Européennes 2024 : comment expliquer une telle profusion de listes ?
Pas moins de 37 listes ont été enregistrées. Les conditions pour se présenter au scrutin du 9 juin, plutôt souples, permettent à de nombreux mouvements de se lancer dans l’aventure.Pour les animaux, les droits des enfants, le fédéralisme européen, la ruralité ou encore l’espéranto…
Comme en 2019, pléthore de listes sont en course pour les élections européennes. D’après le Journal officiel du samedi 18 mai, 37 listes ont été enregistrées pour tenter d’obtenir des eurodéputés lors du scrutin du 9 juin en France, ce qui constitue un record.
Mais le nombre considérable de listes provoque un éclatement des suffrages, avec de fortes disparités entre les écuries historiques et des étiquettes moins ancrées dans le paysage politique. Beaucoup d’entre elles enregistrent donc des scores faméliques, comme en 2019, lorsque chaque électeur avait le choix entre 34 bulletins. A l’époque, 12 listes avaient récolté moins de 10 000 voix et la moitié de ces 34 listes n’avaient pas dépassé les 50 000 voix chacune. Au total, 21 listes avaient échoué à franchir le cap des 1%.
Un « vrai désir de renouvellement »
En 2019, 26 listes avaient recueilli moins de 3% des suffrages, seuil nécessaire pour obtenir le remboursement des frais de campagne pour ce scrutin.
La barre des 5%, qu’il faut dépasser pour envoyer des élus au Parlement européen, apparaît encore plus éloignée : seulement six listes l’ont franchie lors du dernier scrutin. Peu de contraintes pour se présenter, mais aussi peu de chances d’être au Parlement ou d’être remboursé : qu’est-ce qui pousse les « petites » listes à se lancer dans l’aventure ?
« Les seuils sont faits pour dissuader, mais il n’empêche pas de constituer des petites listes. Cela veut dire qu’il y a un vrai désir de renouvellement », estime Caroline Zorn, tête de liste du Parti pirate en France, qui défend la protection des droits et libertés fondamentales.
« On ne voyait pas de proposition politique qui allait en face de nos aspirations », explique Marine Cholley, qui mène la liste écologiste pro-sciences Equinoxe et veut s’adresser à la génération des moins de 40 ans, fortement touchée par l’abstention.
Porter une proposition politique alternative peut se concilier avec la volonté d’incarner une déclinaison française d’un mouvement européen. C’est le cas de Volt Europa. « L’idée est de dépasser un parti politique national pour devenir un parti politique européen.
Nous avons le même programme, de la Suède au Portugal. Pour nous, les européennes représentent la principale élection », explique Sven Franck, dont le mouvement s’est notamment allié, en France, au Parti radical de gauche (PRG) et à Régions et Peuples Solidaires (RPS).
Le Parti pirate français est quant à lui « membre du Parti pirate européen », qui compte quatre élus au Parlement. Sous nos latitudes, les membres de cette liste sont « un peu les inclassables de la gauche », décrit Caroline Zorn, elle-même conseillère municipale à Strasbourg.
L’échec des listes estampillées « gilets jaunes » en 2019D’autres listes ont un objectif plus modeste en se présentant aux européennes. « Notre but n’est pas d’avoir des sièges, ni le maximum de voix », balaie Laure Patas d’Illiers, de la liste Espéranto langue commune.
« Notre ambition est de présenter une solution à un problème volontairement ignoré, qui est la question des langues. »Au soir du 9 juin, le petit mouvement né dans les années 1980, qui se présente à chaque scrutin continental, n’aura pas vraiment les yeux rivés sur le nombre de bulletins qu’il aura récoltés.
« On regarde des points de consultation sur la page de l’espéranto dans Wikipédia, les statistiques dans les moteurs de recherche, s’il y a plus de gens qui s’inscrivent pour apprendre l’espéranto », explique la tête de liste. Défendre des intérêts particuliers et un pan spécifique de l’opinion n’est pas nouveau pour ce scrutin.
« C’était le cas en 2019 lorsqu’il y avait eu plusieurs listes de ‘gilets jaunes’ sur la ligne de départ », rappelle Mathieu Gallard, de l’institut Ipsos. Ces trois listes n’avaient pas dépassé 1,2% en score cumulé, signe que la volonté d’incarner politiquement un mouvement social ne se traduit pas forcément par un bon score dans les urnes.