SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE DE L’AFRIQUE – Les dix commandements de Dakar

Dans une déclaration parvenue hier à ‘’EnQuête’’, Ndongo Samba Sylla, Demba Moussa Dembélé et plusieurs autres intellectuels d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Nord et d’Europe prescrivent dix orientations phares pour un monde meilleur, plus juste.

Dégradation du climat, pertes de biodiversité, pollution, finance spéculative, guerres et inégalités rampantes. Les maux qui s’abattent sur la planète sont nombreux et multidimensionnels. La plupart résultent, si l’on en croit la Déclaration de Dakar rendue publique hier, de l’ordre capitaliste néolibéral accompagné d’une forme d’impérialisme bien ancrée. À en croire le Dr Ndongo Samba Sylla, Demba Moussa Dembélé et Cie (membres du Groupe multidisciplinaire, signataires de la déclaration), il ne faut pas accepter la crise actuelle ; il faut plutôt y faire face.

 Dans le document envoyé à ‘’EnQuête’’, ils pestent : ‘’… Nous affrontons la crise tout en cherchant des alternatives en solidarité avec les travailleurs, les sans-terres, les paysans, les femmes, les militants pour la justice climatique et les groupes similaires. Nous lançons ainsi la Déclaration de Dakar dans le but d’initier une coopération durable et marquée du sceau de la confiance entre les initiatives et les mouvements qui partagent son esprit.’’

Dans l’ensemble, les signataires de la Déclaration de Dakar tablent sur dix objectifs stratégiques principaux. D’emblée, ils notent l’absence de volonté ou l’incapacité des gouvernements à mettre en œuvre les transformations véritables dont le continent africain a besoin pour se tirer de la pauvreté endémique. Aussi, réclament-ils plus de renforcement des masses pour impulser des dynamiques transformatrices.

Selon le document, l’Afrique a certes besoin d’États forts, démocratiques et responsables, mais elle a encore plus besoin de peuples plus forts pour défendre ces États et les pousser à en faire toujours plus pour la majorité. ‘’Les États africains peuvent et doivent mobiliser la main-d’œuvre et les ressources africaines pour répondre aux besoins propres de l’Afrique, ressuscitant ainsi les ambitions de développement qu’ils avaient à l’orée de la période post indépendante’’, lit-on dans la déclaration. Dans cette optique, la construction d’alliances régionales s’avère nécessaire et possible, selon les signataires. Qui ajoutent : ‘’La réaffirmation de notre souveraineté économique et monétaire, et la soumission des intérêts étrangers à nos besoins et intérêts internes deviennent plus faciles. Cette croissance de la souveraineté politique pour transformer structurellement nos économies et nos sociétés peut nous permettre de nous attaquer fondamentalement aux questions de longue date que sont : la pauvreté, le développement social et la démocratisation.’’

Plus d’inclusion dans le système mondial

Si l’on en croit les rédacteurs, il faudrait également travailler à la construction d’un nouveau multilatéralisme où les institutions et les fora politiques mondiaux seraient inclusifs, démocratiques et refléteraient les préoccupations véritables des populations du Sud. ‘’Le militarisme et l’impérialisme ne peuvent, selon eux, continuer à modeler politiquement le système mondial’’.

Dans la même veine, les amis de Ndongo Samba Sylla et de Demba Moussa Dembélé insistent sur la nécessité de faire bloc contre les inégalités mondiales dans un contexte de dégradation du climat, de volatilité de la finance et des prix des matières premières qui placent le Sud dans une situation particulièrement défavorable.

Dans le diagnostic de Dakar, la question de la dette a également occupé une bonne place. À en croire les participants, les crises récurrentes de la dette doivent surtout cesser. Ils prônent ainsi une approche globale pour corriger l’impact néfaste des dettes excessives en monnaie étrangère – y compris celles émises par le FMI – et des dettes odieuses. ‘’Des annulations de dettes généralisées, profondes et rapides sont essentielles. Elles doivent être axées sur le soutien à la transformation économique’’, soutiennent-ils, non sans ajouter : ‘’Nous devons mettre un terme au vol permanent commis par les sociétés transnationales du Nord lorsqu’elles transfèrent leurs revenus dans des paradis fiscaux et puis les investissent sur les marchés financiers, le tout revêtu du langage inoffensif de ‘l’investissement direct étranger’. À cette fin, il convient de promouvoir et de mettre en œuvre activement des mesures telles que le contrôle des capitaux, la lutte contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites, ainsi que l’imposition équitable des sociétés transnationales.’’

Un plan mondial de réparation pour aider les pays du Sud à faire face à la crise environnementale

Pour traiter de manière équitable la crise environnementale multidimensionnelle que vit la planète, il faudrait également un programme mondial de réparations. De l’avis des signataires, il faut chercher à élaborer techniquement ce plan, le légitimer, le préconiser, le défendre et le mettre en œuvre. ‘’Nous soutenons à cet effet les efforts de nos sœurs et frères africains-américains et caribéens en vue d’une justice réparatrice… Nous agissons, enseignons, recherchons et nous mobilisons dans nos contextes locaux et nationaux, au niveau régional et transnational… Nous le faisons dans le but de construire un mouvement durable et d’acquérir une réelle influence sur nos processus politiques’’, insistent les signataires, non sans appeler au renforcement de la coopération panafricaine, Sud-Sud et à la solidarité mondiale pour la cause collective.

La Déclaration de Dakar est une initiative d’un groupe d’universitaires, de décideurs politiques et de militants d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord. Parmi eux, il y a des économistes, des politologues, des historiens, des sociologues et des anthropologues. Ils s’étaient dernièrement réunis à Dakar dans le cadre d’une Conférence internationale sur la souveraineté économique et monétaire de l’Afrique, avec l’appui de la fondation Rosa Luxembourg.

MOR AMAR

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