Menace de censure : pourquoi le gouvernement de Michel Barnier est susceptible d’être renversé dès la semaine du 2 décembre
L’examen du budget s’enlise entre Matignon et les oppositions, et la perspective d’un 49.3, donc d’un vote sur une motion de censure, approche à grands pas.
« On est un peu comme des dindes qui attendent Noël », plaisantait Marc Fesneau, député MoDem, mardi 26 novembre à l’Assemblée. Mais pour le « socle commun », le couperet pourrait tomber avant les fêtes de fin d’année : dès la semaine du 2 décembre, alors que le débat budgétaire s’enlise. En l’absence de soutien à l’Assemblée, le Premier ministre a réaffirmé mardi soir sur TF1(Nouvelle fenêtre) qu’il recourrait « assurément » à l’article 49.3 de la Constitution afin de faire adopter le budget 2025, s’exposant mécaniquement à une motion de censure. Celle-ci pourrait renverser son gouvernement dès le 4 décembre.
Le budget 2025 correspond en fait à trois textes déposés par le gouvernement et actuellement examinés par les parlementaires : le projet de loi de finances (PLF), le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce dernier a été adopté mardi par le Sénat, où le gouvernement dispose d’une majorité.
Un vote sur le budget de la Sécu prévu le 2 décembre
Comme l’Assemblée n’a pas pu se prononcer en première lecture sur le PLFSS, ayant épuisé le temps de débat fixé par le gouvernement, une commission mixte paritaire (CMP) a été mise en place. Sept députés et sept sénateurs, dont huit soutiennent l’alliance de gouvernement, se sont réunis pour élaborer un projet de loi consensuel entre les deux chambres parlementaires.
La CMP a commencé ses travaux à 14 heures mercredi et elle est parvenue à trouver un compromis dans la soirée. Cette nouvelle version du PLFSS 2025 sera donc débattue dans l’hémicycle de l’Assemblée lundi 2 décembre à 15 heures.
En l’absence de majorité au Palais-Bourbon, Michel Barnier va devoir dégainer son premier 49.3. Ce levier autorise le gouvernement à faire adopter le texte sans vote, mais il permet aussi aux oppositions de déposer une motion de censure, à condition de réunir 58 députés signataires.
La France insoumise, forte de 71 sièges à l’Assemblée, a déjà prévenu qu’elle déposerait systématiquement une motion de censure en cas de recours au 49.3. Elle aura 24 heures pour le faire à partir du déclenchement du 49.3 par le Premier ministre. Puis, la Constitution prévoit que la motion de censure peut être débattue au plus tôt 48 heures après son dépôt. D’après Eric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances, ce vote pourrait donc avoir lieu dès le mercredi 4 décembre.
Le RN prêt à soutenir une motion de la gauche ?
Si la majorité absolue des députés, soit 289 voix sur 577, soutient cette motion de censure, le gouvernement doit démissionner et le PLFSS est rejeté. Le suspense demeure quant aux intentions du Rassemblement national. Le parti de Marine Le Pen joindra-t-il ses 124 voix aux 192 sièges du Nouveau Front populaire (NFP) ? La cheffe de file des députés RN a répété mercredi que le compte n’y était pas, selon elle, pour ce PLFSS. « On va attendre de voir ce que donne la CMP », a-t-elle déclaré à la presse depuis le tribunal de Paris, où elle est jugée dans le cadre du procès des assistants parlementaires européens du Front national. Le groupe RN a prévu de se réunir jeudi à 14h pour discuter du PLFSS remanié par la CMP, mais la décision d’une éventuelle censure ne sera pas prise à ce moment, indique le parti à franceinfo.
« On supputait une motion de censure à un moment, mais on sent que le calendrier s’accélère », confie à franceinfo une parlementaire du « socle commun », du côté des Républicains.
Pour ne pas être renversé, le gouvernement tente de convaincre les socialistes, forts de 66 sièges au sein du NFP, de ne pas voter la censure. Mais l’affaire semble mal engagée. Michel Barnier a reçu mercredi soir à Matignon les chefs des groupes parlementaires socialistes, Boris Vallaud pour l’Assemblée et Patrick Kanner pour le Sénat. A la sortie, tous deux ont accusé le gouvernement de « chantage » en faisant peser sur le PS « la responsabilité de garder ou de faire tomber le gouvernement ». Dans la foulée, le bureau national du parti s’est réuni mercredi soir et a soutenu à l’unanimité pour le vote d’une motion de censure, a annoncé sur X(Nouvelle fenêtre) le patron du PS Olivier Faure.
Deux autres probables 49.3 en décembre
D’autres occasions de renverser le gouvernement ne manqueront pas de se présenter avant la fin décembre. Car les deux autres textes budgétaires poursuivent leur chemin législatif. Le PLFG, qui fixe les ajustements budgétaires pour l’année 2024, doit être discuté en CMP avant un examen le 4 décembre à l’Assemblée, où le gouvernement devrait recourir au 49.3. Après le dépôt de la motion de censure promise par LFI, une telle motion pourrait être adoptée le 6 décembre.
Enfin, le PLF 2025 doit être voté le 12 décembre au Sénat. L’étape suivante sera une autre CMP, convoquée autour du 16 décembre. A nouveau, le texte reviendrait devant les députés quelques jours plus tard, le 18 décembre, selon l’agenda de l’Assemblée. Et le même scénario pourrait se répéter, avec un 49.3 engagé par Michel Barnier, une motion de censure déposée par LFI et un débat risquant de renverser le gouvernement, le 20 décembre au Palais-Bourbon.