L’intelligence artificielle complique la lutte contre les «fake news» sur le continent africain

Les fake news ou fausses informations circulent énormément en Afrique de l’ouest avec une nouvelle difficulté, les contenus générés à partir de l’intelligence artificielle (IA). Une nouvelle plateforme de fact checkingFact Africa, veut lutter contre ce fléau. À Dakar, ses membres, des journalistes et blogueurs venus de toute la sous-région organisent aujourd’hui une conférence pour proposer des outils de vérification de l’information. Car les fake news s’immiscent dans tous les domaines.

Avec Juliette Dubois correspondante RFI à Dakar, 

En Afrique de l’Ouest et en particulier dans le Sahel, une thématique fait particulièrement l’objet de fausses informations et manipulations. « 80-90 % des fausses informations sont basées sur la question sécuritaire, explique Malick Konaté, journaliste, à la tête de la nouvelle plateforme Fact Africa. On a l’habitude de voir des petites vidéos qui ont été générées par l’intelligence artificielle pour dire que tel groupe a attaqué tel groupe ou même l’armée a attaqué tel groupe. »

Démêler le vrai du faux devient de plus en plus compliqué avec des puissants outils d’intelligence artificielle en accès libre. « Tout récemment, il y a une vidéo qui circulait de l’artiste Aya Nakamura. Les ressortissants des pays de l’AES (Alliance des États du Sahel) ont diffusé cette vidéo-là, disant que l’artiste a chanté pour Assimi Goïta et Ibrahim Traoré. À travers l’IA, on peut générer la voix d’un artiste et on peut écrire les textes. »

Manque d’outils de vérification

Les fact-checkeurs manquent d’outils pour vérifier l’authenticité des contenus, par exemple des pastilles audios. Ils doivent se fier à leur intuition et vérifier les sources. Parfois, il s’agit d’images ou de vidéos authentiques, mais sorties de leur contexte original.

Rita Pascale est juriste, blogueuse et présidente de l’association des blogueurs de Côte d’Ivoire. Elle constate : « Il y a eu une arrestation toute récente d’un activiste politique qui avait fait état d’une situation qui était dans les prisons au niveau de la Côte d’Ivoire, qui disait que des prisonniers politiques étaient maltraités avec à l’appui des photos. Ces photos étaient sorties de leur contexte, ce n’étaient pas des photos de la prison. »

Dans ces cas-là, des outils simples existent pour vérifier la provenance des images. Le collectif Fact Africa souhaite donc faire de l’éducation aux médias pour sensibiliser le public à ces réflexes de vérification.

La republication de fausses informations sur les réseaux sociaux, un mode d’action privilégié

Derrière la diffusion de fake news, on trouve des robots automatisés qui partagent les contenus, des militants politiques, ou des internautes bien intentionnés qui se font berner. Mais il y a également de plus en plus de mercenaires de l’information, choisis parce qu’ils ont une large communauté avec qui partager ces informations. C’est ce qu’a constaté Sally Bilaly Sow, qui est à la tête de Guinée Check.

« Il y a des entrepreneurs d’influence qui se mettent en place dans l’optique de sous-traiter l’information pour pouvoir justement ne pas trop s’afficher », explique-t-il. « Dernièrement, il y a eu un message qui avait été partagé en Guinée dans des groupes WhatsApp. Il s’agissait de proposer à des gens de republier un message. D’après les auteurs, il y a un coup de déstabilisation de la Guinée qui allait être perpétré par une puissance occidentale. Il suffisait juste de diffuser sur ta page Facebook ou ton compte, tu allais recevoir minimum 100 €. Vous imaginez 100 € dans des pays où parfois les revenus n’atteignent même pas les 100 €. »

« En Guinée, depuis mai 2024, l’espace informationnel est verrouillé. Vous avez des médias qui ont été fermés. Aujourd’hui, ces journalistes sont vulnérables parce qu’ils cherchent à vivre, ils ont des familles. Quand il y a des acteurs qui ont de l’argent, qui proposent des contenus (pour lesquels) on leur demande juste de diffuser, vous voyez ce que ça fait ! »

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