Virus de Marburg: ce qu’il faut savoir de cet agent pathogène cousin d’Ebola
La Tanzanie a annoncé, mardi 21 mars, la mort de cinq personnes des suites du virus Marburg. En janvier dernier, onze personnes avaient également perdu la vie des suites de cette maladie en Guinée équatoriale. RFI fait le point sur ce qu’il faut savoir de ce virus cousin d’Ebola et particulièrement dangereux pour l’homme.
- Premier cas détecté en Europe en 1967
Paradoxalement, alors que les différentes épidémies de virus Marburg ont été observées en Afrique, les premiers cas ont été détectés en Europe. C’est à Marburg, en Allemagne, d’où le nom donné au virus, à Francfort et à Belgrade, en ex-Yougoslavie, que les premiers cas sont apparus simultanément en 1967. Il s’agissait de chercheurs ayant effectué des prélèvements sur des singes verts importés d’Ouganda probablement en période d’incubation. Dans le laboratoire Behring de Marburg, 31 laborantins sont infectés et 7 d’entre eux meurent des suites du virus.
Un virus létal et contagieux
Tout comme Ebola, le virus Marburg fait partie de la famille des filovirus et sa létalité reste très élevée et varie de 24% à 88% selon la souche virale et la prise en charge des cas, rapporte l’Organisation mondiale de la santé. En moyenne, le taux de létalité de la maladie avoisine les 50%.
À l’origine, le virus s’est transmis de l’animal à l’homme. « On connaît bien le réservoir du virus Marburg qui est une grosse chauve-souris, la roussette d’Égypte qui est présente dans les régions d’Afrique de l’Ouest, dans les régions montagneuses, et d’Afrique de l’Est », expliquait à RFI le professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux. L’animal qui niche dans des grottes humides ou des mines du continent peut ainsi transmettre le virus à des primates ou des humains à la suite d’une exposition prolongée à leurs fluides ou à leurs excréments. Les singes et les porcs peuvent également être porteurs du virus et le transmettre à l’homme.
Le principal risque de transmission reste cependant interhumain. « Marburg se transmet de la même manière qu’Ebola, par contact d’homme à homme quand une personne est fébrile ou symptomatique », détaille le professeur Denis Malvy. La contamination interhumaine résulte ainsi de « contacts directs avec du sang, des sécrétions, des organes ou des liquides biologiques de personnes infectées, ou avec des surfaces et des matériaux [par ex. draps ou vêtements] contaminés par ces liquides », précise l’OMS.
Des conditions qui font que si la maladie reste contagieuse, son taux de reproduction est relativement faible. Un malade contamine en moyenne une à deux personnes, ce qui est beaucoup moins, par exemple, que le variant Delta du Covid-19 dont le taux de reproduction a grimpé jusqu’à 6,6. Cela s’explique par la nécessaire exposition prolongée à un malade et à ses fluides corporels pour être contaminé par le virus Marburg.
- Des symptômes similaires à ceux d’Ebola
La période d’incubation va de 2 à 21 jours et les symptômes de Marburg sont tellement similaires à ceux d’Ebola qu’il est parfois compliqué d’établir un diagnostic. La maladie s’installe brutalement, avec une fièvre élevée, de fortes céphalées et un malaise grave. Les douleurs musculaires sont des manifestations courantes. Une diarrhée aqueuse profuse, des douleurs et des crampes abdominales, des nausées et des vomissements peuvent apparaître au troisième jour. À ce stade, les malades sont souvent décrits comme ayant « l’aspect de fantômes, avec des yeux profondément enfoncés, un visage inexpressif et une léthargie extrême », détaille l’OMS. Entre le cinquième et le septième jour, de nombreux patients développent des manifestations hémorragiques sévères qui peuvent mener à la mort. Dans les cas mortels, le décès survient en général neuf jours après l’apparition des symptômes et est précédé d’une grosse perte de sang.
- Des foyers d’infections qui apparaissent toujours en Afrique
Pour la première fois, un foyer est apparu en Tanzanie qui a confirmé, ce mercredi 22 mars, la mort de cinq personnes. Trois patients sont hospitalisés et 161 contacts sont suivis par les autorités. « Il n’y a pas de raison de paniquer ou d’interrompre les activités économiques […] Nous avons tout ce qu’il faut pour contrôler cette maladie contagieuse », a assuré la ministre de la Santé tanzanienne, Ummy Mwalimu. Précédemment, c’est la Guinée équatoriale qui avait été touchée pour la première fois par le virus en janvier et février 2023, dénombrant onze décès.
Le plus souvent, comme ce fut le cas en Guinée équatoriale, les foyers d’infection sont assez rapidement circonscrits. « Je pense que l’expérience d’Ebola permet en effet aux équipes nationales de riposte des épidémies de mieux prendre en charge et de mieux contrôler. Après, pour Marburg, le R0 n’est pas très élevé, en moyenne une personne contamine deux autres personnes. Cela permet de mettre une réponse en place et de contrôler plus rapidement, explique le Dr Éric D’Ortenzio, épidémiologiste au pôle maladies infectieuses émergentes de l’ANRS. Je pense que l’expérience joue énormément dans ces pays et maintenant, il y a des stratégies pour isoler les cas et aller rechercher et isoler les contacts. »
Jusqu’ici, tous les foyers d’infection sont apparus en Afrique pour la simple et bonne raison que la roussette d’Égypte, considérée comme l’animal hôte du virus, est une espèce endémique de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Les rares cas répertoriés en Europe ou aux États-Unis étaient des voyageurs de retour d’Afrique. Comparativement à Ebola (11 300 morts pour 28 600 cas recensés entre 2013 et 2016), les principales flambées de maladie à virus Marburg ont fait assez peu de morts. Les plus virulentes ont eu lieu entre 1998 et 2000 en République démocratique du Congo et en 2005 en Angola, causant respectivement 154 et 374 décès.
- Des épidémies de plus en plus fréquentes ?
Avec des cas en Ouganda en 2017, en Guinée en août 2021, au Ghana en juillet 2022, en Guinée équatoriale en janvier et février 2023, puis tout dernièrement en Tanzanie, les épidémies de maladie à virus Marburg semblent plus fréquentes ces dernières années.
« Des émergences, il y en a un peu tout le temps, le virus circule dans ces zones, il est présent chez les animaux. On pense que le réservoir est la chauve-souris. Donc, quand il y a un contact avec l’homme, il y a un risque. Globalement, sur les émergences, l’accentuation des élevages, des zones agricoles, de la déforestation, ce sont des facteurs favorisants, analyse le Dr Éric D’Ortenzio. De toute façon, depuis une vingtaine d’années, on assiste à des phénomènes d’émergence un peu plus fréquents, notamment dans les zones d’Afrique centrale, dans les zones forestières et il y a probablement un lien, même si on ne peut pas l’assurer avec certitude, avec les activités de l’homme », poursuit l’épidémiologiste.
- Une maladie dangereuse, mais des épidémies peu virulentes
Le virus Marburg est souvent présenté comme moins dangereux que le virus Ebola, mais la réalité est en fait plus complexe. « Si vous regardez les taux de létalité de Marburg dont la fourchette se situe entre 24% et 88% suivant les épidémies, 88% de létalité, c’est du jamais vu. En termes de gravité clinique, le risque de forme grave et de décès est équivalent à Ebola. Après, en termes de contrôle, on a effectivement l’impression que les épidémies de Marburg sont un peu moins intenses et plus rapidement contenues. Il y a peut-être un effet sur les facteurs de transmission du virus, mais on a encore peu de recul », détaille le Dr Éric D’Ortenzio.
L’épidémie en cours en Tanzanie n’est en tout cas pas plus inquiétante que ce qui a pu être observé avant. « C’est un peu le même type d’alerte que ce qui a pu être observé en Guinée équatoriale il y a quelques semaines. Il faut être prudent, mais il n’y a pas d’inquiétude particulière. Le seul risque que je vois, c’est que c’est très proche de la frontière avec l’Ouganda, donc il faut faire attention aux passages transfrontaliers pour éviter que des malades porteurs du virus ne disséminent la maladie », prévient l’épidémiologiste.
- Quel traitement ?
Il n’y a actuellement aucun traitement pour lutter contre la maladie à virus Marburg. Les médicaments peuvent traiter les symptômes, mais pas le virus en lui-même. Une prise en charge adaptée avec notamment une réhydratation par voie orale ou intraveineuse peut grandement améliorer les chances de survie des malades.
Contrairement à Ebola, aucun vaccin n’a encore vu le jour pour protéger les populations de la maladie à virus Marburg, mais cinq candidats vaccins sont actuellement en phase de test. Deux d’entre eux sont plus avancés, et la communauté scientifique avait décidé de lancer une phase d’évaluation en Guinée équatoriale. « Je pense que les discussions pourraient bientôt reprendre pour inclure la Tanzanie dans cette évaluation de vaccin qui est indispensable en temps d’épidémie pour démontrer une efficacité clinique en termes de prévention de la maladie », estime le Dr Éric D’Ortenzio.