Afrique: le duel États-Unis/Chine redessine la carte des investissements économiques
Contrairement aux idées reçues, la Chine n’est plus l’investisseur principal en Afrique. C’est ce que démontre un rapport officiel concernant les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique. La réalité est plus nuancée et les partenaires occidentaux, notamment les États-Unis, tiennent la première place.
Depuis plus d’une décennie, l’idée s’est ancrée dans les esprits : la Chine investit massivement en Afrique et serait, de fait, devenue le principal acteur étranger sur le continent. Pourtant, selon le dernier rapport sur l’investissement mondial de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED ou UNCTAD en anglais) publié en 2025, cette perception est erronée et inexacte. Les données montrent que, en termes de stock d’IDE, les acteurs traditionnels comme les États-Unis et l’Europe conservent une présence plus importante que la Chine sur le continent africain.
Les derniers chiffres analysés par l’Initiative de recherche Chine-Afrique de l’université Johns Hopkins montrent que les États-Unis ont investi 7,8 milliards de dollars en Afrique en 2023, contre 4 milliards pour la Chine. C’est la première fois depuis 2012 que Washington devance Pékin.
Un article du média britannique BBC démontre que cette progression américaine s’inscrit surtout dans un contexte de rivalité mondiale autour des minéraux et métaux comme le lithium, le cobalt, le tungstène, indispensables à la fabrication des téléphones, véhicules électriques, datacenters d’IA et aux technologies militaires. Pékin domine depuis longtemps l’extraction et surtout le traitement de ces matériaux essentiels
Cobalt, coltan, lithium, cuivre, nickel… Pourquoi les sous-sols africains sont-ils stratégiques pour l’avenir du continent et du reste du monde ? Qui bénéficie de ces richesses minières ? Décryptage avec Niagalé Bagayoko dans Les Mots de la Paix.
Face aux pressions chinoises pour restreindre ces exportations stratégiques, les États-Unis ont accéléré leur présence économique en Afrique, considérée comme une réserve indispensable pour leur approvisionnement en ressources technologiques et industrielles.
Investissements américains sur les minerais critiques
Si ces nouveaux flux américains surpassent ceux de Pékin sur l’année 2023, les chiffres du rapport de la CNUCED révèlent que la Chine n’aurait jamais été, en stock cumulé, le premier investisseur direct en Afrique, selon le groupe de réflexion ODI Global.
L’analyste Linda Calabrese y souligne que l’Europe et les États-Unis sont encore les plus gros détenteurs de stock d’IDE sur le continent africain.
La nature des soi-disant investissements chinois est un sujet important pour le groupe de réflexion. Ce qui est considéré comme des investissements ne seraient en fait que des prêts venant de bailleurs de fonds chinois aux gouvernements africains. Ce sont donc ces gouvernements et non la Chine qui sont encore propriétaires de ces actifs.
Selon la BBC, l’agence américaine la plus active dans ces investissements est la DFC (U.S. International Development Finance Corporation), créée en 2019. Sa volonté est claire : contrer l’influence chinoise dans les “régions stratégiques”. Elle a déjà financé de nombreux projets comme Trinity Metals au Rwanda, qui a reçu 3,9 millions de dollars pour développer des mines d’étain, de tantale et de tungstène.
L’entreprise exporte donc maintenant du tungstène et de l’étain rwandais vers l’Etat de Pennsylvanie. ReElement Africa, filiale du groupe américain American Resources, construit une raffinerie de minéraux critiques en Afrique du Sud pour exporter aux États-Unis. Ces projets visent à rapprocher les lieux d’extraction et les sites de transformation, afin de sécuriser l’approvisionnement américain.
Mise en garde d’experts africains
Pour l’économiste namibienne Sepo Haihambo, interviewée par la BBC, c’est aux États africains de négocier de manière ferme face à ces investissements. Pour l’économiste, aucune puissance étrangère ne saurait négocier “au nom de l’Afrique” des contrats “qui servent au mieux les intérêts de cette dernière”. Les États africains doivent définir clairement leurs intérêts, et envisager “d’autres cadres de fonctionnement” que de simples accords d’achats de minerais, comme “des accords de partage de production, des modèles de co-entreprise, une participation locale au capital”, affirme Sepo Haihambo auprès du média britannique.
Au-delà du duel sino-américain et de l’ombre du traditionnel partenaire européen, l’Afrique attire désormais d’autres puissances. Le Brésil, l’Inde et le Japon manifestent un intérêt croissant pour les minerais et les partenariats industriels en Afrique. Ces évolutions soulignent un paysage économique beaucoup plus complexe que le récit habituel de la Chine contre les États-Unis.
SOURCE TV5.ORG

