Sénégal, Mali… Pourquoi plusieurs équipes africaines sont privées d’événements internationaux
Après les basketteuses sénégalaise interdites de stage aux États-Unis, les basketteuses de l’équipe nationale du Mali de moins de 19 ans, championne d’Afrique en titre, n’ont pas pu participer à la Coupe du monde (12-20 juillet), faute de visas. À qui la faute? Fédérations nationales, organisateurs et pays se renvoient la balle.
Cela devait être une fête, une consécration. Les joueuses Maliennes, championnes d’Afrique des moins de 18 ans à Johannesbourg à la fin 2024, se faisaient une joie de participer à la Coupe du monde des moins de 19 ans dans la ville de Brno, dans le sud-est de la République tchèque. Faute de visas, elles n’ont pas pu défendre leur chance lors de cette compétition qui se tient du 12 au 20 juillet.
« C’est terrible pour ces jeunes basketteuses maliennes. Elles sont championnes d’Afrique, Elles pouvaient défendre leur titre à l’échelle mondiale. C’est dommage et c’est décourageant pour ces jeunes athlètes. Le Mali est actuellement en train de percer au sein des compétitions de jeunes », déplore à TV5MONDE Malick Daho, ancien joueur ivoirien, journaliste et fin connaisseur du basket sur le continent africain.
Quelques jours plus tôt, les jeunes joueurs maliens avaient en effet tenu la dragée haute, jusque dans le dernier quart temps, à la France et l’Argentine, deux nations majeurs du basket, dans la même compétition masculine, cette fois en Suisse.
« Une manœuvre inédite de perfidie »
Les Aiglonnes attendaient énormément de cette compétition. Elles étaient tombées sur « un groupe de la mort » avec la France, le Brésil et l’Australie.
Les réactions restent vives au Mali. « Ce refus des autorités tchèques constitue une manœuvre inédite de perfidie consistant à exclure le Mali de la compétition », dénonce dans un communiqué le ministère des Sports maliens. Le gouvernement malien entend saisir la Fiba, la Fédération international de Basketball. Pour l’instant, les autorités tchèques n’ont pas réagi.
Depuis plusieurs années, les relations sont au plus bas entre Prague et Bamako. La République tchèque a fermé son ambassade au Mali en 2022. Le gouvernement tchèque fustige le rapprochement du pouvoir militaire malien avec la Russie de Vladimir Poutine et les paramilitaires Wagner.
Qui est responsable du fiasco?
La Fédération malienne et le ministère des Sport du pays estimaient avoir trouvé une parade pour obtenir des visas malgré l’absence de représentation tchèque dans le pays. Le ministère malien estime dans son communiqué « avoir entrepris à temps les démarches de délivrance des visas, aussi bien auprès de l’ambassade de la République tchèque à Dakar que de l’ambassade d’Espagne à Bamako, agissant en tant que relais de visas. »
Ce labyrinthe administratif n’aura pas fonctionné. Bamako reproche à la Fiba de ne pas avoir intercédé auprès des autorités tchèques pour permettre la délivrances des visas aux joueuses. Pour l’instant, la fédération internationale n’a pas réagI.
Qui est responsable du fiasco? La FIBA, organisatrice de la Coupe du monde ? Le ministère des Sports malien? Le durcissement des lois migratoires en Europe?
« »Il ne faut pas incriminer la seule FIBA. La Fédération malienne aurait pu anticiper les choses à partir du moment où on a vu l’équipe du Sénégal privée de visas pour un stage préparatoire pour l’Afro basket aux Etats-Unis »
Malick Daho, ancien joueur de basket
Et l’ancien joueur de basket ivoirien d’ajouter: « Cela aurait pu faire ’tilter’ un petit peu d’autres sélections et fédérations africaines qui étaient dans ce type de démarche. La Fiba aurait pu intercéder auprès des autorités tchèques. Selon moi les torts sont partagés. On ne peut pas aussi mettre tout sur la faute du Mali », explique-t-il à TV5MONDE.
Le cas de l’équipe nationale féminine n’est pas isolé. Alors qu’elle devait se rendre à Debrecen en Hongrie en avril 2024 pour participer au dernier tournoi qualificatif olympique, la sélection féminine camerounaise de handball était restée clouée au sol, sans pouvoir prendre l’avion. À cause de problèmes de visas, les Lionnes n’avaient donc pas eu la chance de se qualifier pour les Jeux.
En avril 2023, l’équipe gabonaise masculine de football des moins de 16 ans s’est vu privée lui du Tournoi de France, un événement majeur pour le football international de jeunes, pour des problèmes de visas. Les autorités sportives gabonaises avaient dénoncé la lenteur du consulat français
« Les joueurs disparaissent »
L’athlétisme est également frappé. En 2022 lors des championnats du monde aux États-Unis, à Eugene, la béninoise Odile Ahouanwanou, spécialiste de l’heptathlon, championne d’Afrique en titre, espérer décrocher une première médaille mondial pour son pays. Faute de visa, ses espoirs se sont envolés.
Ces soucis de visas sont donc légions. Pourquoi une telle frilosité? « On ne va pas se le cacher. Il y a des équipes africaines qui se rendent en Europe. Et ensuite les joueurs disparaissent. Cela peut expliquer la méfiance de certaines autorités consulaires », souligne Malick Daho.
En aout 2023, c’était pratiquement la moitié de l’équipe du Burundi de handball qui avait disparu. Ils participaient à la Coupe du monde des moins de 19 ans en Croatie et dix d’entre eux avaient disparu à Rijeka, à l’ouest du pays. Ces joueurs de 17 ans devaient affronter la sélection du Bahreïn.
Dix jeunes handballeurs avaient fui la cité universitaire où logeait l’équipe avec l’espoir de rester et vivre en Europe. La police croate avait perdu leur trace. Un mois plus tard le six septembre ils étaient arrêtés par la police belge à Bruxelles.
Les cas de disparitions d’athlètes touchent surtout les équipes masculines. « Il faut voir le problème dans sa globalité. Il faut faire de l’éducation, de la pédagogie auprès des grandes fédérations africaines pour qu’en Afrique on redevienne un peu plus sérieux. Si les joueurs disparaissent comme cela durant les compétitions, les autorités consulaires des pays occidentaux se méfient », décrit l’ancien basketteur Malick Daho.
En 2024, de nombreux pays africains ont été confrontés à des défis majeurs pour l’obtention de visas Schengen, enregistrant parmi les taux de refus les plus élevés à l’échelle mondiale selon les données de la Commission européenne.
Les statistiques montrent que parmi les dix pays enregistrant les plus hauts taux de refus de visas Schengen, six sont africains. Les Comores affichent un taux alarmant de 61,3 %, suivies par la Guinée-Bissau (51%), le Ghana (47,5%), le Mali (46,1%), le Soudan (42,3%), et le Sénégal (41,2%).
Selon l’ancien basketteur ivoirien Malick Daho, il faut créer « une exception pour le sport« . « Cette exemple récent de l’équipe du Mali doit interroger. Il faudrait sanctuariser les grandes compétitions internationales et surtout permettre aux équipes africains d’y participer mais en échange les Fédérations africaines doivent vraiment s’engager et faire en sortent que leurs joueurs ne disparaissent pas ».
SOURCE TV5.ORG

