Focus – Prise en charge de la dialyse : Rein ne sera plus comme avant

L’Etat du Sénégal, qui a initié la gratuité de la dialyse dans les structures publiques depuis 2012, continue à subventionner et multiplie les infrastructures de prise en charge au fil des années. Mais, la situation reste intenable pour les malades et leurs familles, qui doivent supporter les coûts qui sont exorbitants. Chaque année, l’Etat du Sénégal met 6 milliards dans la prise en charge de 2 mille malades sur une population de 850 mille insuffisants rénaux.Par Alioune Badara CISS – Chaque jour, les plaintes et complaintes des insuffisants rénaux font écho au coût de la prise en charge. La dialyse est un traitement vital. Pour les personnes souffrant d’insuffisance rénale, les enjeux financiers associés au traitement sont immenses. Les coûts supportés individuellement s’élèveraient à plus de 10 millions de F Cfa par an dans le secteur privé, une manne financière insoutenable pour la plupart des familles sénégalaises. Les coûts de la dialyse, pour les patients qui les supportent eux-mêmes, mettent en péril la sécurité financière des ménages et entraînent de graves conséquences sociales. Une maladie appauvrissante.Aujourd’hui, la maladie rénale constitue un véritable problème de santé publique. Dans le monde, ce sont 850 millions de personnes qui souffrent d’insuffisance rénale. Alors qu’au Sénégal, les dernières estimations font état de 850 mille personnes. Ces statistiques ne sont que

car la grande majorité des malades ignorent leur situation rénale. Pr Abdou Niang, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et président de la Société sénégalaise néphrologie, dialyse et transplantation, donne un chiffre qui fait froid dans le dos : seuls 2 mille malades sont sous dialyse. «Mais on sait que chaque année, nous avons plus de 1000 Sénégalais qui arrivent au stade terminal de la maladie rénale et qui ont besoin de dialyse, et malheureusement qui ne peuvent pas avoir accès à la dialyse pour diverses raisons», regrette Pr Niang.


Cette maladie semble être banalisée par beaucoup de Sénégalais alors qu’une étude faite par la Société sénégalaise de cardiologie a montré que 41% des Sénégalais souffrent d’hypertension.

D’où l’invite lancée aux Sénégalais à aller prendre la tension régulièrement pour que les hypertendus puissent être pris en charge. Le diabète aussi fait partie des causes, a déclaré le président de la Société sénégalaise de néphrologie, dialyse et transplantation.

«Ce sont environ 10% des Sénégalais qui souffrent de cette maladie. Malheureusement, tous les hypertendus et les diabétiques sont à risque de détruire leur rein. Et quand on voit la population actuellement d’hémodialysés ou de dialysés au Sénégal, ce sont 60%  qui sont en dialyse du fait du diabète et de l’hypertension artérielle.

Ça veut dire que si nous faisons un bon travail de prévention, nous pouvons diminuer la population qui arrive au stade de la dialyse», précise Pr Abdou Niang.

6 milliards F par année pour 2 mille malades sur 850 mille insuffisants rénaux


Des chiffres alarmants qui interpellent aujourd’hui les autorités, notamment les soins de cette maladie très coûteuse.


Bien sûr, le Sénégal s’est doté de centres de dialyse un peu partout à travers le pays et de ressources humaines pour le traitement de cette maladie, néanmoins les coûts restent encore exorbitants. «On est passés de 3 centres de dialyse en 2013 à 26 aujourd’hui. Nous avons fait un grand pas, parce qu’actuellement dans chacune des 14 régions du Sénégal, il y a un centre de dialyse.


En 2005, on n’avait que 3 néphrologues au Sénégal. Mais actuellement nous avons 50 néphrologues qui ont été majoritairement formés au Sénégal et qui sont dans ces différents centres. Mais c’est encore très faible par rapport à la demande, parce que nous sommes à moins de 4 millions d’habitants.

Les pays développés ont plus de 30 néphrologues par million d’habitants. Cela veut dire qu’il y a du travail qui a été fait, mais on doit continuer ce travail en termes de ressources humaines et d’équipements pour combler le gap de l’importance de la demande par rapport à la faiblesse de l’offre», déclare Pr Niang.

3750 milliards dépensés pour soigner 100 000 malades


Pour soulager les malades et les aider à supporter ce fardeau, les ministres de la Santé et de l’action sociale, et de la Famille et des solidarités, Dr Ibrahima Sy et Mme Maïmouna Dièye, ont procédé, jeudi à Saly, à des discussions sur la gestion de la gratuité de la dialyse, dans le cadre du programme de Couverture sanitaire universelle.

L’objectif visé ?


Améliorer le système de protection sociale en santé et plus particulièrement pouvoir répondre efficacement aux besoins des patients souffrant d’insuffisance rénale.


Malgré tous les investissements qui ont été faits, la dialyse coûte très cher. Et le coût cumulé depuis le début des traitements dans le pays, qui remonte à plusieurs décennies, est énormissime.
«Ce sont 3750 milliards de dollars qui ont été dépensés pour soigner moins de 100 mille personnes», note l’enseignant-chercheur.


Au Sénégal, depuis 2016, l’Etat dépense 6 milliards par an. «Ce qui fait un total de 42 milliards (ces 8 dernières années). Malheureusement, si tout ce budget ne nous permet que de soigner 1500 malades, il faut que nous revoyions le financement.

C’est d’ailleurs pour ça que nous avons organisé cette réunion à Saly, afin de se dire que nous n’avons pas beaucoup de moyens, mais nous devons optimiser pour qu’au moins même si on n’a pas beaucoup d’argent, le nombre de malades qu’on soigne avec cet argent puisse augmenter.


Et c’est là, dans l’audit de l’utilisation, que l’Agence nationale de Couverture sanitaire universelle s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de déperdition de dialyse, et qui tourne autour de 200 mille», souligne l’enseignant-chercheur.


Pour optimiser les ressources afin de soigner plus de malades, des techniques de dialyse à domicile ne manquent pas, comme cela se fait depuis 40 ans dans le monde.

Parmi ces techniques, le Sénégal a démarré depuis 2003, la technique de dialyse péritonéale, mais elle rencontre quelques problèmes. «C’est que cette technique ne s’est pas beaucoup développée. Avec cette technique, le malade n’a pas besoin de se déplacer trois fois par semaine à l’hôpital.


Il vient, on l’hospitalise pour une semaine, on lui place un tuyau dans le ventre et au bout de 15 jours, on lui donne des poches contenant un dialysat, et c’est lui-même qui va se traiter à la maison. Chaque deux mois, il vient à l’hôpital pour faire des analyses, et il a même une meilleure qualité de vie que le malade qui est sur une machine d’hémodialyse.


Nous avons constaté que les malades qui viennent 3 fois en hémodialyse ont des difficultés pour travailler alors que le dialysé doit continuer à travailler», poursuit-il.


Le professeur en médecine assure que les autorités pourront aider les techniciens à mieux développer cette stratégie au Sénégal. «Il y a un travail de vulgarisation à faire», ajoute-t-il.


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