Présidentielle en Pologne: Slawomir Mentzen et ses électeurs ont l’issue du scrutin entre leurs mains

Il n’a pas réussi à décrocher sa place pour le second tour, mais il est déjà l’un des grands gagnants de cette élection présidentielle. Avec 14,8% des voix, Slawomir Mentzen réalise le meilleur score de l’histoire du parti d’extrême droite Konfederacja, qui espère bien peser sur l’issue du second tour.

De Pierre Fesnien envoyé spécial de RFI à Varsovie, 

Dimanche 18 mai, il est 21 heures (heure locale) lorsque le verdict tombe. Dans une salle chauffée à blanc par l’arrivée de son champion sous les cris de « Mentzen, Mentzen », l’apparition sur le grand écran des visages des deux candidats arrivés en tête, Rafal Trzaskowski et Karol Nawrocki, jette un froid. Il ne durera pas longtemps. Quelques secondes plus tard, le visage de Slawomir Mentzen apparaît et les militants du parti d’extrême droite Konfederacja réunis dans une discothèque de Varsovie exultent. Non seulement, il obtient la troisième place du scrutin, mais surtout, il est crédité de 14,8% des voix, bien plus que ce que prédisaient les sondages qui le situaient entre 10 et 13%.

La progression de Konfederacja s’avère en effet fulgurante. Fondé en 2018, le parti n’avait recueilli que 6,78% des suffrages à la présidentielle de 2020. « C’est un énorme succès pour nous, c’est le meilleur résultat que l’on n’ait jamais eu dans une élection, exulte Kasper, un jeune homme de 25 ans tiré à quatre épingles dans un costume cintré, comme la plupart des militants présents dans la salle. Si on m’avait dit cela il y a un an et demi, je n’y aurais pas cru. On peut espérer d’encore meilleurs résultats pour le futur », assure-t-il.

En position de faiseur de roi

Quand Slawomir Mentzen s’avance au pupitre pour prendre la parole, c’est naturellement pour saluer « le plus grand succès de l’histoire de Konfederacja ». Il ne manque pas d’égratigner les candidats du « système » Rafal Trzaskowski et Karol Nawrocki, mais se garde bien de donner des consignes de vote à ses militants pour le second tour. Avec un résultat lui conférant près de trois millions de voix, le candidat d’extrême droite est pourtant en position de faiseur de roi et un report massif de ses électeurs sur le candidat nationaliste conservateur du PiS, Karol Nawrocki, pourrait faire basculer le second tour en sa faveur.

« Slawomir Mentzen annoncera dans les prochains jours sa position à propos du second tour, assure son porte-parole Wojciech Machulski. Nous allons aider nos électeurs à faire leur choix, mais ils ne sont pas nos « esclaves », on ne va pas leur dire quoi faire, ils prendront cette décision eux-mêmes. »

Report de voix pas automatique

À Gdansk, sa ville natale, où il passait la soirée électorale, Karol Nawrocki a fait un appel du pied aux électeurs de Mentzen. Le candidat nationaliste et conservateur serait le choix le plus logique pour les électeurs de Konfederacja, mais même si le parti pourrait être tenté par une ligne « Tout sauf Trzaskowski », rien n’indique que le report des voix sera automatique.

« Notre électorat est contre ces deux options, Rafal Trzaskowski et le populisme du PiS avec leurs aides sociales. Donc, je pense que nous allons être nombreux à nous abstenir au deuxième tour », affirme Michal, un militant, au micro de notre correspondant à Varsovie, Adrien Sarlat. De son côté, Kasper affirme ne pas encore avoir pris de décision : « Je vais analyser les résultats, peser le pour et le contre et ensuite décider si je vote. »

L’influence des électeurs de Slawomir Mentzen s’annonce, quoi qu’il en soit, capitale sur l’issue du second tour. Trzaskowski et Nawrocki se tiennent dans un mouchoir de poche à moins de deux points de pourcentage. Outre les 14,8% de Mentzen, le candidat du PiS pourrait aussi bénéficier du report des votes de Grzegorz Braun. Exclu du parti Konfederacja pour avoir décidé de se présenter à la présidentielle, ce député européen d’extrême droite est arrivé quatrième avec 6,3% des voix. Un scénario que personne n’avait vu venir et qui donne à Nawrocki un réservoir de plus de 20% d’électeurs à rallier, ce qui pourrait lui ouvrir les portes du palais présidentiel.

« Ils ne peuvent pas nous ignorer »

Pour Wojciech Machulski, une chose reste néanmoins certaine, Trzaskowski et Nawrocki « ne peuvent pas nous ignorer et mettre de côté les politiques qui sont cruciales pour nous [l’opposition aux migrants, dont les réfugiés ukrainiens, à l’Union européenne, à l’avortement ou encore aux droits LGBT+, NDLR]. Sans nos votes, aucun d’entre eux ne peut gagner », assure le jeune porte-parole de 22 ans. 

Mais Konfederacja voit désormais déjà plus loin que la présidentielle. « Nous avons créé une base très solide sur laquelle nous allons pouvoir construire nos prochains succès électoraux aux élections parlementaires. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où personne ne peut gouverner la Pologne sans tenir compte de nous », veut croire Wojciech Machulski.

En cas de victoire de Karol Nawrocki, les prochaines élections législatives pourraient en effet arriver plus vite que prévu. Selon beaucoup d’observateurs, la Coalition civique du Premier ministre Donald Tusk actuellement au pouvoir pourrait rapidement s’effondrer si elle devait poursuivre sa cohabitation avec un président issu du PiS.

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