«Comme frère et sœur», la relation en «or» entre guide et malvoyant

En para athlétisme, la catégorie T11 concerne les athlètes non-voyants ou avec une déficience visuelle quasi-totale. Pour ces derniers, un guide est indispensable et de la qualité de la relation dépend la conquête d’une médaille olympique.

De Ndiasse Sambe envoyé spécial RFI au Stade de France,

L’image est forte et pleine d’émotion. À l’arrivée du 400m femmes T11, le guide Sem Shimanda soulève son athlète, Lahja Ishitile. Ils tombent par terre. Enlacés pendant un long moment, les deux Namibiens savourent et partagent un bonheur olympique. Lahja Ishitile vient en effet d’offrir, avec son guide, la première médaille d’or de l’histoire olympique à la Namibie. « Oh mon Dieu ! crie-t-elle, peinant à y croire, même quelques minutes après son immense exploit. On ne s’attendait pas à ça. On espérait au mieux une médaille d’argent, mais on a gagné l’or. C’est un grand jour pour nous et pour la Namibie. »

Pour cet exploit historique, Lahja Ishitile, qui court depuis « 10 ans sans remporter une seule médaille », sait ce qu’elle doit à son guide Sem Shimanda. « On a vraiment une bonne relation. On est comme frère et sœur. Il me parle tout le temps quand nous courons et me dit : « tu es la meilleure ». Il me donne de la force pour aller au bout. »

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La catégorie T11 est la seule dans les paralympiques où le guide est indispensable à l’athlète. D’où une grosse relation de confiance à établir pour être performant à deux. Pour le Français Timothée Adolphe, médaillé d’argent du 400mT11, « la communication et la bonne entente » est la base de la relation avec son guide Jeffrey Lamy.  

Pas le droit de se prendre la tête, alors, si on dépend l’un de l’autre ? « Si on a le droit, mais il faut se dire les choses, c’est important, poursuit Adolphe. Forcément, il y a des moments où on n’est pas d’accord, mais c’est comme dans toute relation, ce sont des compromis. »

« Si ça ne va pas à la maison, ça ne va pas aller sur la piste, renchérit le Camerounais Guillaume Junior Atangana, médaillé de bronze aux 400m pour l’équipe olympique des réfugiés.

C’est Donard Ndim Nyamjua qui guide son compatriote depuis 2019. En cinq ans, les deux athlètes ont construit une relation qui dépasse aujourd’hui les pistes d’athlétisme. « On vit ensemble, on s’entraîne ensemble, on mange ensemble, on prie ensemble », confie Junior Atangana. Le binôme vit aujourd’hui en Angleterre où ils poursuivent leur carrière après avoir obtenu l’asile comme réfugiés en 2022. « Notre relation est magnifique. Nous sommes déjà une famille, c’est mon frère », martèle Donard Nyamjua, ancien champion du Cameroun du 800 mètres.

Le Français Timothee Adolphe et son guide guide Jeffrey Lami.
Le Français Timothee Adolphe et son guide guide Jeffrey Lami. REUTERS – Stephanie Lecocq

Pour être un bon guide, il faut forcément avoir été athlète et être plus fort que son équipier pour le booster sur la piste. Mais avant, la symbiose et la coordination doivent être bien travaillées.

Cela a été compliqué pour la Française Delya Boughahlem de trouver un guide pour l’accompagner sur le 100m T11 pour ces paralympiques. « J’ai eu pas mal d’aventures avec mes guides, raconte-t-elle. Mon guide principal s’est blessé en avril, ensuite, j’ai fait le reste de la saison avec un autre, mais celui-ci n’a pas été accrédité pour les Jeux ».

Finalement, la Grenobloise de 35 ans a trouvé en Harold Achi-Yao le binôme pour l’accompagner. Pour une préparation en dix jours… « Sur le papier, oui, dix jours, c’est compliqué, reconnaît Delya Boughahlem. Mais on a fait un énorme travail avec Harold et avec les coachs qui nous ont accompagnés. Harold a été hyper observateur, hyper patient. On a réussi à mettre en place des choses pour pouvoir faire une course aujourd’hui [le 2 septembre, NDLR]. » Malheureusement, le pari ne fut pas gagnant pour la Française, disqualifiée dès les séries du 100m, car son guide avait franchi la ligne d’arrivée avant elle…

Par contre, pour la Namibienne Lahja Ishitile, et son guide Sem Shimanda, la quête continue encore avec une qualification en demi-finales du 100m T11. L’aventure paralympique à deux est loin de se terminer.

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