L’administration publique, fondement de l’Etat *

L ’Etat désigne l’ensemble des institutions et des services qui permettent de gouverner et d’administrer un pays : les Assemblées, Ministères, Directions, Délégations, Administrations déconcentrées ou décentralisées sont les principales composantes de l’Etat. L’Etat est le fondement de la Nation, laquelle se définit par une communauté humaine ayant conscience d’être unie par une identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse. En tant qu’entité politique, la Nation, qui est un concept né de la construction des grands Etats européens, est une communauté caractérisée par un territoire propre. Elle est la personne juridique constituée d’individus régis par une même constitution.Le fondement et la pérennité d’un Etat résident dans la qualité de son Administration, tant il est vrai que la manière dont fonctionne une Administration constitue un puissant indicateur du niveau d’organisation et de développement d’un pays. A titre illustratif, aux États-Unis d’Amérique, le terme «Administration américaine », renvoie à cette organisation imposante et bien articulée, en quête permanente d’efficacité et d’efficience. Elle est l’expression de la garantie du droit des citoyens et du respect des fondements de la Démocratie. Partant de ces considérations, un régime qui vient à peine de s’installer, doit prendre ses marques et fixer ses repères. Sans compter bien d’autres préalables nécessaires à l’entame effective de l’œuvre colossale en vue.En dépit de cette réalité structurelle, certains de nos compatriotes anticipent plus ou moins sur la critique, alors que le nouveau dispositif de l’Administration n’a même pas encore fini de se déployer. Or, quelle que soit la légitimité du désir de rupture, celle-ci ne peut s’opérer qu’à des conditions suivant des étapes à franchir nécessairement.A tous ceux qui s’impatientent, en exigeant des résultats dans l’immédiat, soit par ignorance ou simplement par l’expression prématurée d’une adversité politique, il y a plus ou moins lieu d’expliquer que la nomination d’un gouvernement n’est que le début d’un long processus qui comporte plusieurs étapes à franchir. Etapes dont la délicatesse est plus qu’avérée.En premier lieu, il y a l’élaboration du décret portant répartition des services de l’Etat et du contrôle des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la Présidence de la République, la Primature et les ministères . Cette étape cruciale relève d’une tâche extrêmement ardue , dans la mesure où la préoccupation du décideur est d’éviter d’emblée toute omission de structure. Mais également tout chevauchement d’attributions de nature à créer des conflits de compétences entre les différents départements ministériels. A titre de rappel historique, des corrections ou réajustements ont été déjà apportés après

la parution d’un décret et à l’épreuve de la réalité du fonctionnement des ministères.

A ce propos, le BOM, sur invite du Président de la République a eu à fournir par le passé des éléments de prise de décision en vue d’arbitrer des conflits de compétences entre départements ministériels.

Ce travail de répartition des services de l’Etat représente ainsi une tâche bien délicate. Tâche qui ne saurait souffrir de la moindre précipitation ou tâtonnement de la part de l’autorité. Un tel exercice atteint sa plénitude dans la formation d’un nouveau gouvernement où plusieurs ministères ont été regroupés pour former un seul département.

Dans une seconde étape, le choix des compétences appelées à assumer des responsabilités et missions étatiques, exige autant d’attention, de prudence et de sérénité. Une autre tâche à la fois délicate et ardue, notamment pour une nouvelle administration qui se déploie, avec pas moins de deux cents postes stratégiques à pourvoir. Le choix des responsables devant obéir à des critères de compétences certes, mais aussi de bonne moralité. Ce qui implique nécessairement des enquêtes préalables aux nominations des personnes pressenties.

En troisième lieu, les passations de service qui concernent tous les ministères et pratiquement toutes les directions nationales et les Agences, doivent s’effectuer obligatoirement et pour l’essentiel, sous la supervision de l’Inspection Générale d’Etat. Pour chaque structure, un procès-verbal est dressé et soumis aux autorités concernées.

Au risque de provoquer des tares congénitales avec un impact négatif sur l’efficacité et l’efficience attendues du nouveau régime, aucune étape de ce processus ne saurait souffrir d’une quelconque précipitation.

Au regard de tout ce qui précède, vouloir exiger des résultats ici et maintenant, relève d’un empressement qui dénote d’une certaine méconnaissance du fonctionnement d’une administration publique.

Dans certaines grandes démocraties comme c’est le cas aux Etats-Unis d’Amérique, la mise en place d’une administration peut prendre plusieurs mois après l’installation d’un nouveau Président. Cela, en raison de toutes les précautions d’usage prises avant la nomination de ceux que l’ont appelle les « Hommes du Président ».

Voilà les raisons majeures qui expliquent la notion de « délai de grâce » des cent (100) jours, afin de permettre à toute nouvelle administration de prendre ses marques et de mieux apprécier « la température institutionnelle ».

Ce « délai de grâce » résulte d’un « gentleman agreement » entre le pouvoir et l’opposition qui, si farouche soit elle, s’abstient durant cette période, d’exiger des nouvelles autorités des réalisations immédiates, sachant qu’une telle démarche à ce stade relèverait plutôt de l’utopie. Aucune pression, de quelle que nature que ce soit , ne devrait entraîner les nouvelles autorités dans la précipitation, l’improvisation ou le tâtonnement.Cette étape décisive exige de leur part calme et sérénité. Les citoyens qui les ont élues doivent aussi s’armer de patience et faire preuve d’un esprit positif tout en gardant à l’esprit cette maxime de feu El Haadj Abdoul Aziz Sy Dabbaakh (RTA) , nous invitant de toujours prier afin qu’aucun malheur ne vienne frapper le bateau dans lequel nous sommes tous embarqués.*Début d’une série d’entretiens et de contribution, cette tribune est signée Abdoul Aziz TALL, conseiller en management public et ancien ministre de la République. Il livre sa part d’expérience des processus décisionnels et des leviers de transformation sociale et politique

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