«Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque !»

Cela fait déjà plusieurs semaines que le Sénégal s’est ému du sort de Dieynaba, jeune femme pleine d’avenir, abîmée et humiliée par son scélérat de mari. Cependant, il est à constater que si quelques médecins çà et là ont bien voulu nous agréer d’un battement de cil (pour le cœur on repassera !), il semblerait que cela soit davantage pour éviter de ternir ce qui leur tient lieu de vernis social et de position de pouvoir : leur titre. Nous n’avons que peu d’échos de ceux qui se sont formellement désolidarisés du Dr Mbacké. Est-ce à dire que les médecins, dans leur grande majorité, seraient davantage préoccupés par la protection de leur petit narcissisme ou de ce qu’il reste de leur pré carré de respectabilité que leur donne l’aura du médecin, hérité de l’époque coloniale, que par l’essence même de leur métier : ne pas nuire et porter assistance au malade et à l’indigent ?

Il s’avère que certains d’entre eux, une goutte dans cet océan de bienveillance contestable, auraient porté l’affaire devant l’Ordre des médecins et subiraient des pressions pour faire preuve de «confraternité». Entendez, retirer leur demande de radiation du Dr Mbacké, devant l’opprobre qu’il jette encore sur cette profession. Profession qui n’a eu de cesse, ces dernières années, d’essuyer les plâtres d’une population de plus en plus insatisfaite de son système de santé, mais également des postures en surplomb écrasantes que prennent ces blouses blanches. Que fait donc l’Ordre qui devrait faire régner l’ordre dans ses rangs ? Déjà coupable dans les médias, le serait-il aussi devant cette nouvelle morale du Peuple qui veut que le Jub, Jubal, Jubanti soit à l’ordre du jour ? Emmuré dans son silence que lui envierait la Grande Muette, se serait-il laissé aller à des turpitudes bien mafieuses : l’omerta et l’enterrement première classe de dossiers fort gênants ?

Pourtant, il y aurait fort à faire pour améliorer la condition des médecins et redorer leur blason. En effet, alors que la grève pour l’amélioration des conditions de travail ne risque pas de s’éteindre de sitôt et est tout à fait soutenue par le reste de la population, il y a un autre front d’ouvert : celui des détournements de fonds, chez les plus âgés au cœur de cet organe de régulation. Est-ce d’ailleurs pour cette raison que de nouvelles élections tout à fait récentes ont été organisées ? Cela dit, nous attendons d’être édifiés, par la Justice, sur ce que l’on fait de l’argent dans ce panier de crabes. Mais surtout de ce que la probité veut encore dire dans ce monde médical. Et encore, comment l’on s’arrange entre amis pour protéger des collègues dont les démêlés judiciaires sont bien plus brûlants qu’un contrôle fiscal de la presse. Les médecins, dans leur sacerdoce, se doivent-ils de coopérer avec la Justice ou avec des présumés criminels ? Est-ce parce que l’une des infractions pour lesquelles le Dr Mbacké pourrait-être poursuivi est également le détournement de fonds du district sanitaire qu’il dirigeait jusque-là ? Eh oui, entre détourneurs de deniers publics et privés, on peut imaginer que l’on se reconnait ! Mais encore, n’y a-t-il pas une multitude d’infractions dans un parcours de délinquant ? Outre la gestion pour le moins hasardeuse de l’argent, Dr Mbacké, comme tous les autres, n’a-t-il pas d’autres cadavres dans le placard ? Quelques petits homicides involontaires ? Quelques légères erreurs médicales et fautes professionnelles ? Quelques négligences et omissions ? Qu’on nous explique comment l’on peut, à la lecture de la brutalité et de la sauvagerie avec laquelle Dr Mbacké s’est acharné sur sa femme, aidé en cela par ses subalternes, fonctionnaires de l’Etat du Sénégal, ne pas interroger l’humanité et la compétence de nos médecins. Mais plus loin, la responsabilité de l’Etat dans chaque coup porté sur Dieynaba par le poing de ces agents de l’Etat.

10 jours ! 10 jours d’Itt ! 10 jours, c’est ce que vaut une tuméfaction de la racine du nez avec un épanchement hémorragique par les narines ? 10 jours pour des plaies au crâne et des hématomes sur le reste du corps ? Il en faut plus de 10 pour faire disparaître la trace de certains hématomes profonds. Un coup de poing n’est pas une rencontre accidentelle contre un coin de table à ce que l’on sache ! Sauf à ne jamais en avoir pris un. Même les boxeurs mettent des gants et des protège-dents alors que pourtant, des coups, ils en ont l’habitude ! Alors, 10 jours pour un tabassage en règle et en réunion d’une frêle jeune femme ? Vraiment ? Et puis 10 jours pour un corps aussi abîmé ? 10 jours pour un tel trauma et une telle humiliation ? A-t-on seulement imaginé faire voir la patiente à un psy quelconque ? Ou là aussi, on repassera pour l’humanité et la bienveillance que l’on doit à son prochain ? Le médecin est-il donc si aveugle, si loin de la charité chrétienne qui a présidé à l’édification de sa profession ? Pas de scanner, pas de mèches dans la narine, pas d’anti-inflammatoires, pas de psychotropes, pas de… en fait, rien. Un peu de vitamine C et hop, on repart fraîche comme une rose de l’enfer vécu et de la réédition de formes de violence.

Et puis, 10 jours qui en deviennent 21 dans les journaux, par l’opération du Saint-Esprit ? 10 jours ou 21, au fond peu importe, ces coups ne valent que 45 jours d’emprisonnement et 1 million de francs Cfa d’amende pour leur auteur. Ah ! Elle est belle, la Justice sénégalaise ! Celle-là même qui faisait ses assises en fanfare il y a peu et qui avait exclu les femmes de terrain qui, tous les jours, essuient les pots cassés de cette justice des hommes, par et pour les hommes. Cette Justice pour laquelle casser de la femme est une gloire bénie par les dieux et sanctifiée par les lois des hommes ! Vous nos «justiciers», qui vouliez remplacer l’aveugle Thémis par Maât, c’était pour sa capacité à faire l’autruche comme le rappelle sa plume au front ? En tous les cas, pour nous autres les femmes sénégalaises, l’affaire est tranchée, l’heure de décès prononcée et la messe dite : la Justice sénégalaise sera notre Israël dans nos tranchées de Gaza que sont nos couples et nos familles !

Les femmes auraient-elles une résistance particulière à la douleur ? Auraient-elles un corps blindé qui encaisserait tous les coups sans faire varier la surface de leur peau ? C’est ça la médecine au Sénégal aujourd’hui ? C’est ça la Justice au Sénégal ? C’est ça que l’on offre à la population ? Ou c’est exclusivement réservé aux femmes de ce pays ? Leur vie ne mérite pas que l’on perde son temps à faire correctement son travail ? Parce que oui ! Finalement, là où l’on s’imagine trouver un minimum de justice, de soins, de soutien ou d’apaisement, on ne récolte que prise en charge expéditive, minoration du traumatisme vécu et «médication» qui défie l’entendement. Auriez-vous été plus diligents et plus consciencieux si c’était un homme que sa femme avait éclaté au sol avec l’aide de ses harpies ? Il y a fort à parier que oui et que toute la bande des «not all men» aurait soutenu le gus dans son émasculation publique.

On le sait tous, les femmes, ces pestes, ces sous-humains, ces parasites, celles qui portent en elles toutes les tares du monde, ne sont pas même dignes qu’on s’y attarde ! Quand toute une société a l’indignation sélective ou événementielle, la médecine et la Justice sont-elles, elles aussi, syntones à l’air du temps ? La médecine et la Justice sont-elles là, elles aussi, pour enfoncer les femmes, toujours plus nombreuses, dans des tombes ? Ou peut-on espérer de la médecine et de la Justice qu’elles œuvrent pour la dignité humaine de tous et de toutes. Que la médecine sénégalaise, aidée de la Justice, ne saurait admettre dans ses rangs de batteurs de femmes, des médecins approximatifs dans leurs connaissances et dans leurs pratiques cliniques, des médecins qui outrepassent leurs compétences pour jouer les jolis cœurs sur Twitter et profiter de personnes vulnérabilisées par le trauma, des médecins qui volent dans les caisses et qui font d’un district sanitaire un territoire de gangs ? Est-ce cela que promeut l’Ordre des médecins par la silenciation qu’il oppose à ces quelques-uns qui croient encore aux illusions de leur serment d’Hippocrate ?
Basile DIAMACOUNE
Une citoyenne concernée
#justicepourdieynaba

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