pays et s’assurer qu’il n’adhère jamais à l’OTAN — et le maintien de ses liens avec Trump.”
Laenen: “Il est douteux que des sanctions, quelles qu’elles soient, puissent faire changer Poutine d’avis. Les sanctions n’ont d’effet qu’à long terme, tandis que Trump veut des résultats rapides. Cela dit, la Russie subit depuis longtemps une succession de vagues de sanctions, et son économie en souffre.”
“Une pression constante via des sanctions peut peser sur Poutine, mais je ne suis pas convaincue qu’il soit prêt à faire des concessions. Il s’est obstiné dans cette guerre, veut consolider ses gains territoriaux, forcer une neutralité de l’Ukraine et la désarmer. Les sanctions ne le pousseront pas facilement à changer de position.”
Ce mercredi, Trump a doublé les droits de douane à l’encontre de l’Inde, évoquant ses importations de pétrole russe. Cela fait-il indirectement mal à la Russie?
Biscop: “Ce serait le cas si l’Inde cessait effectivement d’importer de l’énergie russe, mais ce n’est pas encore acquis. Voilà l’ironie: Trump menace la Russie de sanctions, mais contre qui prend-il réellement des mesures? L’Inde. Il risque davantage de se mettre New Delhi à dos que de l’éloigner de Moscou.”
“Poutine devra évaluer les avantages potentiels d’un cessez-le-feu. Actuellement, il est économiquement coupé du marché occidental et dépend donc davantage du marché chinois. Cela le place en position de faiblesse dans les négociations avec Pékin, qui obtient déjà des tarifs très avantageux pour l’énergie russe.”
L’ultimatum de Trump a suscité une vive réaction de Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité russe. Il a déclaré que tout ultimatum est une étape vers la guerre avec les États-Unis, et que la Russie ne respecterait plus le moratoire sur les armes nucléaires. Le risque de guerre entre puissances nucléaires est-il réel?
Biscop: “Ce n’est pas absolument impossible, mais la probabilité d’une confrontation directe reste relativement faible. Tout le monde sait qu’en cas d’attaque nucléaire, il n’y aurait que des perdants, dans une escalade catastrophique. Mais cette rhétorique fait partie du jeu, c’est un moyen de faire passer un message.”
Laenen: “Il ne faut pas accorder trop d’importance à Medvedev, qui est coutumier de ce genre de déclarations. Il flatte son ego quand Trump lui répond (ce qu’il a fait en déplaçant des sous-marins nucléaires, NDLR). Medvedev joue sur la peur d’une confrontation nucléaire pour intimider l’Occident et l’empêcher d’exiger quoi que ce soit de la Russie. Il ne faut pas tomber dans ce piège. Cela dit, nous parlons de puissances nucléaires et le risque d’un conflit nucléaire ne peut jamais être totalement exclu.”
En résumé: les menaces de Trump n’inquiètent guère Poutine, celui-ci continue de le mener en bateau, la guerre est encore loin d’être terminée et les Russes progressent lentement mais sûrement en Ukraine?
Biscop: “C’est bien la situation actuelle, oui. Sauf si Poutine estime que le moment est venu de consolider ce qu’il a conquis. Ce serait alors le début de véritables négociations, mais cela ne signifierait pas encore la fin de la guerre.”
Laenen: “C’est effectivement ce à quoi nous en sommes pour l’instant. Cela dit, la progression russe en Ukraine est très lente. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous savons à quelle vitesse un point de bascule peut survenir. Je n’exclus pas un accord sur un cessez-le-feu, mais cela reste encore très loin d’une paix durable.”

