L’Office des change enquête sur des transferts suspects vers l’Afrique
Près de 870 millions de dirhams autorisés pour des investissements marocains en Afrique auraient pris des chemins opaques. Une mission de contrôle de l’Office des Changes tente de retracer le parcours de ces fonds, soupçonnés d’avoir alimenté des circuits financiers parallèles, voire des paradis fiscaux.
L’Office des changes a lancé une opération d’audit approfondie autour de transferts financiers autorisés à des entreprises marocaines pour investir dans plusieurs pays africains, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Mali, pour un montant global de 870 millions de dirhams. Ces fonds, censés revenir au Maroc sous forme de bénéfices ou de réinvestissements localisés, semblent avoir disparu des radars financiers nationaux, expliquent des sources bien informées de Hespress.
Dans une première phase, les inspecteurs ont passé au crible les dossiers de douze sociétés marocaines, épluchant autorisations, relevés bancaires et documents comptables pour vérifier la conformité des transferts et le rapatriement des profits, exigés par la réglementation des changes. Le constat préliminaire fait état de « signaux forts de suspicion« , laissant penser que certains investisseurs auraient profité des facilités offertes pour encourager l’investissement africain afin de détourner ou dissimuler des capitaux hors du Royaume.
Les entreprises concernées évoluent dans des secteurs variés, de l’agroalimentaire aux travaux publics, en passant par la construction, les technologies et l’ingénierie. Pour mieux comprendre les mouvements de fonds, l’Office des Changes a sollicité la coopération de plusieurs groupes bancaires marocains implantés en Afrique, afin de reconstituer la trajectoire des flux entre différents pays.
Interrogées, certaines sociétés ont plaidé la non-rentabilité temporaire de leurs projets, expliquant que les bénéfices réalisés ont été réinvestis localement pour élargir leurs activités. D’autres ont présenté des bilans déficitaires. Cependant, une partie des entreprises n’a pas été en mesure de justifier le non-rapatriement des profits dans les délais légaux. C’est ce flou comptable qui a poussé les contrôleurs à étendre leurs investigations vers les destinations finales des fonds.
La suspicion s’est renforcée à la suite d’informations transmises par des organismes de contrôle internationaux, faisant état de transferts opérés depuis l’Afrique vers des juridictions offshore connues pour leur opacité fiscale. Les enquêteurs marocains privilégient désormais la piste d’un détournement organisé via des sociétés écrans.
Cette enquête intervient dans un contexte marqué par un assouplissement du cadre réglementaire. En 2022, l’Office des Changes avait doublé le plafond des montants transférables à l’étranger, passant à 200 millions de dirhams par an, tout en supprimant la contrainte de destination géographique. Une mesure censée dynamiser l’expansion africaine des entreprises marocaines, mais qui, selon certains observateurs, aurait aussi ouvert la porte à des abus.
L’Office des Changes peut désormais compter sur les outils de coopération internationale, notamment grâce à l’accord signé avec l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), qui facilite l’échange d’informations financières et la traque des capitaux illicites.
SOURCE MSN.COM

