Les « nouveaux Pelé », dans l’ombre du Roi

Il y eut quantité de « nouveaux Pelé », une étiquette affublée par la presse ou les supporters à des joueurs de tous niveaux, mais très lourde à porter.

. Mbappé, adoubé par le « Roi »

Le « Roi » lui-même, mort jeudi à 82 ans, ne voulait pas d’héritier, à l’origine. « Comme dans la musique, où n’existent qu’un Frank Sinatra et un Beethoven, ou dans les arts, avec un seul Michel-Ange, dans le football, il n’y a qu’un Pelé », avait d’abord lâché celui qui fut ministre des Sports brésilien en 1998. « Mon père et ma mère ont fermé la fabrique! », disait-il aussi.

Mais, devant sa télé, il avait cependant été conquis par Kylian Mbappé, révélation du Mondial-2018, devenu le deuxième plus jeune buteur en finale de Coupe du monde depuis la légende brésilienne en 1958.

« Si Kylian continue d’égaler mes records comme ça, je vais devoir rechausser mes crampons… », avait même tweeté « O Rei ».

Mais ce genre d’hommage effraie un peu. « Il n’y a qu’un +Roi+. Moi je suis juste Kylian. Je sais très bien que je ne ferai jamais ce qu’il a fait », expliquait le 2 avril 2019 le joueur du PSG, lors d’un entretien conjoint avec Pelé, accordé à l’AFP.

Quand l’AFP a demandé au Brésilien quels conseils il pourrait donner à Mbappé pour réussir la même carrière que lui, la réponse a fusé: « Il n’en a pas besoin. Je lui ai juste dit qu’il fallait qu’il soit un bon garçon, une gentille personne. Mais surtout de rester calme (rires) ». Et de supporter la comparaison…

. Zico, le « Pelé blanc »

Le « Pelé blanc » Zico abonde. « Beaucoup de joueurs ont souffert parce que, quand ils ont pris le poste de Pelé (…), ils avaient la pression », avait-il confié à l’AFP avant le Mondial-2014.

« C’est en France qu’on a commencé avec ce surnom, ce sont les Français qui m’ont fait porter cette responsabilité », a dit l’ancien meneur de jeu. « Je ne l’ai jamais aimé, parce que Pelé, c’est Pelé, et c’est une responsabilité ».

« Moi, je suis fier que les gens se souviennent de moi et qu’ils me comparent à Pelé, parce qu’il est le meilleur joueur de l’histoire du football », a-t-il précisé. « Maintenant, entrer sur le terrain et que les gens veuillent que je fasse ce que Pelé faisait, je ne l’ai jamais accepté, c’est autre chose ».

Zico a été une sorte de vice-roi du « futebol »: l’idole de Flamengo, club le plus populaire du Brésil, a fait honneur au N.10 et illuminé les années 1980 et le Maracana dont il est le meilleur buteur historique.

Mais contrairement à son aîné à la triple couronne, le « Pelé blanc » a une histoire frustrante avec le Mondial: « J’ai joué trois Coupes du monde et n’ai perdu qu’un match. Et je n’ai jamais joué de finale. C’est le football », a relevé celui qui avait notamment dû s’incliner aux tirs au but contre la France lors de l’édition 1986.

. Robinho et Neymar, les princes

Robinho et Neymar ont éclos à Santos, le club rendu mythique par Pelé. Le premier, gamin frêle et dribbleur, devient le « Prince » quand Pelé, alors proche des catégories juvéniles de Santos, l’adoube: « Ce gamin deviendra grand ».

Le « Prince » contribue à 18 ans seulement à dépoussiérer le palmarès de Santos avec le titre de champion du Brésil en 2002, premier trophée engrangé au bout de 18 ans de disette, avant un second en 2004. Il est transféré en grande pompe au Real Madrid mais sa carrière se délite vite (Manchester City, AC Milan, retours à Santos…). Il écrit une histoire en pointillés avec la « Seleçao », entre une grande Copa America 2007 et de nombreuses éclipses.

Son premier retour à Santos en 2010 coïncide avec l’émergence d’un autre phénomène, Neymar, qu’il prend sous son aile. Le club renoue avec la gloire: ce gringalet à crête sera le moteur de la conquête de la Copa Libertadores en 2011. Mais cette fois, la comparaison avec Pelé est mise en sourdine, et on le surnomme plutôt « le Joyau » en raison de sa technique ahurissante.

Pour Zico, « Neymar est l’un des trois meilleurs joueurs du monde. Il a le N.10 mais ne remplit pas la fonction d’un N.10 traditionnel. Mais comme c’est le grand nom (de l’équipe) et que le N.10 a toujours eu cette fonction depuis Pelé, ça lui est revenu ».

« Ney » devient le joueur le plus cher du monde à l’été 2017 en passant du Barça au Paris SG pour 222 millions d’euros. Mais ses simulations ou son irritabilité ont brouillé son image. Et la coupe du monde s’est une nouvelle fois refusée à lui en ce mois de décembre au Qatar.

. Mais aussi…

Physique à la Pelé et originaire de Bauru où le « Roi » a grandi, le premier « nouveau Pelé » fut un certain Washington, joueur modeste des années 1970-80 qui avait ébloui les observateurs au Tournoi de Cannes de 1971, sans lendemain. Il a pleinement ressenti la pression: son surnom faisait naître des exigences de la part des supporters. Il est mort à 57 ans, en 2010, d’une insuffisance rénale.

Abedi Ayew -dit Abedi Pelé- , triple Ballon d’Or africain (1991, 1992, 1993), fut surnommé Pelé après avoir remporté à 18 ans la Coupe d’Afrique 1982 avec le Ghana, et pour ses dribbles endiablés, et ne s’en est jamais plaint. Mais s’il a été décisif en finale de la Ligue des champions 1993 remportée par Marseille, il n’a jamais pu jouer de Coupe du monde avec les « Black Stars ».

Freddy Adu fut surnommé le « nouveau Pelé » à 14 ans en disputant son premier match professionnel, en 2004. Mais après Benfica et Monaco, l’international américain sombre dans des clubs de troisième zone.

Il n’y avait qu’un seul Pelé.

Par Yann BERNAL

AFP

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *