De migrant clandestin à aide-soignant aux îles Canaries: Abdoul Kane, le bienfaiteur de Diogo
L’histoire d’Abdoul Kane est un exemple vivant de la manière dont l’immigration peut être une force positive, tant pour les pays d’accueil que pour les communautés d’origine. Parti de rien, le parcours de ce fils de Diogo est plus qu’inspirant pour la génération actuelle. Ayant quitté le Sénégal à l’âge de 24 ans, Abdoul Kane s’est lancé dans l’aventure en embarquant sur une pirogue le 2 septembre 2006, lors de la grande crise migratoire. Un voyage périlleux qui l’a mené jusqu’aux îles Canaries, où il est devenu aide-soignant et activiste. Son expérience illustre parfaitement le combat quotidien de nombreux migrants pour s’intégrer, travailler et aider ceux qui sont dans le besoin.
Près de deux décennies après son débarquement à Maspalomas, Kane travaille comme aide-soignant à l’hôpital universitaire des Canaries (HUC) et a deux enfants nés dans l’archipel. « J’ai eu la chance d’arriver vivant et que les jours à bord de la pirogue n’aient pas été trop durs. Le temps et les vagues étaient avec nous », se souvient-il dans les colonnes du journal La Provincia.
Les premiers jours d’Abdoul Kane dans les rues de Grande Canarie ne furent pas des plus faciles. « J’ai commencé à travailler dans la vente ambulante de disques. C’était très dur. Je devais courir et me cacher de la police tout le temps. J’ai passé un très mauvais moment. Je savais que ce n’était pas pour moi et j’ai décidé d’arrêter », raconte-t-il.
Kane souligne que derrière ces jeunes qui vendent dans les rues, il n’y a pas de mafias, comme beaucoup le pensent. Ils achètent simplement la marchandise et la revendent un peu plus cher pour en tirer un petit bénéfice. Il se souvient même qu’aux nouveaux arrivants, on offrait quelques disques pour qu’ils puissent démarrer.
Investissement dans son village à Diogo : un regard vers le passé
Contrairement à certains qui tournent le dos à leurs origines, Abdoul Kane n’a pas oublié son Diogo natal, ni les souffrances qui l’ont poussé à ce sacrifice en 2006. Une crèche construite par son association garantit chaque jour le petit-déjeuner de 170 enfants âgés de 3 à 6 ans.
En effet, son association, Aquí estamos migrando (Nous sommes ici en train de migrer), est une initiative née spontanément à Tenerife, guidée par le bouche-à-oreille entre amis et voisins, dans le but d’aider les migrants. Grâce à cette association, le travail de Kane a permis la construction d’une école maternelle à Diogo, une ville côtière située à environ 150 kilomètres de Dakar, qui compte environ 15 000 habitants. Cette crèche assure chaque jour le petit-déjeuner de 170 enfants âgés de trois à six ans, qui, de nombreux matins, prennent des forces grâce à un bol de lait avec du gofio. « L’idée est née lors d’une de mes visites à ma famille, car je voyais mes petits neveux dans la rue sans rien faire. J’ai pensé que je devais organiser des événements caritatifs pour collecter suffisamment d’argent et créer une petite école pour les enfants du village », explique Kane, qui a également obtenu des fonds pour construire une salle de classe dans son ancien collège, augmentant ainsi la capacité de l’établissement scolaire.
Outre les projets qu’elle développe à Diogo, l’association offre aux nouveaux arrivants aux Canaries un accompagnement, des conseils juridiques, une formation et un soutien pour les démarches administratives telles que l’inscription au registre municipal, l’obtention de la carte de santé, la scolarisation ou la demande d’asile. « Nous collectons des vêtements ou des téléphones portables usagés pour les donner aux jeunes qui en ont besoin, et nous leur offrons également à manger. Nous organisons des visites dans des endroits comme le camp de Las Raíces, pour les écouter et passer du temps avec eux », explique Kane.
Cette année, ils ont lancé le projet Bokku Xol, une expression wolof qui signifie « un seul cœur ». Cette initiative, en collaboration avec le Cabildo de Tenerife, lutte contre le racisme par le biais d’ateliers et de conférences dans les centres éducatifs et sanitaires. Aquí estamos migrando donne également des cours d’espagnol pour étrangers tous les week-ends à El Fraile (Arona), un quartier marqué par sa grande diversité culturelle. « Nous n’avons pas que des élèves africains, il y a aussi des étudiants italiens, brésiliens ou ukrainiens. Nous ouvrons nos portes à tous », précise-t-il dans les colonnes de La Provincia, repris par Dakaractu.