Maroc: futur producteur de drones
Grâce à sa coopération militaire avec Israël, le Maroc fait un pas de plus pour fabriquer localement des drones capables de mener des opérations militaires et de renseignement. Focus sur cette annonce.
La société israélienne BlueBird Aero Systems va officiellement lancer son unité de production d’aéronefs sans pilotes (ASP) sur le sol marocain. C’est ce qu’a annoncé Ronen Nadir, PDG de la société israélienne, dans une déclaration publiée le 13 avril dans la revue espagnole Zona Militar. Selon l’ancien militaire israélien, la filiale commencerait ses activités dans un avenir proche. Par ailleurs, il n’a apporté aucune information sur l’emplacement de cette installation ni sur la date précise du démarrage de la conception.
Aucune déclaration commune n’a été faite jusque-là. Cette annonce n’a pas déclenché la moindre réaction officielle de Rabat. En novembre 2023, le ministre marocain de la Défense, Abdellatif Loudiyi, avait évoqué le projet de développer une industrie militaire nationale orientée vers la production d’aéronefs sans pilotes et à vocation exportatrice. Ce n’est pas la première fois qu’une entreprise israélienne montre son intérêt à développer cette industrie avec et au Maroc. En 2023, Elbit Systems, entreprise concurrente de BlueBird, avait indiqué qu’elle projetait d’y ouvrir deux sites de fabrication de drones.
Qui est cette entreprise avec laquelle le Maroc pourrait devenir un exportateur de drones militaires ?
La société israélienne BlueBird a été fondée en 2002. Elle est détenue en partie par l’entreprise publique Israel Aeorospace Industries (IAI), sa maison mère. Ronen Nadir, le PDG de la société, était commandant au sein de l’armée israélienne chargé du développement des missiles.
Cette start-up développe depuis 2005 des drones comme le WanderB-VTOL (2,5 heures d’autonomie avec des communications d’une portée de 50km) ou le ThunderB (24 heures d’autonomie et une portée des communications de 150 km). Ces appareils sont principalement destinés à des missions de reconnaissance, de renseignement et de détection de cibles. En 2022, Rabat en a commandé cent cinquante exemplaires, dont une partie sera produite sur le sol marocain.
La réception du SpyX par le Maroc.
Crédit : Bluebird Aero Systems
Lors de la 54e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, en France, l’entreprise avait présenté sa nouvelle munition rôdeuse nommée SpyX. Un système de frappe à portée étendue. Celui-ci dispose d’une envergure de 2 mètres pour 1,40 mètre de long. Il se déploie via une rampe de lancement placée sur une plateforme mobile tel qu’un véhicule tout terrain. Le drone SpyX, qui a été acquis récemment par le Royaume chérifien, pourrait ainsi être fabriqué localement.
Le drone kamikaze SpyX testé sur le sol marocain par BlueBird et les Forces armées royales
BlueBird a déjà implanté un site de production de drones en dehors d’Israël. Depuis 2017, l’entreprise fabrique des aéronefs sans pilotes en Inde en collaboration avec la société Cyient.
Le Maroc, une puissance aérienne en devenir ?
L’intérêt des Forces armées marocaines (FAR) pour les drones ne date pas d’hier. Leur première utilisation par les FAR remonte à 1986, lorsque l’armée de l’air a expérimenté le SkyEye R4E-50, un drone de surveillance produit par l’avionneur britannico-américain BAE Systems.
Le R4E SkyEye est en service dans un certain nombre de pays, dont l’Égypte et le Maroc. Il est utilisé pour la surveillance des champs de bataille et pour la pulvérisation de pesticides.
Le Maroc possède l’une des plus importantes flottes de drones militaires sur le continent, d’après Military Africa. Selon le site spécialisé dans les affaires militaires africaines, les Forces armées royales auraient fait l’acquisition de 223 aéronefs pilotés à distance auprès de fournisseurs étrangers entre 1980 et 2024.
Le Royaume chérifien n’est pas le seul à s’inscrire dans cette tendance. Pour Military Africa, le nombre de pays africains recourant activement à des véhicules aériens sans pilotes armés a quadruplé au cours des dix dernières années. L’Afrique du Nord représente à elle seule la moitié du nombre de véhicules aériens sans humain à bord (UAV) sur le continent, soit 818 au total. Dans le cas marocain, les données précisent que l’arsenal est composé de 160 drones israéliens, de 26 appareils américains et d’une vingtaine d’autres d’origine turque.
En 2021, l’armée marocaine a acquis le système israélien Skylock Dome pour améliorer sa puissance défensive. Deux ans plus tard, elle a acheté le système de défense aérienne et antimissile Barak MX fabriqué par Israel Aerospace Industries (IAI). Il s’agit d’un dispositif modulaire conçu pour répondre aux menaces des missiles et des avions. Il fonctionne aussi bien sur des plateformes marines que terrestres.
Le Barak MX est un système de missile de défense aérienne avancé de la famille Barak. Son missile a une portée de 35 à 70 KM.
Menadefense
Quelle coopération et dans quel cadre juridique ?
Le Parlement marocain a adopté en 2021 une loi autorisant la création de coentreprises dans l’industrie de défense. Les dispositions de cette loi, inédite dans l’arsenal juridique marocain, permettent l’installation d’entreprises privées dans le domaine de l’armement et des équipements militaires. Sans cette loi, l’implantation d’une filiale locale de la société israélienne BlueBird n’aurait pas été possible.
En novembre 2021, lors de la visite de l’ancien ministre israélien de la Défense Benny Gantz au Maroc, les deux pays avaient signé un accord-cadre dans le domaine militaire et sécuritaire. Celui-ci prévoit, entre autres, une coopération entre les services de renseignement, le développement de liens industriels, l’achat d’armement et des entraînements conjoints.
Des observateurs israéliens ont également participé pour la première fois en juin 2022 à « African Lion 2022 », le plus large exercice militaire sur le continent africain, coorganisé par le Maroc et les États-Unis.
Le rapprochement entre le Maroc et Israël s’est accéléré depuis la normalisation diplomatique opérée en décembre 2020 dans le cadre des accords d’Abraham, un processus entre Israël et plusieurs pays arabes, soutenu par Washington.