Accompagnement psychosocial des personnes atteintes de cancer : Un souffre-douleur au Sénégal (Par Néné Jupiter Ndiaye)
Octobre Rose, un mois symbolique dédié à la sensibilisation pour promouvoir le dépistage et la prévention du cancer du sein et du col de l’utérus. Selon les nouvelles estimations disponibles sur le site de l’Observatoire mondial du cancer, 2,3 millions de femmes souffrent du cancer du sein qui, d’ailleurs, est le deuxième type de cancer le plus fréquent en général, après le cancer des poumons.
Au Sénégal, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) indique que le cancer du col de l’utérus est plus fréquent chez les femmes, environ 1500 cas sont diagnostiqués chaque anné,e avec un taux élevé de mortalité (1000 /An ), du fait d’un diagnostic souvent tardif. Le Fonds mondial de recherche sur le cancer indique que le Sénégal figure parmi les 20 pays au monde, où le taux de personnes atteintes est plus élevé.
En effet, le taux de mortalité est estimé à plus de 1 200 décès par An. En 2020, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) estimait à 11 000 de plus, chaque année, le nombre de personnes atteintes d’un cancer au Sénégal et près de 8 000 cas de décès enregistrés. En 2024, la LISCA révèle 12 000 cas de cancers du col de l’utérus et du sein recensés.
Aujourd’hui, les facteurs de risque demeurent le dépistage tardif, la méconnaissance des symptômes et l’inaccessibilité des soins de santé. Pourtant, beaucoup d’efforts sont fournis dans le cadre de la prévention, avec les programmes de sensibilisation de la LISCA, la campagne de vaccination contre le « papillomavirus humain » (HPV), principale cause du cancer du col de l’utérus, etc.
Des efforts sont faits pour généraliser le dépistage, mais l’accès aux soins et aux infrastructures de santé demeure un défi dans certaines régions. Des campagnes de sensibilisation pour le dépistage précoce et l’auto-examen des seins, sont organisées régulièrement, mais l’accès aux mammographies est encore limité dans certaines zones rurales. Il y a aussi des améliorations à faire dans le cadre du dépistage précoce et de l’accès aux traitements, pour réduire le taux de mortalité .
L’accompagnement psychosocial : une nécessité
L’accompagnement psychosocial vise à soutenir le patient dans cette transition, en l’aidant à surmonter ce qu’on appelle les chocs émotionnels, pour s’adapter à la réalité. En effet, être diagnostiqué d’un cancer se présente souvent comme une rupture biographique. C’est-à-dire que le patient est confronté à une remise en question de ce qui, auparavant, faisait sens pour lui.
À partir de ce moment, tout est une question d’adaptabilité à la situation. Cet accompagnement est un élément crucial dans le processus de prise en charge du patient depuis l’annonce de la maladie.
D’ailleurs, Pierre Bourdieu a beaucoup insisté sur l’importance de la relation humaine dans l’accompagnement psychosocial, qui dépasse l’aide matérielle, pour inclure la réhabilitation sociale et émotionnelle, « le travail social, lorsqu’il est bien fait, est un combat contre l’exclusion. Il ne se limite pas à répondre aux besoins matériels, mais à créer des relations humaines, à restaurer une dignité que la souffrance sociale a abîmée ».
Elle va au-delà des soins médicaux. Il s’agit plutôt d’un soutien psychologique, social, émotionnel, qui peut aider le patient à faire face aux défis auxquels il sera confrontés, tels que les répercussions profondes sur sa vie quotidienne, ses relations sociales et son bien-être mental. Beaucoup de patients peuvent perdre leur emploi, changer leurs habitudes familiales et sociales, ou même se sentir marginalisés par leur entourage.
Quid des femmes malades et abandonnées par leur époux. D’ailleurs, dans un entretien accordé à nos confrères de l’APS en 2023, l’économiste et ancien ministre El Hadji Ibrahima Sall, Président de House of Peace and Sharing (HPS), une association dédiée à la lutte contre les cancers féminins et le cancer des albinos, déclare que « moins d’un époux sur 10 accompagne leur femme à l’hôpital et près des 70 % des maris divorcent dans les six mois qui suivent la découverte de la maladie’’.
Il est vrai que dans notre pays, la famille joue un rôle primordial. Elle est très souvent la principale source de soins. Cependant, cette attente culturelle peut créer une pression supplémentaire, tant sur le malade que sur les soignants informels, qui doivent jongler entre les soins et leurs responsabilités quotidiennes.
Dans certains groupes sociaux, parler de cette maladie est souvent un sujet tabou, perçu comme une maladie honteuse ou incurable. Combien de femmes ont souffert de cette maladie en silence jusqu’à atteindre une phase incurable ? Pourtant, malgré les tabous, des formes de solidarité communautaire peuvent se manifester, notamment par le biais d’associations locales ou religieuses, qui offrent un soutien émotionnel et parfois, financier.
D’autre part, les croyances spirituelles peuvent avoir une grande influence sur la manière dont les individus et leurs familles appréhendent la maladie. Certains malades trouvent du réconfort dans la prière, la méditation ou le soutien de leur guide spirituel.
L’accompagnement psychosocial dépend aussi de la nature des relations entre les professionnels de la santé et leurs patients car, les types de relations procurent des effets positifs ou négatifs sur la psychologie du patient. Une communication empathique, honnête et respectueuse, peut renforcer également le moral du malade et lui donner un sentiment de contrôle sur sa maladie.
Toutefois, les infrastructures de santé publique ne disposent pas toujours des ressources humaines et matérielles, pour offrir un soutien psychosocial de qualité aux malades, eu égard aux efforts de l’État, qui joue un rôle crucial dans le renforcement de l’accompagnement psychosocial, en collaboration avec des ONG comme la Ligue Sénégalaise contre le Cancer (LISCA) .
Cependant, ces efforts sont souvent limités par des ressources insuffisantes, même si des ONG tentent de combler cette lacune, en offrant des services de soutien psychologique et en sensibilisant la population aux besoins des malades.
Une pensée pieuse à toutes nos mamans, sœurs et filles, qui se battent au quotidien contre ce monstre. Pour nous autres, le dépistage peut encore sauver des vies, alors n’hésitons plus.
Néné Jupiter Ndiaye
Journaliste / Sociologue