Corée du Sud: face aux punaises de lit, le site d’un informaticien fait fureur

Quand les articles de médias sur une recrudescence des punaises de lit en Corée du Sud ont commencé à pulluler, Kang Jae-gu, jeune ingénieur en informatique qui voue une véritable phobie aux insectes, a immédiatement commencé à analyser les données.

Pendant que les autorités sud-coréennes tentent d’endiguer le phénomène en installant des chauffages à vapeur dans le principal aéroport du pays et en autorisant l’usage domestique d’insecticides industriels, M. Kang, 29 ans, a commencé par cartographier tous les signalements.

La Corée du Sud, largement épargnée par le phénomène pendant des années, a vu les infestations de punaises de lit se multiplier avec la reprise des voyages après la pandémie, et plus de 100 cas ont été signalés dans le pays depuis fin novembre, selon des chiffres officiels.

Et alors que la démangeaison nationale grimpe en intensité, le site que M. Kang a créé, begbugboard.com a connu un succès viral, recevant jusqu’à 50.000 visites quotidiennes.

« Je suis tellement sensible aux insectes que je dors sous une moustiquaire toute l’année », explique M. Kang à l’AFP, avouant que le simple fait de devoir regarder des photos des insectes et de leurs oeufs pour son site lui donne « la chair de poule ».

Sa phobie des punaises de lit l’a encouragé à créer sur son site une carte interactive indiquant l’emplacement des infestations signalées dans tout le pays, ainsi que les articles de médias en temps réel sur le sujet.

Des inquiétudes similaires ont pris de l’ampleur ces derniers mois notamment à Paris, touchée par une forte augmentation des signalements de ces insectes qui ont entraîné des fermetures d’écoles, à quelques mois des Jeux olympiques de 2024.

« Problème important de santé publique »

Le chercheur Eom Hoon-sik tient un petit gobelet en plastique contenant des punaises de lit qu’il observe au microscope à Séoul, le 28 novembre 202

En Corée du Sud, 44% des cas signalés l’ont été dans des « gosiwon », des logements minuscules et bon marché mesurant généralement moins de cinq mètres carrés. D’autres types de logement précaire, des dortoirs d’étudiants et des bains publics sont aussi affectés.

Les autorités locales de Séoul ont réagi en allouant 700 millions de wons (près de 500.000 euros) aux habitants de logements vulnérables dans la capitale.

L’aéroport international d’Incheon, le plus grand du pays, prévoit d’installer des chauffages à vapeur à très haute température ce mois-ci pour tuer les punaises de lit qui joueraient aux passagers clandestins.

Séoul a aussi autorisé récemment l’usage domestique de néonicotinoïdes, des insecticides très puissants utilisés normalement dans l’agriculture.

« La ville de Séoul considère la gêne et l’inquiétude des citoyens causées par les punaises de lit comme un problème important de santé publique », a déclaré Park Yu-mi, une fonctionnaire du gouvernement métropolitain de la capitale. La ville « cherche à prendre l’initiative dans la mise en œuvre de contre-mesures », a-t-elle ajouté.

Disparus de la vie quotidienne dans les années 1950, les punaises de lit se sont multipliées ces dernières décennies dans les pays développés, notamment à cause d’une densité urbaine grandissante, de l’explosion des voyages et de leur résistance croissante aux insecticides.

Jang Young-jin (droite), PDG de la société de contrôle des nuisibles Bugs Clean, montre comment traiter un matelas infesté de punaises de lit à Séoul, le 28 novembre 2023

Jang Young-jin (droite), PDG de la société de contrôle des nuisibles Bugs Clean, montre comment traiter un matelas infesté de punaises de lit à Séoul, le 28 novembre 2023

Ces nuisibles suceurs de sang, dont les piqûres provoquent généralement des lésions cutanées relativement bénignes (rougeurs et démangeaisons), peuvent toutefois avoir des conséquences plus graves: allergies, crise d’asthme, anémie et troubles psychologiques (stress, anxiété, dépression).

« Les punaises de lit peuvent vivre plus de 100 jours sans vraiment s’alimenter. Elles sont minces et se cachent très bien », rappelle dans une vidéo sur YouTube Kim Ju-hyeon, un professeur de médecine tropicale à l’Université nationale de Séoul.

M. Kang prévoit de faire tourner son site tant que l’invasion en Corée du Sud ne se sera pas calmée. Lui-même n’a jamais été victime de punaises de lit, mais il dit bien s’imaginer « à quel point ça pourrait être stressant » si cela lui arrivait.

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