«Tension sociale au Sénégal à l’aune du devoir d’intelligence», par Baye Salla Mar

Mes chers Compatriotes !

C’est dans un contexte marqué par une inversion des valeurs habituelles de la société sénégalaise que, fraternellement, nous élevons notre voix, une voix chaleureuse et engageante pour ceux qui nous écoutent. Aux Sénégalais, ceux de l’intérieur comme ceux de la diaspora, à la classe politique, à nos dirigeants, à nos élites, à nos intellectuels, à nos mères et à nos sœurs, à la jeunesse de ce pays, aujourd’hui plus que jamais, je demeure convaincu que nous avons toujours en nous, sans exception aucune, cette flamme si particulière de la patrie qui continue de toujours brûler, et qui fait de tous les Sénégalais, des Frères.

Nous vivons une atmosphère extrêmement lourde, sur fons de tyrannie du sensationnel et de l’évènementiel, les éléments de fragilité et de division alimentés par la peur, des manifestations, des arrestations, des angoisses, des inquiétudes planent au-dessus de nos têtes.

Dans ce régime discursif violent, saturé d’insanités de scénarii improductifs sans mesure, sans pondération, où les uns et les autres utilisent les mêmes plateformes, les mêmes canaux de communication, la même horizontalité technologique, où les ambitions s’entrechoquent, le bilan du spectacle de l’humiliation suprême de notre pays est très accablant et la peur vers le basculement est devenue notre principal lien social. A cette rançon de la profondeur de notre indignation, s’ajoute une couverture médiatique parfois biaisée, parfois tendancieuse, qui entretient et alimente cette peur, avec des propos politiques et d’élites intellectuels très médiocres, qui volent très bas.

Des habitudes totalement indignes de nous, car n’ayant aucun rapport avec ce que doivent être les vraies valeurs de notre curseur social. Ces valeurs tutélaires sous l’ombre desquelles on vivait. Ces valeurs qui ont marqué les esprits et qui faisaient de nous des références sur la scène internationale, dans le domaine de la stabilité sociale, de la paix, du dialogue, de la tolérance.

Face à la disparition de ces valeurs immatérielles qui ne rentrent pas dans les indicateurs statistiques, seul le devoir d’intelligence, ce devoir de conscience et d’autonomie, est libérateur. Il nous rappelle qu’un peuple, avant d’être un bilan commercial d’achat et de vente, c’est d’abord la culture, la paix et la stabilité qui le dessinent. Il nous montre comment marcher vers la paix plutôt que vers la violence ; en effet, il est certain, qu’il n’y a de centre de pouvoir légitime et durable que celui que les Nations décident souverainement.

Mes chers Compatriotes,

A l’heure actuelle, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic. Nous ne pouvons pas accepter que le Sénégal bascule. Notre intérêt par-dessus tout, c’est que la stabilité et la paix règnent dans ce Sénégal ; ce beau pays riche de sa diversité culturelle, religieuse et ethnique. Avec des niveaux de responsabilité différentes, chacun d’entre nous doit préparer les conditions de cette paix et de cette stabilité.

C’est parce que la violence n’a jamais réglé aucun problème, que la machine de la menace doit disparaître au détriment de la raison, du dialogue, de la discussion et de l’écoute. Il urge de rembobiner le film du saccage délibéré du Sénégal et du suicide social collectif. Nous devons travailler pour éviter de saper les derniers piliers qui nous restent de notre ressort social, déjà assez éprouvé. C’est sur les vieilles cicatrices que s’ouvrent toujours les nouvelles blessures.

On ne travaille pas la paix en préparant la guerre, on prépare la paix en travaillant à la paix. Au lieu de verser dans la menace et dans le roulement de muscles ; au lieu de cracher notre mépris les uns sur les autres. Convoquons cette paix avec toute la circonscription qui sied. J’invite donc toute la classe politique à donner une réponse démocratique à la tension politique ; à convoquer les conditions mutuelles de sécurité et de paix qui seraient exigées par les uns et par les autres, pour aller vers cette stabilité. Lorsqu’on y met les moyens, le temps, la volonté et le talent, ce climat délétère se dissipera drastiquement.

Pour résoudre un problème, on ne peut pas être au même niveau de réflexion que lorsque ce dernier est créé. Tout problème est écoutable, il est temps d’interroger les finalités. Nous avons tous un intérêt commun, c’est que le Sénégal ne sombre pas. Nous avons une responsabilité particulière sur le continent et dans la sous – région ouest africaine. C’est par le nez du Sénégal que la démocratie africaine respire.

Notre devoir d’intelligence nous a permis de façonner notre pays à notre image, il a joué un rôle positif dans la continuité et le développement de notre pays en tant que Nation. Il nous a toujours permis de surpasser les nombreuses crises internes et externes de notre histoire moderne. Aux heures de péril comme aux heures de gloire, il a toujours été l’ingrédient le plus stable pour notre esprit national.

C’est le ciment nécessaire à notre stabilité sociale, nous devons tous ensemble le chanter pour assurer notre avenir ; peu importe que le chœur soit classique, ou pop, tant qu’il y a un rythme, il possède toujours un attrait artistique. Avec le même objectif, des efforts concentrés, et une voix unie, nous produirons tous la chanson mélodieuse résonnante et belle de cette stabilité sociale.

Mes Chers Compatriotes,

C’est la société à travers ses intellectuels, ses travailleurs, ses syndicats, ses organisations, sans exclusion de religion, de sexe, d’idéologie, qui produit des idées qui lui permettent d’aller de l’avant et de penser le futur. Dans la longue marche de notre pays vers la quête de l’idéal démocratique, nous avons vu défiler des hommes politiques de tous bords, des gouvernements de toutes sortes, des leaders politiques aux visions et idéologies différentes, certains très charismatiques que avons adulés, parce que nous parlant au plus profond de notre être; d’autres dont nous avons déploré les comportements du fait de reniement du respect de la parole donnée et la valeur sacrée du serment prêté et des promesses bafouées.

Aujourd’hui, la mutation de la vie politique au Sénégal est en cours, avec l’émergence de jeunes qui veulent aussi jouer un rôle aussi prépondérant que certains de leurs Prédécesseurs. Ce nouveau Sénégal va s’avancer sur la scène politique progressivement, à travers des prises de conscience, des conflits qui vont forcément l’agiter, la faire réfléchir, la structurer et la réguler. Ce Sénégal éprouvé, conscientisé, socialement plus homogène, va murir, se construire politiquement et aller vers cette quête de l’idéal démocratique.

Aller vers cette quête de l’idéal démocratique, c’est comprendre que le droit qu’on a de penser qu’on a raison, est une conquête magnifique de la démocratie, mais, il est aussi important et fondamentale de garder à l’esprit, que son opinion n’est pas forcément synonyme de vérité absolue, et qu’elle suppose de la part de celui qui la brandit, l’écoute de l’autre. Il est vrai que gérer un pays peut parfois avoir un certain degré de complexité, surtout dans ce contexte si particulier, où quand vous prenez une décision, l’instant d’après peut vous dicter comment agir autrement, mais c’est parce que seule la parole demeure, que dans des moments de tension, on ne parle pas qu’avec ses adversaires, on parle aussi avec son opposition.

Aller vers cette conquête magnifique de la démocratie ; c’est comprendre que l’armée, la police, la gendarmerie, la justice, représentent, quelque chose de particulier dans une société, c’est sa force, c’est sa cohésion et pour cela, il faut y proscrire les disputes politiques et ses ramifications et se soustraire aux obligations de la justice, car nul n’est au-dessus des lois, nul ne doit être en dessous des lois.

C’est aussi comprendre que chaque génération est un Peuple nouveau. Le sentiment désolant que les hommes partent, s’accompagne parfois du sentiment joyeux que le Sénégal et ses institutions demeurent, au-delà des ruptures empiriques de nos hommes politiques. Le fait de voir chaque génération se pencher sur celle qui la suivra, nous laisse entrevoir que nous sommes surtout un lieu de passage et que l’essentiel de la vie, de la vie politique, se trouve dans le mouvement qui la transmet.

Mes Chers Compatriotes,

Il est vrai que par soutien, par loyauté ou par desseins inavoués, beaucoup de nos compatriotes peuvent garder un fardeau dont ils ne savent comment s’en débarrasser. Mais à l’image de ceux qui vivent au bord d’une route, d’un fleuve ou d’une mer, c’est dans l’ordre normal du chemin des hommes, des hommes politiques, de devoir un jour partir. On peut partir pour quitter une vie monotone, on peut partir pour fuir une hypocrisie sociale, partir par respect à une parole donnée, à un engagement, pour respecter les valeurs de la République, pour éviter une candidature de trop, éviter de trahir la confiance des électeurs, éviter un troisième mandat moralement impossible, on peut aussi partir, parce que tout simplement, après une mission accomplie, on doit sortir par la grande porte, partir parce que tout simplement, c’est ce qui a de mieux pour le Sénégal et pour les Sénégalais.

Même s’il est vrai que les modalités de réponses à des besoins donnés, dans un contexte, culturel, historique, social, environnemental et économique précis, peuvent être variées et multiformes. Même s’il est vrai que les mérites d’un peuple sont à chercher dans les libertés qu’elles savent défendre. On ne sombre pas dans la violence comme on entre dans la mer pour se baigner. Nous sommes libres de choisir nos actes mais pas les conséquences.

J’invite toute la classe politique à s’inspirer de l’engagement de nos joueurs en équipe nationale et de notre armée nationale, ces héros de la Nation à qui nous rendons un vibrant hommage. Le ‘’manko wutti ndamli’ n’est pas seulement valable sur le terrain sportif, ou sur le champ d’honneur, il est aussi valable, sur le terrain politique et sur le chemin du développement.

Mes Chers Compatriotes,
Mesdames, Messieurs,

L’un des grands enjeux actuels, c’est de construire un Sénégal vivable et habitable pour tous. Lorsqu’on pense le Sénégal comme une totalité, nous avons assez de ressources et de richesses pour créer les conditions d’une vie digne pour tous les Sénégalais ; créer les conditions de bien-être ; vivre en harmonie entre les hommes, mais aussi vivre en harmonie entre les hommes et la nature ; faire en sorte que tous les habitants du Sénégal arrivent à vivre dignement, à avoir des vies accomplies et assurer l’avenir de leurs enfants ; ces derniers êtres purs que le monde nous a donnés.

Aujourd’hui, rien n’est simple, et la mauvaise nouvelle, c’est que ce sera de plus en plus difficile, nous sommes entrés dans une ère d’incertitudes. Quand on voit la détresse des populations, les problèmes environnementaux, les catastrophes et les crises imputables au climat, on sent nettement qu’il y a beaucoup de choses qui vont dans la mauvaise direction.

Dans ce contexte, le vrai débat se trouve sur la compréhension limpide dans les orientations stratégiques pour développer ce pays. Il est à chercher dans la gestion durable de nos ressources naturelles, dans la création d’emploi des jeunes, dans la gestion durable des pollutions et nuisances, dans le relèvement de notre plateau sanitaire, dans la souveraineté alimentaire, dans la lutte de l’utilisation abusive des pesticides dans le secteur de l’agriculture, dans le problème foncier, dans la lutte contre la corruption, dans l’éducation, dans l’agriculture, l’élevage et la pêche, dans la gestion protection de nos forêts, dans l’industrialisation, …pour ne citer que ceux-là.

A ma famille de pensée écologique !

Rien de digne ne peut se construire dans l’arrière-cour des autres. Rien de durable ne peut se construire dans la division. C’est pourquoi, j’en appelle aux retrouvailles de la grande famille écologique. Nous sommes tous conscients du fait qu’avec l’urgence écologique, notre tour est venu de jouer un rôle primordial dans le landerneau politique sénégalais.

Tout ce sur quoi nous alertions, est sous nos yeux et s’impose de plus en plus dans l’agenda de tous, gouvernants comme gouvernés. Il est vrai qu’au Sénégal, la lutte écologique a été couverte de balafres, en quête d’un second souffle ; si nous avions du mal à trouver notre propre voie, c’est parce que nous avons toujours été minés par des querelles intestines, accompagnées de divergences profondes. Aujourd’hui, une grande page de l’histoire du Sénégal est en train de s’écrire. Il est temps de taire ces querelles et de se retrouver autour de l’essentiel.

L’urgence écologique, le désastre social et le délabrement de la démocratie, sont les trois visages d’une même réalité. Nous étouffons sous le règne du capitalisme. Dans un monde qui bouge sans cesse où chaque minute bouscule la précédente, nous avons des défis énormes à relever, notre rôle n’est pas seulement d’observer et de commenter, mais d’agir en cherchant les réponses. La priorité écologique est gage de paix et de stabilité sociale mais également, de maintien de la démocratie. Nous ne devons pas seulement être des éveilleurs de conscience, qui nous résumerait tout simplement à un rôle de témoin, mais nous devons surtout porter la révolution des idées et la révolution des actes.

Pour rappel, à un moment donné de leur histoire, nos Etats africains ont adhéré à l’idée de modèles de développement vu et prôné par les Occidentaux. Les mesures politiques et ces modèles économiques classiques se sont révélés inadaptés à nos sociétés, parce que creusant des inégalités, appauvrissant les plus démunis, contribuant à la dégradation excessive du capital naturel et à une augmentation considérable des risques environnementaux. Pris comme point de départ, tous ces problèmes doivent nous inciter à inventer et à imaginer un avenir meilleur, un autre futur.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’écologie politique est la voie d’accès royale pouvant nous permettre d’atteindre le développement tant souhaité parce que diminuant la pression exercée sur l’environnement, conditionnant les scenarii d’aujourd’hui et ceux de demain et prenant en compte l’ensemble des fonctions de la vie économique, sociale et environnementale. Elle est le domaine de la répartition de la connaissance juste. C’est à travers une réflexion profonde et une analyse de toutes ces dynamiques en cours, que nous arriverons à identifier nos potentialités heureuses et permettre à l’écologie politique de jouer son véritable rôle au Sénégal.

Mes chers Compatriotes,

En guise de conclusion, je dirais que nous ne pouvons pas continuer comme selon un rituel immuable, à toujours régler un problème en y laissant dix regrets, à continuer à trahir les discours affichés ; continuer à utiliser l’argent du contribuable pour nourrir les ambitions et les idées de la classe politique et de certains membres de l’administration. Notre pays a besoin d’hommes politiques forts et des institutions fortes, qui mettent en avant la protection du pouvoir d’achat avant la gestion des calendriers politiques ; qui ne soient plus des serviteurs d’un système où le salut est toujours provisoire et n’offre de refuge qu’à celui qui veut bien tomber dans ses pièges.

Nous avons besoin d’hommes forts et d’institutions fortes qui forcent le respect, qui ne soutiennent plus un système de compromission et d’intérêt qui desservent la cause commune, le bien commun ; un système qui absorbe et protège pour servir ses propres intérêts ; nous avons besoin d’hommes forts et d’institutions fortes qui, efficacement, luttent contre la corruption et la concussion, contre les systèmes de fonctionnement quasi mafieux où aucune information ne doit fuiter ; soit par solidarité de corps ou par appartenance à un bord politique.

Le Sénégal a besoin de grands Bâtisseurs, il n’a pas besoin d’une jeunesse qui lorsqu’elle n’est pas d’accord sur la température, casse le thermomètre, il a besoin d’une jeunesse qui comprend que le véritable enjeu se trouve dans les urnes, et qui, avec l’humilité des patients, la détermination des conscients, sait que la seule façon de transformer sa société, ce n’est pas de répondre par la violence, mais de toujours continuer sa route avec sérénité.

Nous attendons de la jeunesse sénégalaise, le courage des combattants pour la justice et pour les causes nobles, pas dans la violence, mais toujours dans la détermination.

Vive le Sénégal !
Vive la République !
Vive l’écologie !

Président de l’Alliance des Ecologistes du Sénégal (ADES)
(Suxaliku Gu sax daak)
« Travail – Equité –Transparence »

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