Corée du Sud: des méga-feux attisés par la sécheresse font de nombreux morts

Depuis le 21 mars, des feux de forêts, parmi les pires de l’histoire sud-coréenne, ravagent le sud-est du pays et ont fait 24 victimes, selon un bilan encore provisoire ce 26 mars. Parmi elles, plusieurs pompiers, dont un qui est décédé mercredi 26 mars dans le crash de son hélicoptère. Le changement climatique a boosté l’ampleur des incendies, selon un expert local joint par le correspondant de RFI. La surface brûlée dépasse celle des feux de Los Angeles, en janvier.

Par :Géraud Bosman-Delzons – SOURCE RFI

Debout depuis 1 000 ans depuis la ville d’Uiseong, le temple d’Unmrasa n’est plus qu’un amas de cendres et de débris encore fumant.

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Des pompiers s'affairent à éteindre la carcasse calcinée du temple d'Unramsa, à Uiseong, le 23 mars 2025.
Des pompiers s’affairent à éteindre la carcasse calcinée du temple d’Unramsa, à Uiseong, le 23 mars 2025. AFP – –

Dans ce même district de la province de Gyeongsang du Nord, le temple de Gounsa a subi le même sort, presque deux siècles après avoir été calciné une première fois. Il est, lui aussi, situé sur un site millénaire (VIIème siècle). Juste avant la catastrophe, un reporter de l’Agence France-Presse sur place avait constaté que des ouvriers du temple Gounsa tentaient de déplacer des objets historiques et recouvrir des statues bouddhiques pour les protéger d’éventuels dégâts. Selon The Korea Herald, ces trésors nationaux ont pu être mis à l’abri avant que le temple soit rasé par les flammes, quelques heures plus tard. « C’est vraiment déchirant et douloureux de voir de précieux temples vieux de plus de 1 000 ans être perdus », a regretté auprès de l’AFP un moine, Deung-woon.

Non loin, c’est l’existence du village traditionnel Hahoe (Est) qui était en sursis. Comme pour d’autres villages autour de la ville moderne d’Uiseong (150 000 habitants), ses habitants ont reçu mardi 25 mars au soir un message d’alerte des autorités locales leur demander d’« évacuer immédiatement » : les flammes progressaient en direction du site touristique classé par l’Unesco. Construit aux XIVème et XVème siècles, ce village clanique est considéré comme représentatif de la culture confucéenne aristocratique et configuré pour tirer une nourriture à la fois physique et spirituelle de ses paysages de montagnes, d’arbres et d’eau.

La veille, les autorités avaient également appelé plusieurs villages environnant la cité d’Andong à évacuer. Parfois, le feu est arrivé si rapidement que les gens ont fui sans emporter la moindre affaire, ont raconté à l’AFP des habitants réfugiés dans le gymnase de l’école primaire de Sinsung. « Les vents étaient tellement forts », a décrit Kwon So-han, un résident de 79 ans d’Andong, qui a fui dès qu’il a reçu l’ordre d’évacuation. « Le feu est venu de la montagne et s’est abattu sur ma maison », a-t-il dit, affirmant qu’il n’avait pu rien emporter. Au total, 23 000 personnes ont dû quitter leur foyer. Par ailleurs, environ 3 500 détenus ont été transférés hors de danger des établissements pénitentiaires de la province de Gyeongsang du Nord, a déclaré un responsable du ministère de la Justice.

Le bilan humain s’est considérablement alourdi, passant de 4 à 24 morts ces dernières vingt-quatre heures, selon les chiffres encore « provisoires » communiqués par le ministère de l’Intérieur sud-coréen, mercredi 26 mars dans l’après-midi (temps local).

Le village de Hahoe, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, restait sous la menace des flammes le 25 mars 2025.
Le village de Hahoe, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, restait sous la menace des flammes le 25 mars 2025. © Unesco

Le deuxième pire épisode de feux de forêt en surface brûlée

Depuis le 21 mars et les premiers départs de feux, la Corée du Sud affronte l’un des pires épisodes d’incendies de son histoire, le deuxième désormais en termes de la superficie brûlée. Ils ont « causé des dommages sans précédent », a déclaré le président par intérim Han Duck-soo, et « se développent d’une manière qui dépasse les modèles de prévision existants ». Le chef de l’État coréen a élevé mercredi le niveau d’alerte à son maximum et annoncé une « réponse nationale totale ».

Au total, une trentaine de feux se sont déclarés au cours du week-end dernier dans le sud-est du pays. Le plus important a démarré dans la région d’Uiseong, il mobilise les deux cinquièmes des quelque 7 000 pompiers déployés, selon l’AFP. Ils sont à pied d’œuvre nuit et jour dans les forêts et plus d’une centaine d’hélicoptères ont été mobilisés. Mardi 25 mars, l’un d’entre eux « s’est écrasé dans une zone montagneuse du comté de Uiseong » tuant son pilote, a indiqué à l’AFP le service des pompiers de la province de Gyeongbuk (Est).

Vue de l'espace, prise par le satellite Aqua de la Nasa, des premiers feux en Corée, le 22 mars 2025.
Vue de l’espace, prise par le satellite Aqua de la Nasa, des premiers feux en Corée, le 22 mars 2025. © Nasa Earth

L’état d’urgence a été déclenché dans quatre régions. Les autorités l’ont justifié par « les dégâts importants causés par des feux de forêt simultanés à travers le pays ». Cela entraine le déblocage de fonds spéciaux et d’autres mesures, alors que le pays qui traverse une crise politique majeure, est dirigé par le président intérimaire, qui s’est rendu dans le district d’Uiseong.

« Les feux de forêt ont jusqu’à présent touché quelque 14 694 hectares, et les dégâts continuent de s’accroître », avait déclaré mardi matin le ministre intérimaire de l’Intérieur et de la Sécurité. Vingt-quatre heures plus tard, le bilan donné par le président Han Duck-soo en personne passait à 17 000 ha. Il y a 25 ans, environ 24 000 ha avaient été ravagés sur la côte est. En mars 2022, ce chiffre était de 16 300 ha, dans les districts de Uljin et Shamcheok, à l’Est.

L’échelle de grandeur est similaire aux méga-feux de Los Angeles de janvier dernier, avec 16 000 ha partis en fumée

Les pompiers espèrent maintenant que les orages prévus pour la journée de demain les aideront à venir à bout des incendies.

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Le changement climatique en toile de fond

Plusieurs phénomènes météorologiques extrêmes, comme les canicules et les précipitations intenses, ont un lien établi avec le changement climatique. D’autres, comme les feux de forêt, les sécheresses, les tempêtes de neige et les tempêtes tropicales, peuvent être causés par une multiplicité de facteurs.

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Qu’en est-il concernant les incendies actuels dans la péninsule sud-coréenne ? Le sud du pays a été touché par deux fois plus d’incendies cette année qu’en 2024. « Dans la région de Gyeongsang du Nord, où se situe Uiseong, l’air est extrêmement sec et des vents forts y soufflent », a décrit un responsable de l’agence météorologique locale. Cela rend ces incendies difficiles à circonscrire.

« La météo est très sèche, confirme l’expert de la protection des forêts Seo Jaecheol à notre correspondant à Séoul, Celio FiorettiCes derniers dix jours, des températures exceptionnellement élevées pour cette saison ont été enregistrées, créant ainsi des conditions propices aux incendies de forêt. Cet hiver, les précipitations ont été nettement inférieures à la normale, et les températures moyennes sont bien plus élevées qu’il y a 20 ou 30 ans », explique-t-il, présent sur les lieux de l’incendie. L’année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée en Corée du Sud, avec une température annuelle moyenne de 14,5°C – deux degrés de plus que la moyenne des 30 années précédentes, selon l’Administration météorologique coréenne.

Une sécheresse qui tire son origine du réchauffement climatique, affirme Seo Jaecheol : « Cette sécheresse exceptionnelle, qui se prolonge de façon inédite, est l’un des phénomènes de dérèglement climatique observés en Corée du Sud depuis 2015, particulièrement en hiver et au printemps. Cette situation est bien documentée et fait l’unanimité auprès des scientifiques. C’est pour cela que plusieurs feux de forêt, de différentes ampleurs, se déclarent facilement à travers les zones boisées du pays. »

La « négligence » en guise de tison ?

Quant aux causes immédiates, elles sont pour l’instant attribuées à de la « négligence » par les autorités : « On pense que le feu de forêt [du district de Uiseong, NDLR] a été causé par un individu venu sur une tombe familiale qui y a accidentellement » provoqué le départ de feu, a déclaré le Premier ministre sud-coréen et président par intérim Han Duck-soo lors d’une réunion gouvernementale mardi 25 mars. « La plupart des feux de forêt sont le fruit de la négligence », a-t-il ajouté, invitant la population à « suivre strictement les consignes de prévention » anti-incendie.

Le premier feu s’est déclaré dans le district de Sancheong (Sud), à environ 250 km au sud de la capitale Séoul. Une étincelle venue d’une tondeuse à gazon qui serait à l’origine du feu, selon différents médias. Un accident donc, plutôt que de la négligence.

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