Mali : la Russie absente, la junte seule face au chaos ?

Le Mali est à un tournant inquiétant pour toute la sous-région, avec une junte dépassée par la furie djihadiste et une population civile prise en étau. En effet, le Mali est étranglé par le blocus imposé par le JNIM depuis septembre, la promesse d’un soutien massif de la Russie apparaît plus que jamais comme une illusion. Les « instructeurs » de l’Africa Corps (successeurs du groupe Wagner), brillent par leur inaction. Moscou, pourtant érigé en allié stratégique par la junte, semble avoir relégué le Mali au second plan de ses priorités. Toute la région est en tension, et les conséquences sécuritaires peuvent être désastreuses.

Le blocus du carburant par le JNIM a mis le pays à genoux. Transports, commerce, agriculture, éducation : aucun secteur n’est épargné. Bamako vit au ralenti, prise dans une pénurie sans précédent. La junte tente de masquer l’effondrement logistique par des annonces creuses : 1 000 camion-citerne promis, mais à peine 56 arrivés, tandis que la population fait la queue pendant des heures pour quelques litres d’essence. Pire, la présence des FAMa est parfois plus irritante que rassurante. La priorité d’accès au carburant qui leur est donné créée des tensions au sein de la population, qui attend parfois de l’essence depuis plusieurs heures. Dans ce contexte, l’absence d’appui russe est flagrante. Les conseillers militaires d’Africa Corps, confinés dans leurs casernes, n’assurent plus ni formation ni accompagnement opérationnel. Le convoi de 37 camion-citerne attaqué à 50 km de la capitale symbolise cette impuissance.

Le contraste est saisissant entre le discours officiel et la réalité du terrain.
Présentée par Bamako comme une alliance « fraternelle et souveraine », la coopération avec Moscou se réduit désormais à une présence figée, sans initiative, ni offensive. Africa Corps, héritiers des mercenaires de Wagner, semblent cantonnés à un rôle de parasites, tandis que la junte s’enfonce dans une crise qu’ils ne cherchent plus à endiguer. Les Maliens, longtemps convaincus que la présence russe garantirait sécurité et souveraineté, découvrent une réalité amère : les instructeurs russes ne défendent pas le pays.

La Russie n’est pas la seule à manquer de solidarité. L’AES brille aussi par son absence. Le soutien logistique reste hypothétique, et le soutien militaire inexistant. Les autres régimes partenaires du Mali, en l’occurrence le Niger et le Burkina Faso, eux-mêmes fragiles, n’en ont probablement plus les moyens. Ils se font face également à une insécurité croissante et à des assauts terroristes quotidiens visant les armées et les populations civiles. Résultat : le Mali, ou Assimi Goïta et son gouvernement bandaient les muscles sue un retour rapide du calme et de la stabilité, se trouve isolé, sans alliés actifs, sans stratégie claire. Les liaisons aériennes devraient devenir de plus en plus difficiles et couteuses, en particulier à cause des problèmes de ravitaillement en carburant et de la hausse du coût des assurances. Le blocus imposé par le JNIM sur tous les axes menant à Bamako prive le pays d’une fourniture en carburant avec ainsi un impact sur l’inflation. Les prix haussent de manière vertigineuse et les populations souffrent le martyre.

Ainsi, les possibilités de partenariat du Mali avec le monde extérieur se réduisent de jour en jour. Le pays se retrouve de plus en plus dépendant de son allié russe, qui brille pourtant par son absence et son incapacité. Que se passera-t-il si la Russie décide de lâcher son allié, comme elle l’a fait en Syrie avec Bachar el-Assad ?

Le blocus du JNIM agit comme un révélateur : derrière la façade du partenariat russo-malien, il n’y a ni stratégie commune ni engagement réel. La Russie, empêtrée sur d’autres fronts, du Soudan à l’Ukraine en passant par la République Centrafricaine, ne peut agir.

Alors que les Maliens affrontent chaque jour la pénurie, la peur et la désillusion, une certitude s’impose : la « coopération exemplaire » vantée par Bamako n’existe plus que dans les communiqués officiels. La Russie s’est retirée sans le dire, laissant les mines vides et la junte seule face à son échec.

Babacar P. Mbaye
Expert en géopolitique

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