Kenya: le vice-président Rigathi Gachagua destitué à l’issue d’une procédure historique

Le vice-président kényan Rigathi Gachagua a été destitué, jeudi 17 octobre, à l’issue d’une procédure inédite, point culminant de plusieurs mois de conflit entre le président William Ruto et son adjoint.

C’est tard dans la nuit que les sénateurs ont reconnu Rigathi Gachagua coupable de cinq charges sur les onze qui étaient retenues contre lui, provoquant sa destitution, explique notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix. Il suffisait à la Chambre haute de le déclarer coupable d’un chef d’accusation pour qu’il soit démis de ses fonctions.

Rigathi Gachagua, 59 ans, notamment accusé de corruption et abus de pouvoir, devient le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d’une telle procédure, prévue par la Constitution de 2010. Ce processus historique soulève des incertitudes au Kenya, considéré comme une démocratie stable dans une région instable.

Pour Aaron Cheruiyot, chef de la majorité présidentielle, c’était la seule issue : « Il n’y a pas d’autres remèdes que la destitution selon la Constitution pour soigner les maux politiques qui rongent la relation entre le président et son vice-président. En tant que serviteurs du peuple, le devoir nous appelle. »

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Rigathi Gachagua a qualifié les accusations de « pure propagande » et de « complot visant à [le] chasser du pouvoir en raison d’autres considérations politiques ». Rigathi Gachagua était notamment accusé de détournements de fonds, de trafics d’influence et d’acquisitions frauduleuses d’hôtels et d’appartements.

Le vice-président était présent à l’ouverture des audiences jeudi matin, mais n’est pas revenu après la pause déjeuner. Quelques heures avant le vote de la Chambre haute et alors qu’il devait se défendre face aux sénateurs, un de ses avocats a annoncé qu’il était tombé malade et avait été hospitalisé. « Il est arrivé avec de fortes douleurs thoraciques », a déclaré aux journalistes le cardiologue en chef de l’hôpital de Karen dans la banlieue de Nairobi, Dan Gikonyo, ajoutant que l’état de Rigathi Gachagua était stable, mais qu’il resterait en observation entre 48 à 72 heures.

La Chambre haute a suspendu les audiences dans l’après-midi, mais a rejeté une requête de la défense de Rigathi Gachagua de reporter le vote à mardi 22 octobre 2024 pour lui donner la chance de se défendre. Ses avocats ont quitté les lieux en signe de protestation. Le sénateur Karungo Thangwaune déplore la décision des parlementaires : « La question que l’on se pose est : quelle est l’urgence ? Nous avions encore vendredi et même samedi. Pourquoi vouloir en finir aujourd’hui en pleine nuit et en l’absence du vice-président qui est l’accusé ? C’est un jour triste pour notre pays. » 

Des saisines rejetées

Le vice-président a tenté de bloquer les débats et le vote au Sénat en justice, mais plusieurs saisines ont été rejetées. Il a néanmoins promis de se battre « jusqu’au bout » et de contester la destitution en justice si elle était votée.

William Ruto avait choisi Rigathi Gachagua comme colistier pour la présidentielle de 2022, malgré sa réputation déjà sulfureuse, marquée par plusieurs accusations de corruption. Doté d’un solide réseau d’influence, notamment dans la région stratégique du Mont Kenya, cet ancien homme d’affaires a joué un rôle crucial dans la victoire de William Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%).

Mais les relations entre les deux hommes à la tête de l’État se sont détériorées, notamment depuis un mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet. Les détracteurs du vice-président l’accusent de ne pas avoir soutenu le chef de l’État face aux manifestations qui demandaient sa démission. La répression de cette contestation a fait au moins 60 morts. Le mouvement s’est essoufflé, mais le ressentiment est toujours présent, et la crise actuelle au sommet de l’État est, pour de nombreux Kényans, un nouveau signe de déconnexion de la classe politique.

Le président William Ruto a désormais quatorze jours pour présenter un nouveau vice-président, qui doit ensuite obtenir le vote de confiance du Parlement.

SOURCE RFI

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