Industrie pharmaceutique au Sénégal: un secteur qui se cherche
Le Sénégal est toujours à la quête de la souveraineté pharmaceutique. Malgré quelques actions entreprises par des promoteurs sénégalais, avec la mise sur pied de l’industrie pharmaceutique «Teranga Pharma» qui a déjà commencé la commercialisation de ses produits, et l’Etat avec la reprise de «Médis», l’évolution reste lente et le Sénégal continue de dépendre de l’extérieur.
Au Sénégal, particulièrement, et au-delà, en Afrique de l’Ouest, en général, il n’y a pas suffisamment d’industries pharmaceutiques. La première industrie pharmaceutique implantée dans le pays datait de 1973, avec Sipoa (Société industrielle Pharmaceutique de l’Ouest Africain). En 2017, il y a eu le départ de Sanofi, qui a vendu ses parts à Médis Sénégal, ainsi que le départ du groupe Pfizer aussi en 2017.
Face à cette situation, notre pays est loin de gagner la souveraineté pharmaceutique, même si «Teranga Phama», une industrie montée par des Sénégalais, a commencé à produire afin de réduire le gap des importations qui s’élèvent à plus de 95% des médicaments consommés par la population sénégalaise dont l’essentiel vient de l’Europe, avec un pourcentage avoisinant les 40,45%. Et les 50% restant proviennent des pays du Maghreb.
Si «Teranga Pharma», a commencé la commercialisation de ses produits depuis deux ans dans le pays et la sous-région, la vente se fait timidement. Leurs molécules composées sont largement concurrencées par celles de l’étranger. Il s’y ajoute que des pharmaciens font difficilement des commandes.
Avec sept (7) unités de production de médicaments, dans le pays, elles sont nombreuses à connître des difficultés pour leur éclosion. Les acteurs du secteur ne cessent de tendre la main au gouvernement pour un accompagnement, avec la mise en place d’un fonds de garanti pour l’acquisition d’outils mais aussi poser la résilience.
«TERANGA PHARMA», UNE INDUSTRIE MONTEE PAR 670 SENEGALAIS
«Teranga Pharma» est une industrie pharmaceutique qui appartient à 670 Sénégalais dont 95% de pharmaciens d’officine. Aujourd’hui, leurs produits sont présents dans les rayons des officines privés du Sénégal et de la sous-région. L’industrie s’attelle dans les produits pharmaceutiques génériques, en imprimant des marques bien connues comme des sirops à gout de sirop pour la lutte contre la grippe ou la fièvre.
La vision de «Teranga Pharma» est d’assurer la souveraineté pharmaceutique sénégalaise, à l’horizon 2030, avec trois axes stratégiques dont la production de médicaments qui a déjà démarré, le lancement d’une plateforme logistique et la production de médicaments pour la sous-traitance. «Teranga Pharma» va s’engager à pouvoir produire ces 18 molécules d’ici 2035, mais son ambition, selon son Directeur général, Dr Mohamadou Sow, est plus loin que cela. «Nous avons identifié d’autres molécules qui répondent à 90% des maladies les plus fréquentes au Sénégal», a-t-il fait savoir.
Et de poursuivre, dans les colonnes du magazine Médicalactu : «les défis à Teranga Pharma sont d’abord l’industrialisation, ensuite couvrir 90% des maladies les plus fréquentes. Car, un système de santé sans produits pharmaceutiques est un système de santé boiteux. Teranga Pharma est donc venue répondre aux besoins actuel et futur, avec une vision claire qui s’articule autour de cette phrase : «assurer la souveraineté pharmaceutique à l’horizon 2030 avec deux objectifs statistiques majeurs». En 2026-2027 faire de Dakar un hub pharmaceutique et en 2030 réaliser la souveraineté pharmaceutique».
LE CAS MEDIS
Située à Thiaroye Azur, en banlieue de Dakar, la seule usine pharmaceutique du Sénégal est à l’arrêt depuis le 15 janvier 2020. Pour sauver les meubles, l’Etat a investi 5,5 milliards de francs CFA pour relancer ses activités et entrer dans le capital de Médis. Une liste de molécules considérées comme prioritaires, comme le paracétamol, le fer ou les produits utilisés dans la lutte contre le Covid-19, a été validée par le gouvernement, avec un objectif de satisfaire une grande partie de la production locale, d’ici à 2035.
Cependant, alors que l’usine devrait renforcer la production pharmaceutique du pays, elle n’a toujours pas livré ses premiers produits. Elle reste au stade de réorganisation. Pour rappel, l’usine pharmaceutique Medis a été créée en 1973, sous le règne du président Léopold Sédar Senghor. Le site a été racheté par Rhône-Poulenc, Aventis, Sanofi et dernièrement Médis Tunisie, avant de fermer ses portes, après trois ans d’activité, pour «difficultés financières». Avant d’être enfin reprise par l’Etat du Sénégal.
SITUATION DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE AU SENEGAL
De plus en plus des promoteurs sénégalais investissent le secteur de l’industrie pharmaceutique. Si ces derniers travaillent à mettre en place des produits de qualités dans différents domaines de la médecine, ils butent le plus souvent sur une concurrence extérieure dont le prix est le plus offrant ou encore à des cahiers de charge très lourds dans les Appels d’Offres locaux. Une situation qui n’encourage pas les acteurs qui voient le plus souvent leurs investissements s’effriter, sans la facilitation de l’Etat.
Au Sénégal, la plupart des promoteurs qui y sont parvenus, tiennent difficilement la production, avec des épisodes de fermeture et d’ouverture dans certains secteurs de la production. C’est le cas de Valdafrique. Au même moment, des sociétés comme Parenterus, dont la production touche des solutés plus connus sous le nom de perfusion, ainsi que «Teranga Pharma» tentent d’imposer leurs marques afin de réduire l’importation qui touche plus de 90% de nos produits pharmaceutiques, allant du simple paracétamol aux produits de dialyse, en passant par les médicaments essentiels qui touchent les génériques. D’autres entreprises ont tout bonnement fermé leurs usines de production, comme celle de fabrication de fibre fil de suture pour la reconstruction ou la réparation dans le domaine chirurgical.
LES FACTEURS BLOQUANTS DE L’INDUSTRIE LOCALE
Selon les acteurs de l’industrie pharmaceutique, les facteurs qui bloquent le plein essor de ce secteur sont au nombre de trois ou quatre. D’abord, il y a l’investissement initial qui exige ce qu’on appelle un Système qualité onéreux. Pour eux, le médicament étant différent des autres produits, il faut une règlementation du système car, si ledit produit présente des défauts, il peut tuer. Et la mort d’un patient n’a pas de prix. Il est donc important pour un industriel de mettre en place un niveau de qualité qui permet de garantir non seulement la sécurité des patients mais aussi la qualité.
Le deuxième facteur bloquant demeure les charges électriques. Dans nos pays, la facture de l’électricité représente 20% des charges, sans compter qu’elle est souvent de mauvaise qualité. Il y a aussi le capital humain. Et enfin, l’autre facteur bloquant constitue les autorisations de mise sur le marché.
Denise ZAROUR MEDANG – SUDQUOTIDIEN