Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, était l’invité de BFMTV ce dimanche 9 février. Il a notamment évoqué la question du mariage et sa volonté de réformer la loi en la matière.
Source: BFMTV, France Bleu, Service-Public.fr, Justifit, AFP
Le garde des Sceaux réagissait à une question du journaliste Benjamin Duhamel sur un paradoxe de la mesure administrative d’éloignement d’un citoyen étranger en situation de séjour irrégulier en France, connue sous le sigle OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Le maire de Béziers (Hérault, sud), Robert Ménard, est ainsi convoqué devant la justice le 18 février pour avoir refusé, le 7 juillet 2023, de marier une citoyenne française et un ressortissant algérien sous le coup d’une OQTF. L’élu local avait justifié sa décision et assumé son illégalité, relate France Bleu.
L’OQTF n’interdit pas le mariage
En effet, l’OQTF et le mariage ne sont pas incompatibles en France. La loi, si elle ne garantit pas la levée de la mesure d’éloignement pour autant, ne l’interdit pas. “Se marier ou se pacser peut influencer le statut d’une OQTF, surtout si le conjoint est citoyen français ou résident permanent. Cependant, cela ne garantit pas l’annulation automatique de l’OQTF”, rappelle le site spécialisé Justifit, ni l’octroi d’un permis de séjour.
Pas une raison “suffisante”
À la question écrite soumise par l’ancienne députée Emmanuelle Ménard (épouse de Bernard Ménard), aujourd’hui conseillère municipale à Béziers, le gouvernement avait précisé en mars 2024 que “le droit au mariage” ne pouvait “faire l’objet d’une interdiction totale et absolue à un individu, même étranger”. L’officier d’état civil bénéficie néanmoins d’une “liberté d’appréciation de la validité d’une demande de mariage entre un ressortissant français et un ressortissant étranger en situation irrégulière”. Or, le seul argument de l’OQTF, dénoncé par Robert Ménard, n’est “pas suffisant pour faire obstacle au mariage”, précise la loi. Le couple concerné avait porté plainte contre lui. L’homme a depuis lors été expulsé vers l’Algérie (suite ci-dessous).
Dans quel cas un maire peut-il s’opposer au mariage?
Un officier d’état civil “peut décider de l’opposition au mariage” uniquement:
– “si des indices sérieux permettent de douter de la réalité de l’intention matrimoniale
– si le projet de mariage revêt un caractère manifestement frauduleux, à la suite d’un contrôle de l’autorité administrative visant à caractériser un mariage de complaisance
– lorsque l’autorité administrative acquiert la connaissance d’un crime ou délit inhérents à la demande de mariage, tel que, par exemple, l’absence de document d’identité fourni par l’étranger”, précise la loi française.
“Il ne faut pas s’en prendre au juge, il faut s’en prendre à la loi”
Selon le ministre de la Justice Gérald Darmanin, la loi devrait être modifiée: “La loi enjoint aujourd’hui le maire de marier ces personnes mais je souhaite changer cette loi”, confie-t-il. Une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été déposée par un sénateur pour permettre au maire de “s’opposer au mariage entre une personne régulière ou française et quelqu’un en séjour irrégulier (…) Quand la loi est mauvaise, il ne faut pas s’en prendre au juge, il faut s’en prendre à la loi.
Droit du sol
Gérald Darmanin se prononce depuis longtemps pour l’abrogation pure et simple du droit du sol à Mayotte, archipel français de l’océan Indien confronté à une forte pression migratoire africaine, notamment en provenance des Comores voisines, et estime aujourd’hui “que le débat public” doit désormais “s’ouvrir” à l’échelle nationale. Il encourage, pour ce faire, “une réforme de la Constitution”, par référendum ou à l’occasion de la présidentielle de 2027. Jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte (suite ci-dessous).
Débat “trop étroit”, réagit Bayrou
Le Premier ministre François Bayrou a toutefois jugé ce débat évoqué par son ministre “trop étroit”: “Ce débat public est trop étroit et il faut un débat public approfondi et beaucoup plus large que ça”, a affirmé le chef du gouvernement. “Vous voyez bien ce qui fermente depuis des années. Ce qui fermente, c’est qu’est-ce que c’est qu’être français? Qu’est-ce que ça donne comme droit? Qu’est-ce que ça impose comme devoirs? Qu’est-ce que ça procure comme avantages? Et en quoi ça vous engage à être membre d’une communauté nationale? À quoi croit-on quand on est français?”, a-t-il ajouté. Il a rappelé avoir proposé “depuis déjà douze ans ou quinze ans” de se pencher sur la situation de Mayotte et de la Guyane, “dans laquelle il y a des milliers et des milliers de personnes qui arrivent avec l’idée que, s’ils mettent au monde des enfants là, ils seront français”. “Tout cela, évidemment, ça mérite d’être reconsidéré”, a-t-il commenté.