Asie du Sud-Est: l’Asean d’accord pour discuter avec l’opposition birmane
Les dirigeants de l’Asean se sont mis d’accord vendredi pour impliquer les groupes d’opposition dans le processus de paix en Birmanie, jusque-là inefficace face aux violences qui continuent de s’intensifier, lors de leur sommet annuel, à Phnom Penh.
La crise avec Naypyidaw a dominé les débats lors du premier jour du grand raout des leaders de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), qui se poursuit samedi par l’arrivée du président américain Joe Biden.
Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, n’a pas été invité pour la deuxième année de suite. Son absence trahit le manque de progrès dans les discussions que l’Asean essaie de mener pour résoudre la crise en Birmanie.
Le pays reste en proie à un conflit civil sanglant depuis le coup d’Etat du 1er février 2021, sans que le plan de sortie de crise convenu l’an dernier entre la junte et l’Asean ne change son cours meurtrier.
Cette feuille de route, à laquelle l’Asean reste accrochée, comprend notamment des appels pour mettre fin aux violences, et installer un dialogue entre tous les acteurs – deux points largement ignorés par l’armée au pouvoir.
Les leaders du bloc régional ont évoqué pour la première fois « un plan de mise en oeuvre avec des indicateurs concrets (…) et un calendrier spécifique », qui puisse évaluer les efforts de Naypyidaw, accusé de traîner les pieds, pour trouver une issue pacifique.
Ca sera aux ministres des Affaires étrangères de l’Asean de préparer ce texte, ont-ils précisé dans un communiqué commun.
– « un avertissement » –
Les médias officiels birmans ont déjà mis en garde le bloc régional contre les conséquences « négatives » qu’engendrerait l’application d’un calendrier pour le processus de paix.
Les dirigeants réunis au Cambodge se sont aussi mis d’accord pour « engager bientôt toutes les parties prenantes » dans le processus de paix.
Le dialogue doit être mené par l’envoyé spécial de l’Asean pour la Birmanie d’une manière « flexible et informelle », ont-ils précisé.
Cela ouvre la voie à des discussions avec le « gouvernement d’unité nationale » (NUG), un organe fantôme dominé par des anciens députés du parti d’Aung San Suu Kyi – pour beaucoup en exil -, qui fédère l’opposition à la junte.
Mais celui-ci ne contrôle aucun territoire, et l’armée au pouvoir l’a classé comme « terroriste ».
Prendre langue avec le NUG constituerait un geste significatif pour l’Asean, dont certains des membres, attachés au principe de non-ingérence, restent prudents avec la Birmanie.
« Si la situation le requiert », les dirigeants de l’Asean ont prévenu qu’ils pourraient durcir le ton en suspendant la Birmanie de toutes ses réunions. Aujourd’hui, seuls les sommets entre dirigeants et ministres des Affaires étrangères sont fermés à la junte.
« C’est un avertissement, un message fort de la part des dirigeants », a lancé Retno Marsudi, la ministre indonésienne des Affaires étrangères, aux journalistes.
– « accord de principe » pour intégrer le Timor oriental –
Il est « temps de mettre en oeuvre un plan alternatif au vu du progrès limité » constaté jusque-là, a déclaré Dan Espiritu, secrétaire adjoint des Philippines pour l’Asean.
La situation en Birmanie est « critique et fragile avec la hausse des violences », a-t-il décrit.
La Birmanie pourrait continuer d’occuper l’actualité ce week-end, avec l’arrivée de Joe Biden qui doit voir samedi ses homologues de l’Asean – première étape de sa tournée asiatique, avant le G20 à Bali où il rencontrera lundi le président chinois Xi Jinping.
Le Premier ministre Li Keqiang a representé la Chine vendredi lors de la réunion entre l’Asean et son puissant voisin.
L’Asean a également ouvert la porte à un 11e membre, le pays le plus jeune de la région: le Timor oriental, 1,3 million d’habitants, indépendant depuis 2002, après 24 ans d’occupation sanglante indonésienne.
Il existe un « accord de principe » pour intégrer l’ancienne colonie portugaise.
Cet élargissement pourrait intervenir lors du prochain sommet, en Indonésie, qui doit occuper la présidence tournante du bloc régional.
Le président Jose Ramos-Horta a longtemps fait campagne pour l’adhésion à l’ASEAN et une demande a été soumise pour la première fois en 2011.
M. Ramos-Horta, qui a reçu le prix Nobel de la paix, a remporté un deuxième mandat en avril, après avoir été en poste de 2007 à 2012.