“Son quinquennat est-il déjà fini?”: la presse française fustige “l’échec” et la “faiblesse” de Macron
« Aveu de faiblesse », « échec », « pantalonnade »: la presse française fustige unanimement vendredi le passage sans vote, par le recours à l’article 49.3 de la Constitution française, choisi par Emmanuel Macron pour faire adopter sa réforme des retraites, et pointe du doigt le président pour la crise politique et sociale qui menace.
La presse internationale n’est pas en reste, soulignant à l’instar du New York Times que « le conflit sur les retraites révèle un Macron affaibli et plus isolé », ou de Die Zeit selon qui « cette réforme pèsera longtemps sur le pays ». « Quel aveu de faiblesse! » s’exclame Jean-Marcel Bouguereau dans le quotidien régional la République des Pyrénées. »Le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue pour faire passer la réforme phare du quinquennat », poursuit-il, estimant que « c’est une énorme crise politique qui s’annonce ».
« Gain politique zéro, coût social majeur. L’échec d’une tactique signe, qui plus est, la solitude criante du Président », écrit Florence Chédotal dans La Montagne. « A présent, comment reprendre la main quand la mère des réformes se solde de la sorte? » se demande-t-elle.
« Emmanuel Macron s’est lui-même coincé dans une impasse politique », constate Patrick Jankielewicz dans La Voix du Nord. « S’il fallait sauver la réforme des retraites, il n’y avait qu’une façon de le faire: il fallait aller jusqu’au vote. C’était bien sûr courir le risque d’être battu, mais en politique, il vaut parfois mieux tomber avec les honneurs que passer en force et sans gloire au risque de jeter de l’essence sur le brasier social. »
« Quinquennat déjà fini ?”
« Une question domine déjà toutes les autres après cette journée historique: onze mois après son commencement, le quinquennat d’Emmanuel Macron est-il déjà fini? » s’interroge Maurice Bontinck dans La Charente Libre, pour qui l’usage du 49.3 « résonne comme un aveu de faiblesse de ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui +la minorité présidentielle+ ». « Le goût de l’échec », titre pour sa part Yves Thréard dans Le Figaro, qui estime également que « l’exécutif est plus que jamais affaibli ».
Même constat pour Christophe Lucet dans le quotidien Sud-Ouest, pour qui « c’est un tandem affaibli qui va devoir gérer l’après ». « La colère syndicale et populaire qui s’est intensifiée hier, après la séance avortée au palais Bourbon, est grosse de menaces. Avec, dans le pire des cas, un blocage prolongé du pays. Et sinon, une rancoeur qui trouvera d’autres motifs pour s’exprimer, bridant la volonté réformatrice du gouvernement », met en garde l’éditorialiste. « Le Président pourrait sauver les meubles en annonçant que la loi sera abrogée après ce passage antidémocratique. Mais ce n’est pas son genre d’écouter les Français », regrette Dov Alfon dans Libération.
« L’incendiaire de l’Elysée”
« Crise de régime », titre pour sa part Maud Vergnol dans L’Humanité. « Avec ce nouveau recours au 49.3, le divorce entre nos institutions et le peuple est consommé, acmé d’une crise rampante de délégitimation du pouvoir politique, ouvrant une voie royale aux tentations autoritaires. L’incendiaire de l’Elysée est l’unique responsable de cette situation », estime-t-elle. Plus mesurée dans ses critiques, la presse internationale n’en dresse pas moins le même constat d’un président affaibli et d’une situation sociale explosive en France.
« La République bloquée », titre Die Zeit, selon qui « il y a des réformes donc un gouvernement ne se relève jamais ». « La confiance dans le président et le Parlement, déjà en berne, a subi un coup supplémentaire ce jeudi. Emmanuel Macron en est le premier responsable », juge l’hebdomadaire allemand. L’utilisation du 49.3 symbolise « l’échec de la politique et une crise institutionnelle profonde », estime Ana Fuentes dans El Pais.
Pour cette ancienne correspondante à Paris du quotidien espagnol, « Macron, dont la popularité est au plus bas, toujours remis en question pour son caractère hautain et déconnecté de la rue, est entré dans la même phase que ses prédécesseurs Alain Juppé, en 1995, et Nicolas Sarkozy, en 2010, lorsqu’ils ont eux aussi réformé les retraites.”