SENEGAL – Electricité ou énergie : à quelle Crse se fier ?
Le chamboulement s’accélère dans le paysage énergétique national, le Sénégal attend les premières livraisons de combustible issues des champs gaziers de Grand Tortue et de Sangomar dont les unités de production sont déjà en phase de réception.
Les productions de pétrole et surtout de gaz définiront la trajectoire économique et financière pour les trente, voire les cinquante ans à venir.
L’économie sénégalaise, de très petite taille, car n’étant même pas à 1% du Pib mondial –aujourd’hui en 2023-, prendra du galon au terme de dix ans, correspondant au pic de production pétrolière et gazière vers 2030, le Pib du Sénégal pourrait être multiplié par deux pour atteindre 45 milliards de dollars Us, avant d’approcher la barre des 100 milliards de dollars Us vers 2050 si les taux de croissance à deux chiffres sont maintenus et que la transformation économique s’accélère. C’est donc une fortune inouïe qui attend le Sénégal.
D’où la forte pression qu’exercent les bailleurs traditionnels, avec les Ptf en tête, pour accélérer la cadence des réformes institutionnelles, et bien sûr le secteur énergétique est déjà sous les feux de la rampe de cette frénésie.
Le corpus réglementaire s’est bien étoffé à travers une cascade de codes mieux articulés, qui régit l’amont et l’aval des hydrocarbures avec la production électrique comme le cœur du secteur énergétique. Pour l’Etat sénégalais, le gaz garantit d’abord la souveraineté énergétique par l’atteinte du service universel pour les populations et jette les bases de la transformation économique via une industrialisation pour l’atteinte de l’émergence vers 2035.
D’abord la loi 2019-03 du 1er février 2019, portant Code pétrolier, et la loi 2019-04 du 1er février 2019 sur le contenu local, puis le Code gazier de février 2020 et plus récemment, le Code de l’électricité en juillet 2021, qui casse graduellement le monopole de l’opérateur historique dans la production et la distribution, tout en élargissant le périmètre du régulateur, la Commission de régulation du sous-secteur de l’électricité, qui jusque-là était confinée au activités de la Senelec.
Une mutation de taille dans la sous-région. L’objectif d’une régulation transversale d’un secteur décline une ambition de créer des synergies fonctionnelles et transformatrices de sous-secteurs qui, du fait de la disponibilité du gaz domestique, forment dorénavant une chaîne de valeurs globale. L’électricité et l’aval gazier forment ainsi un bouquet. Dorénavant, la Crse est leur régulateur, elle absorbe les missions et prérogatives de la Commission nationale des hydrocarbures.
L’opérateur historique Senelec hérite d’une mine d’or avec le gaz -sa quatrième filiale- pour ses centrales, et la possibilité de faire du trading pour le surplus. Son challenge sera la conversion de son parc de production actuel en combustion gazière et éventuellement sa décarbonation progressive pour l’empreinte climat.
D’ailleurs, pour plus de lisibilité de cette environnement réglementaire pour les arbitrages propres au secteur avec l’arrivée probable de nouveaux opérateurs, la Crse devra rapidement muer son organigramme avec la mise en place du Conseil du régulation avant l’effectivité du projet accéléré de filialisation de la Senelec qui a le monopole sur les trois segments organiques de l’électricité : production, transport et vente-distribution.
La Crse est, avec le nouveau Code de l’électricité, l’arbitre unique et l’agent institutionnel central du secteur énergétique au Sénégal et sera chargée de réguler les activités du secteur gazier en plus de l’électricité : le regroupement, la transformation, le stockage, l’exportation et la fourniture de gaz sous forme liquide ou gazeuse, ainsi que les activités de transport ou de distribution de gaz naturel par canalisation, de transport et de distribution de Gnl et de distribution de gaz naturel comprimé.
Logiquement, cette nouvelle mouture doit précéder la mise en œuvre opérationnelle du dégroupage organisationnel de la Senelec, déjà la nouvelle autorité administrative indépendante, Crse, doit émettre ses avis sur les décrets d’application en cours du Code de l’électricité. C’est le meilleur gage pour les partenaires-investisseurs qui seront attirés par l’ouverture de notre marché domestique de l’énergie. Il faut impérativement que l’arbitre du match précède l’entrée des équipes sur le terrain. Par conséquent, donnons un peu de répit à la Senelec afin de permettre à la Crse de faire sa mutation.
Evitons de mettre la charrue avant les bœufs.
Moustapha DIAKHATE
Ex CS Primature
Expert en finance d’infrastructure
Consultant en projet énergétique