Championnes d’Afrique de football et de basketball, les Nigérianes peinent à faire valoir leurs droits auprès de leur Fédération

Malgré des succès répétés sur la scène internationale, les équipes féminines sportives nigérianes sont confrontées à des conditions précaires dans leur pays, entre mauvaise gestion, inégalités salariales et représailles à l’encontre de celles qui osent dénoncer les abus. 

Par Pierre Desorgues – Avec agences

L’équipe féminine de football victorieuse du Nigeria, surnommée les Super Falcon, est accueillie à sa descente d’avion par une foule en liesse à l’aéroport international Nnamdi Azikiwe d’Abuja, après avoir remporté la Coupe d’Afrique des nations féminine au Maroc le 28 juillet. Capture AFPTV.

C’est devenu depuis quelques semaines une habitude sur l’aéroport d’Abuja. Une équipe féminine du pays en sport collectif descend de l’avion avec un trophée continental sous le bras. Le ministre des Sports est présent pour les accueillir. 

Le 28 juillet dernier, les Super Falcons, dixième fois championnes d’Afrique de football, et leur capitaine Rasheedat Busayo Ajibade, trophée de la CAN à la main, étaient attendues pour être célébrées par les supporters. Deux semaines plus tard à Abuja, les fans de basket étaient nombreux sur le tarmac pour fêter le cinquième titre de championnes d’Afrique consécutif des « D-Tigres.

Un cinquième titre consécutif de championnes d’Afrique en basketball

Les équipes féminines du Nigéria planent sur le continent. Mais les footballeuses ou les basketteuses nigérianes pâtissent pourtant depuis des années de disparités salariales par rapport à leurs homologues masculins, qui comprennent des primes de match tardives ou impayées. 

Mais lorsque les Super Falcons ont atterri à Abuja après leur sacre face au Maroc (3-2), aucune joueuse n’a répondu face à la presse aux questions visant à savoir si elles allaient demander au président nigérian, qui les a accueillies dans sa villa, d’être payées comme ceux de l’équipe masculine.

Image de l’équipe du Nigéria de football le 25 juillet 2024 à Bordeaux lors du tournoi olympique. (AP Photo/Moises Castillo)

« Si vous vous opposez à ce qui se passe, vous perdez la possibilité d’obtenir ce à quoi vous avez droit, vous pourriez même être mis sur liste noire », explique à l’AFP Solace Chukwu, rédacteur en chef d’Afrik-Foot Nigeria.

« Criminelles »

L’ancien sélectionneur de l’équipe masculine, Sunday Oliseh, qui a lui-même été mis à l’écart de l’équipe nationale au début des années 2000 à la suite de protestations concernant les arriérés de salaire, a qualifié cette situation de représailles « criminelles ».

Retards de paiement

En 2021, les basketteuses ont, elles, interpellé les autorités, protestant contre le non-paiement des primes de match. À l’époque, la Fédération nigériane de basket-ball a nié toute faute, imputant le problème à des erreurs administratives.

À l’instar de l’équipe de basket-ball, l’équipe de football féminine a bénéficié d’investissements précoces à une époque où d’autres pays africains se sont concentrés sur les équipes masculines souligne Solace Chukwu, rédacteur en chef d’Afrik-Foot Nigeria. Ce qui a permis aux Super Falcons de remporter les sept premières éditions du WAFCON, de 1991 à 2006.

« Les joueuses qui prennent l’initiative ou osent protester risquent toujours de ne pas être convoquées ou d’être carrément mises à l’écart », affirme Harrison Jalla, un responsable du syndicat des joueuses.

Desire Oparanozie, aujourd’hui commentatrice, a été déchue de son titre de capitaine des Super Falcons. Et elle n’a pas été sélectionnée pour disputer le WAFCON en 2022. Elle avait elle-même dénoncé les salaires impayés lors de la Coupe du monde féminine 2019. À l’époque, la Fédération nigériane de football a nié l’avoir écartée à la suite de cette affaire.

Plus récemment la capitaine des Super Falcon Rasheedat Busayo Ajibade a dénoncé les conditions de logement de l »équipe lors de la compétition au Maroc de la Can féminine. Elle dénonçait « l’inégalité de traitement entre les équipes masculines et feminine dans le football. »

Sera-t-elle sanctionnée ? La capitaine des Super Falcons s’en prenait surtout à l’organisation marocaine du tournoi. 

Contactés par l’AFP, la Fédération nigériane de football et les Super Falcons n’ont pas répondu aux allégations selon lesquelles les joueuses ont peur de s’exprimer en public sur leurs préjudices. Elles nourrissent en revanche toujours l’espoir d’un changement dans la gestion du football féminin au Nigeria.

« Je pense que tout est possible », a déclaré à l’AFP la joueuse Promise Amukamara juste après la victoire de son équipe à l’AfroBasket, appelant à construire « davantage d’infrastructures au Nigeria » et en suggérant que son pays « accueille » l’épreuve continentale « une année ».

Nigeria équipe

Ezinne Kalu, Promise Amukamara, et Adebola Adeyeye du Nigéria, célèbrent leur victoire contre le Canada lors d’un match de basketball féminin aux Jeux olympiques d’été de 2024, le dimanche 4 août 2024, à Villeneuve-d’Ascq, en France. (AP Photo/Mark J. Terrill)

Même son de cloche chez Aisha Falode, une responsable de la Fédération nigériane de football, qui a appelé le gouvernement à « investir dans les équipements, dans les ligues et dans les joueuses, car le football féminin ne peut plus être pris à la légère ». 

Le président de la République du Nigeria a reçu en grande pompe les championnes d’Afrique de football, les Super Falcons. Chaque joueuse nigériane recevra une maison et 100 000 dollars comme récompense pour la victoire à la Can de football 2025.  La promesse sera-t-elle tenue ?  

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