Comment des officiers ukrainiens ivres sur un yacht de plaisance ont fait exploser le prix du gaz: l’histoire derrière le sabotage du gazoduc Nord Stream
L’Ukraine a participé au sabotage des gazoducs Nord Stream qui a entraîné une hausse importante du prix du gaz en 2022. Le président Zelensky était au courant des plans et les a même autorisés avant de changer d’avis, révèle une enquête du “Wall Street Journal”. Une opération née lors d’une soirée bien arrosée et qui s’est concrétisée grâce à “la détermination d’une poignée de personnes prêtes à risquer leur vie pour leur pays”, assure un officier qui a participé à la manœuvre.
Jeffrey Dujardin SOURCE 7/7
26 septembre 2022, 2h03 heure locale. Des sismologues détectent de violentes secousses sur les fonds marins de la mer Baltique, au large des côtes danoises.
Lorsque les autorités arrivent sur place, il apparaît que les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, qui transportent le gaz de la Russie vers l’Allemagne, ont été sérieusement endommagés. L’hypothèse d’un sabotage est immédiatement évoquée. En pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine, cela entraîne une hausse vertigineuse des prix du gaz en Europe.
Soirée arrosée
Tout commence par un toast lors d’une soirée arrosée en mai 2022, où quatre hauts fonctionnaires ukrainiens et quelques riches hommes d’affaires, entre autres, sont réunis pour célébrer le succès remarquable de leur pays dans la maîtrise de l’invasion russe. Le cocktail de la joie, comprenant patriotisme et alcool, donne à l’un d’entre eux une idée radicale: “Et si nous détruisions Nord Stream?” Le trésor de guerre de la Russie serait fortement entamé si le gaz ne pouvait plus être fourni à l’Europe.
Même à tête reposée et sans alcool dans le sang, l’idée semble logique et, au cours des mois suivants, elle est sérieusement explorée. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky approuve le plan, selon quatre sources bien renseignées. “Je ris toujours quand je lis dans les médias des spéculations sur une opération géante impliquant des services secrets, des sous-marins, des drones et des satellites”, s’amuse, auprès du média américain, un officier impliqué dans l’opération. “Tout le plan est né d’une soirée bien arrosée et de la détermination d’une poignée de personnes prêtes à risquer leur vie pour leur pays.” L’opération, estimée à 300.000 dollars, est financée par des hommes d’affaires.
Six personnes spécialisées, dont des militaires et des civils expérimentés, sont mobilisés. L’équipe comprend un skipper, quatre plongeurs en haute mer et une femme d’une trentaine d’années, afin de créer l’illusion qu’il s’agit d’un groupe de touristes. En septembre 2022, un yacht de plaisance baptisé Andromeda est loué à Rostock, en Allemagne. L’équipement est limité: navigation par satellite, équipement de plongée, sonar portable et cartes des fonds marins où se trouvent les oléoducs. Au cœur de la nuit du 26 septembre 2022, ils fixent des explosifs HMX (dont la détonation s’accompagne de températures élevées, ndlr) avec minuterie et détonation sur les pipelines.
Des sismologues scandinaves songent d’abord à un tremblement de terre sous-marin ou à une éruption volcanique, jusqu’à ce que des bulles de gaz atteignent la surface de la mer. Trois puissantes explosions provoquent le plus grand rejet de gaz naturel jamais mesuré, comparable aux émissions annuelles de CO2 du Danemark. Les deux gazoducs Nord Stream sont irrémédiablement endommagés et la guerre semble proche. L’Occident accuse dans un premier temps la Russie, qui à son tour pointe du doigt la Grande-Bretagne et les États-Unis. Les explosions sèment la panique et les prix du gaz en Europe occidentale augmentent de façon spectaculaire. Aujourd’hui encore, l’impact se fait sentir, l’Allemagne payant toujours 1 million par jour pour du gaz flottant et des terminaux GNL.
À la recherche d’un yacht de plaisance
Pour les services de renseignement, ce n’est pas une surprise. Après la catastrophe du vol MH17 en 2014, le MVID (Military Intelligence and Security Service) néerlandais avait mis en place un vaste réseau de renseignements en Russie et en Ukraine. Le MVID sait dès le mois de juin qu’une équipe de sabotage ukrainienne souhaite louer un yacht de plaisance. L’information est transmise à la CIA, qui demande au président ukrainien Volodymyr Zelensky de mettre fin à l’opération. Une requête acceptée, selon les sources.
Le chef de l’état-major ukrainien de l’époque, le général Valery Zaluzhny, décide cependant de poursuivre l’opération et assure à son président qu’il est trop tard pour faire marche arrière. Actuellement ambassadeur au Royaume-Uni, il a nié ces informations dans le quotidien américain.