Conférence de l’ONU sur la Palestine: Paris et Riyad tentent de ranimer la solution à deux États

Alors qu’aucun cessez-le-feu n’est en vue à Gaza, une quarantaine de pays vont débattre, dès ce lundi 28 juillet et pendant deux jours, d’une résolution à long terme du conflit israélo-palestinien. L’Arabie saoudite et la France président au siège de l’ONU une conférence internationale sur la mise en œuvre de la solution à deux États. Cette conférence se tiendra à un niveau ministériel : un sommet de chefs d’État est prévu en septembre. Une initiative diplomatique visant à relancer une perspective politique dans une région plongée dans une violence aveugle.

Par :Guilhem Delteil

L’assouplissement décidé samedi soir par Israël des restrictions qu’il imposait aux livraisons d’aide humanitaire dans la bande de Gaza doit permettre un allègement des souffrances de la population de l’enclave. Mais la situation politique, elle, reste figée. À court terme, aucune perspective de cessez-le-feu n’existe : Israël a rappelé ses négociateurs. Et à plus long terme, aucune résolution du conflit israélo-palestinien ne semble envisageable : aucune négociation de paix n’a eu lieu depuis quinze ans.

Conférence reprogrammée

Alors que la région traverse la phase la plus violente de son histoire depuis la création d’Israël en 1948, les conditions d’une relance d’un processus de paix ne sont pas réunies. Mais l’Arabie saoudite et la France veulent offrir une perspective, même lointaine. Et tenter de sauver la solution à deux États. « Il y a une situation extrêmement préoccupante qui continue de se dégrader : les otages israéliens toujours retenus à Gaza, les opérations israéliennes d’une intensité élevée qui se poursuivent, une aide humanitaire défaillante et une absence totale de perspective d’une négociation de paix globale » expliquait la semaine dernière une source diplomatique française.

Cette conférence était initialement prévue le 23 juin. Elle avait dû être reportée quelques jours avant : la guerre lancée par Israël contre l’Iran empêchait un certain nombre de participants de se rendre à New York. Paris a immédiatement manifesté sa détermination à l’organiser et l’a reprogrammée. Mais cette nouvelle date, en plein cœur de l’été dans l’hémisphère nord, en période de vacances pour une partie du monde, était moins propice à lancer une initiative diplomatique majeure.

« Relancer l’élan »

Paris et Riyad ont obtenu la confirmation de la présence d’une quarantaine de pays. L’initiative est boudée par les États-Unis ; elle est même dénoncée, critiquée par Israël. Mais étant donné le nouveau calendrier, ce nombre est jugé « respectable » par Max Rodenbeck, le directeur du projet Israël-Palestine à l’International Crisis group, un groupe réflexion dédié aux conflits.

La conférence « a perdu un peu de son élan » relève-t-il. Mais « le président Macron tente de le relancer en annonçant que la France reconnaîtra l’État palestinien dans le courant de l’année ». Le président français le fera officiellement en septembre lors de l’assemblée générale de l’ONU. Mais l’annonce en a été faite jeudi soir, quatre jours avant l’ouverture de cette conférence. « La décision de la France est importante dans la mesure où elle suggère qu’il existe une dynamique pour avancer en ce sens, même parmi les proches alliés des États-Unis et les puissants pays d’Europe occidentale. Il est probable que d’autres pays suivront le mouvement, même si nous ne savons pas encore lesquels ni combien. »

Cette reconnaissance « est l’expression du refus de l’injustifiable à Gaza et de l’inacceptable en Cisjordanie. Le refus de voir un peuple privé définitivement de son droit à disposer de lui-même. Le refus de voir s’effacer définitivement la solution à deux États, seule susceptible de garantir la paix et la sécurité dans la région » a expliqué le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, dimanche 27 juillet dans le journal La Tribune du dimanche. « Par la politique qu’il mène aujourd’hui, le gouvernement de Benyamin Netanyahu hypothèque la sécurité d’Israël à laquelle la France est indéfectiblement attachée. » La France justifie cette décision comme une réponse à la situation sur le terrain.

Frontières

En reconnaissant un État qui n’a pas de souveraineté sur le terrain, Emmanuel Macron s’inscrit dans la lignée de l’ensemble des résolutions votées à l’ONU et réaffirme la nécessité de faire naître un véritable État palestinien. Sa création était déjà prévue dans le plan de votée par les Nations unies en novembre 1947 partageant la Palestine, alors sous mandat britannique, entre un État juif et un État arabe. Seul le premier a vu le jour. Et les conflits qui ont suivi ont conduit à redessiner les frontières de ces deux États : celles internationalement reconnues aujourd’hui ne sont plus celles de 1947, mais de 1967, telles qu’elles ont été établies à l’issue de la guerre des Six jours. Mais même celles-ci ne semblent aujourd’hui plus réalistes car à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, la colonisation israélienne ne cesse de grignoter le territoire.

La solution à deux États était aussi le principe fondateur des Accords d’Oslo, les seuls accords de paix signés entre Israéliens et Palestiniens en soixante-dix-sept ans de conflit. Mais depuis 1993, elle a perdu en popularité d’un côté comme de l’autre. Israël voit dans cette solution une menace existentielle et la crainte a été renforcée par les attaques du 7 octobre 2023 lancées par le Hamas palestinien, les plus meurtrières jamais subies par le pays. Les Palestiniens, eux, voient le territoire censé leur être dévolu être de plus en plus entamé par Israël.

« Faute de mieux »

Cette solution à deux États reste toutefois évoquée par les diplomates du monde entier. « Je pense qu’il y a un consensus faute de mieux », estime Max Rodenbeck. « Personne n’a de meilleure alternative sur la table et il est difficile de rallier la communauté internationale autour d’une autre idée vu que nous n’en avons pas. Et même ceux qui, comme Israël et les États-Unis, semblent aujourd’hui rejeter la solution à deux États, bien qu’ils ne l’aient pas explicitement déclaré, continuent de faire mine d’adhérer à cette solution : ils ne proposent pas d’alternative. »

Mais pour raviver une perspective de paix basée sur une partition du territoire et l’existence de deux États, il faut plus que de simples déclarations politiques. Pour être efficace, la conférence de New York doit conduire à des mesures pratiques, juge l’analyste de l’International Crisis Group. « Il est évident qu’Israël a besoin d’être rassuré sur le fait qu’un futur État palestinien ne sera pas utilisé pour le détruire. C’est donc une mesure pratique. Mais en même temps, des terres palestiniennes sont confisquées chaque jour, chaque heure. Et le reste du monde n’a pratiquement rien fait à ce sujet. Une autre mesure pratique consiste donc à se montrer beaucoup plus ferme sur la nécessité pour Israël de cesser de s’emparer de nouvelles terres. » Alors que la région est plongée dans une violence sans précédent, convaincre populations et dirigeants qu’une forme de paix est possible a des allures de gageure.

SOURCE RFI

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