“Le plus grand belliciste”: comment la Russie pèse sur plus de la moitié des conflits les plus sanglants du monde

La Russie se retire de Syrie, où elle s’est battue pour le dictateur déchu Bachar Al-Assad. Mais ce n’est pas le seul endroit où Moscou a été impliqué dans des guerres au cours de l’année écoulée. Aucun autre pays n’a pris une part aussi importante dans l’effusion de sang mondiale. Où Vladimir Poutine a-t-il stationné des troupes? Où a-t-il transporté des armes? Et quel impact cela a-t-il sur nous, en termes de missiles, mais aussi de réfugiés?

Guy Van Vlierden / Traduction: B.M 30-12-24, 13:00 Source: HLN

L’armée russe a entamé son intervention en Syrie en 2015. Elle aurait eu jusqu’à plus de 60.000 soldats sur le terrain. La guerre en Ukraine a bien fait diminuer ce nombre, et l’été dernier, ils auraient été 7.500 tout au plus. Maintenant que la dictature qu’ils ont soutenue est tombée, ils ont décidé de plier bagage. Selon l’Institute for the Study of War, ils ont déjà complètement quitté le pays. La Russie négocie toujours le maintien de sa base navale à Tartous. Reste à savoir si elle y parviendra. Des images montrent déjà à quel point les Russes sont détestés sur place.

Groupe Wagner

Tartous est la seule base russe en Méditerranée. Si elle venait à la perdre, elle pourrait se détourner vers la Libye, et plus précisément vers la ville portuaire de Tobrouk, à l’est du pays. Ce pays d’Afrique du Nord est divisé en deux depuis une décennie, le centre et l’est étant contrôlés par Khalifa Haftar. Il s’agit d’un chef d’armée qui a servi sous le dictateur Mouammar Kadhafi. En 2018, des combattants du célèbre groupe Wagner sont apparus à ses côtés et depuis, les Russes occupent désormais plusieurs bases le long de la ligne de front provisoirement gelée. La photo ci-dessous montre Khalifa Haftar avec le vice-ministre russe de la Défense, Yunus-Bek Yevkurov.

Le vice-ministre russe de la Défense, Iounous-bek Evkourov (à gauche), offre un pistolet au chef de guerre libyen Khalifa Haftar (au centre) lors d'une visite à Benghazi en août 2023.
Le vice-ministre russe de la Défense, Iounous-bek Evkourov (à gauche), offre un pistolet au chef de guerre libyen Khalifa Haftar (au centre) lors d’une visite à Benghazi en août 2023. © AFP

La Libye n’est qu’un des autres champs de bataille dans lesquels les Russes sont impliqués. En Afrique, ils ont également des troupes au Soudan, où une nouvelle guerre a éclaté en avril de l’année dernière. Deux chefs d’armée qui collaboraient auparavant s’y affrontent. La Russie a d’abord soutenu le rebelle Mohamed Hamdan Dogolo (surnommé Hemedti), mais elle change lentement de camp au profit du dirigeant Abdel Fattah al-Burhan. En République centrafricaine, confrontée à une dichotomie similaire, la Russie aide le régime à lutter contre les rebelles dirigés par un ancien président. Là aussi, cette ingérence a commencé avec les mercenaires de Wagner.

La Russie du président Vladimir Poutine a participé à 14 guerres différentes lors de l’année écoulée.
La Russie du président Vladimir Poutine a participé à 14 guerres différentes lors de l’année écoulée. © Montage HLN/7sur7

Perpétuer le terrorisme

Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les Russes participent à la lutte contre les terroristes d’Al-Qaïda et de l’État islamique. Officiellement, en tout cas. Car en réalité, Moscou veut surtout s’y débarrasser de l’influence occidentale. Elle a même fomenté des coups d’État pour renverser des régimes qui se laissaient aider par la France et les États-Unis. Le fait que la lutte contre le terrorisme ait largement empiré depuis montre que Moscou veut en réalité la maintenir cela pour continuer à avoir une excuse pour être présent dans ces pays.

La guerre au Myanmar, que la Russie soutient par des armes, a été la troisième plus sanglante au monde l’année dernière après l’Ukraine et la bande de Gaza.

En Éthiopie, les Russes n’ont pas de troupes, mais soutiennent le régime en lui fournissant des armes contre plusieurs groupes rebelles. En Asie, ils le font avec le Myanmar (ex-Birmanie), où le régime militaire combat plus de 20 groupes armés. Avec près de 20.000 morts l’année dernière, il s’agit de la troisième guerre la plus sanglante au monde après l’Ukraine et la bande Gaza. Dans le conflit israélo-palestinien, la Russie n’intervient pas – ou du moins pas directement. Elle entretient des relations diplomatiques avec le groupe terroriste Hamas, dont elle a même reçu une délégation à Moscou trois semaines après l’attaque du 7 octobre 2023.

Photo distribuée par le Hamas de ses représentants Basem Naim (à gauche) et Moussa Abou Marzouk (à droite) lorsqu'ils ont été reçus à Moscou par le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, le 26 octobre 2023.
Photo distribuée par le Hamas de ses représentants Basem Naim (à gauche) et Moussa Abou Marzouk (à droite) lorsqu’ils ont été reçus à Moscou par le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, le 26 octobre 2023. © Telegram

Attaques en mer Rouge

Pour autant que nous le sachions, la Russie n’apporte pas de soutien effectif au Hamas. Mais il pourrait en être autrement pour le Hezbollah. Moscou a coopéré avec ce groupe terroriste chiite libanais en Syrie et les rumeurs selon lesquelles elle lui fournit également des armes remontent à 2016. Les médias américains ont fait état de projets de fourniture de systèmes antiaériens Pantsir pas plus tard que l’année dernière. Il n’est pas certain que cela se soit concrétisé. Les rebelles syriens ont toutefois capturé un de ces Pantsir au début du mois de décembre, alors qu’ils avançaient vers Alep.

Les rebelles syriens soutenus par la Turquie ont capturé un système de défense aérienne Pantsir de fabrication russe, qui appartenait peut-être au groupe terroriste chiite libanais Hezbollah, lors de leur avancée en décembre.
Les rebelles syriens soutenus par la Turquie ont capturé un système de défense aérienne Pantsir de fabrication russe, qui appartenait peut-être au groupe terroriste chiite libanais Hezbollah, lors de leur avancée en décembre. © Telegram

Il est toutefois impossible de dire avec certitude à qui appartenait ce système de défense aérienne. Et même si la Russie a armé le Hezbollah en Syrie, cela ne suffit pas pour parler d’une implication dans la guerre entre le Hezbollah et Israël au Liban. La Russie aurait également négocié des livraisons d’armes avec les rebelles houthis au Yémen. Là encore, il n’est pas certain que ces armes aient été livrées. Mais il est certain que Moscou a aidé les Houthis en leur fournissant les coordonnées de cibles pour leurs attaques contre les navires dans la mer Rouge.

Peinture murale à Sanaa, la capitale du Yémen, saluant les attaques des Houthis contre les navires.
Peinture murale à Sanaa, la capitale du Yémen, saluant les attaques des Houthis contre les navires. © ANP / EPA

“Force neutre de maintien de la paix”

C’est un secret de Polichinelle que la Russie apporte son soutien à la Corée du Nord en échange des munitions qu’elle reçoit de ce pays – alors que la guerre avec la Corée du Sud fait officiellement toujours rage et que les escarmouches à la frontière font encore régulièrement des morts. Plus près de nous, la Russie avait jusqu’en juin dernier des soldats dans le Haut-Karabakh, une région disputée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Moscou s’est longtemps rangée du côté arménien, bien que les troupes aient officiellement servi de force neutre de maintien de la paix et n’aient finalement pas empêché l’Azerbaïdjan de s’emparer de la région.

En comptant les guerres en Ukraine et en Syrie, la Russie a été impliquée dans la mort de 139.575 personnes l’année dernière.

Enfin, une force d’occupation russe souvent oubliée est celle de la Géorgie. Moscou y a mené une guerre de courte durée en 2008 et contrôle encore aujourd’hui deux régions où les Géorgiens sont minoritaires: l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Il n’y a pas eu de combats ces dernières années, mais avec les troubles qui durent depuis des mois en raison de l’orientation anti-occidentale du gouvernement géorgien, un nouveau conflit armé avec une ingérence russe n’est pas à exclure.

Montage HLN/7sur7
© Montage HLN/7sur7

Des matières premières cruciales

En comptant les guerres en Ukraine et en Syrie, la Russie a été impliquée l’année dernière dans 14 des 20 conflits les plus graves avec ingérence étrangère. Elle est ainsi devenue le plus grand belliciste du monde, devant l’Iran et les États-Unis (9 chacun), la Turquie (7) et la Chine (5), et a causé la mort de 139.575 personnes. Si ces guerres se déroulent souvent loin de nous, elles représentent également un danger pour l’Occident. Par exemple, la carte ci-dessous montre la portée des missiles de croisière russes s’ils sont tirés depuis un nouveau bastion situé dans la ville côtière libyenne de Tobrouk.

Montage HLN/7sur7
© Montage HLN/7sur7

Les spécialistes craignent également que la Russie ne profite de sa position en Afrique pour déstabiliser l’Europe avec un nouveau flot de réfugiés, maintenant qu’elle dispose de têtes de pont depuis le sud du Sahara jusqu’à la Méditerranée. Mais la plus grande menace réside peut-être dans l’empressement avec lequel Moscou recourt à la violence pour prendre le contrôle de sites stratégiques, de matières premières cruciales (l’UE a importé 15 % de son uranium du Niger l’année dernière, par exemple) ou de tenter de couper l’herbe sous le pied de l’Occident par d’autres moyens.

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