Destitution: le président sud-africain sous pression après un scandale
Les hauts responsables du parti au pouvoir en Afrique du Sud, l’ANC, ont annoncé jeudi se réunir en urgence pour discuter du sort du président Ramaphosa, sous pression avec la menace d’une procédure de destitution planant au-dessus de sa tête après la publication d’un rapport parlementaire accablant.
La réunion au sommet doit avoir lieu vendredi. Le chef d’Etat doit de son côté faire une déclaration dans la journée de jeudi, a déclaré à l’AFP le porte-parole de Cyril Ramaphosa, sans donner plus de précisions.
Tard la veille, la publication du rapport d’une commission indépendante désignée par le Parlement a déclenché une tempête en concluant que « le président a pu commettre » des violations et des fautes, dans le cadre d’un scandale qui gêne ce dernier depuis des mois.
En février 2020, des cambrioleurs se sont introduits dans une de ses luxueuses propriétés dans la nord-est du pays. D’importantes sommes en liquide ont été retrouvées sous les coussins d’un canapé. Une plainte déposée en juin l’accuse de ne pas avoir signalé l’incident, ni à la police, ni au fisc.
M. Ramaphosa nie mais le rapport remis au Parlement met clairement en doute les explications données par le président sur la présence de plus d’un demi million de dollars chez lui, caché dans du mobilier.
Les conclusions de la commission ouvrent la voie à une procédure en vue d’un éventuel vote pour la destitution du président. Le Parlement se réunit mardi en séance extraordinaire pour débattre, dix jours avant une échéance cruciale pour l’avenir politique du chef d’Etat.
L’ANC se réunit mi-décembre pour désigner son prochain leader. Le vainqueur deviendra chef de l’Etat à l’issue des élections générales de 2024, si toutefois le parti confronté à un désamour grandissant remporte le scrutin.
– Démission –
Le processus de destitution, s’il est enclenché, a toutefois peu de chances d’aboutir, l’ANC présidé par M. Ramaphosa détenant une confortable majorité au Parlement. Mais le président est affaibli et au cours des dernières heures, les appels à la démission se sont multipliés. Aussi bien de la part de l’opposition que de membres de l’ANC, rongé par des guerres de factions.
Le premier parti d’opposition (DA) a appelé dans un communiqué à des élections générales anticipées, affirmant que le pays est confronté à un « changement sismique ».
Selon une source proche de la présidence, Cyril Ramaphosa est en ce moment « en train d’étudier toutes les possibilités ».
Dans la foulée de la publication du rapport, son bureau avait immédiatement appelé à une « lecture attentive et une considération appropriée » du document, « dans l’intérêt de la stabilité du gouvernement et du pays ».
Mais jeudi, des annulations en cascade ont été annoncées par le gouvernement: un point presse qui devait « aborder les questions d’actualité intéressant le public et les médias », une séance de questions à la chambre haute de l’Assemblée ainsi qu’un discours du vice-président, David Mabuza, qui deviendrait automatiquement chef d’Etat par intérim en cas de démission de Cyril Ramaphosa.
M. Ramaphosa « dément catégoriquement » avoir mal agi. Dans une déclaration officielle à la commission qui a opportunément fuité le jour de la remise du rapport parlementaire et dont l’AFP a eu copie, il expose en détails sa version des faits.
Selon lui, un homme d’affaires soudanais a acheté des buffles dans son domaine à deux heures de route de Pretoria où il élève du gibier et du bétail. « Il a choisi ceux qui lui plaisaient et payé en liquide le montant de 580.000 dollars », explique le président.
L’argent a été caché « sous les coussins d’un canapé d’une chambre peu utilisée », par un employé qui a estimé cette cachette plus sûre que le coffre de la propriété.
Cyril Ramaphosa fait également l’objet d’une enquête pénale de l’unité d’élite de la police sud-africaine, les Hawks.
Par Zama LUTHULI et Claire DOYEN