Ngaaye Mékhé : dans l’univers éprouvant des tanneuses

Plus qu’une connaissance théorique, les femmes de Mékhé détiennent un legs ancestral, un savoir hérité des grands-parents, une tradition à préserver pour Mariama Tabane, malgré la pénibilité du travail. Pour elle, il urge de moderniser la pratique afin de réduire les difficultés du travail manuel, qui freinent la capacité de production dans un pays où les autorités font de la souveraineté leur cheval de bataille.

Un savoir-faire éprouvé mais un travail harassant

Quinquagénaire, Mariama Tabane, à cause de la pénibilité du travail manuel, paraît plus âgée qu’elle ne l’est. Pour elle, la transformation des peaux en cuir, quoique difficile, demeure un art parfaitement maîtrisé. Elle a grandi auprès d’une mère qui pratiquait avec dextérité les techniques et les connaissances ancestrales du tannage.

Après avoir récupéré la peau, la première étape du processus consiste à la laver abondamment dans des bassins traditionnels en ciment. Se courber pendant plusieurs heures pour départir la peau de ses impuretés est la première épreuve des tanneuses. Vient ensuite le chaulage : la peau est trempée dans des bassines de chaux pendant cinq ou six jours pour faciliter la phase d’épilation, consistant à enlever les poils à l’aide de coupe-coupes. Une tâche éreintante pour les femmes du quartier Mbambara.

Ngaaye Mékhé : dans l’univers éprouvant des tanneusesLa peau est ensuite trempée dans du bicarbonate de soude, mélangée à du son de mil ou de riz, avant d’être rincée à l’eau de javel. « C’est la phase de déchaulage, incontournable comme toutes les autres étapes », explique Mariama Tabane. Pendant ce temps, d’autres femmes pilent les graines de nép-nép (acacia), essentielles au processus, mais parfois introuvables, ce qui ralentit le travail.

Une fois la poudre récupérée, la peau y est trempée à nouveau avec de l’eau pendant deux à trois jours, avant d’être écharnée, lavée puis étalée à l’ombre. « Un véritable parcours du combattant qui épuise nos forces. Nous avons besoin de moderniser le travail », plaide Mariama Tabane.

Moderniser pour préserver un savoir-faire et attirer la jeunesse

Face à la dureté du métier, ses enfants ont préféré se concentrer sur leurs études, bien que ce soit grâce à cette activité que leur mère ait financé leur scolarité. « Pour intéresser la jeune génération et préserver l’héritage de nos aînés, il faut moderniser le processus », insiste Mariama Tabane. Selon elle, cette modernisation permettrait de renforcer le label « Dallu Ngaye », d’assurer la production locale de cuir et de réduire la dépendance aux importations. Les tanneuses espèrent acquérir des épilateurs, des écharneuses et des foulons pour alléger le travail manuel et attirer les jeunes vers ce métier porteur.

Mariama Tabane, par ailleurs élue municipale, rappelle que sous le ministre Pape Amadou Ndiaye, chargé de l’Artisanat, le processus de modernisation avait débuté avec la construction de bassins modernes, dont les travaux restent inachevés. La commune, via le PACASEN, a également doté la tannerie d’un mur de clôture et d’un magasin de stockage. « Mais pour véritablement décoller, il faut des machines », insiste-t-elle.

Ibrahima NDIAYE, Correspondant

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