Absente de son discours: pourquoi Trump se fiche-t-il éperdument de l’Europe?
Lors de son discours d’investiture, Donald Trump a multiplié les mises en garde voire les menaces, a déclaré son intention de planter un drapeau sur Mars… mais n’a pas mentionné une seule fois l’Europe. Comment expliquer l’absence de référence au Vieux Continent? Éléments de réponse avec David Criekemans, professeur de politique internationale.
“Le fait que l’Europe n’ait pas été mentionnée s’explique facilement: il s’en moque”, entame David Criekemans. “Les experts avertissent depuis des années que le rôle des États-Unis en tant que garant de la sécurité en Europe est sous pression. Historiquement, Joe Biden a peut-être été le dernier président à vouloir que l’Amérique continue d’assumer ce rôle traditionnel. »
Même si l’on sait que YMCA est l’acronyme à quatre lettres préféré du nouveau président, on aurait pu s’attendre à ce que l’avenir de l’OTAN fasse l’objet d’une phrase dans son discours. Mais non. “L’OTAN est néanmoins importante pour Trump, mais il la présentera comme un bloc (…) Il fera pression sur l’Europe pour qu’elle fournisse plus d’argent, que du matériel d’armement américain soit acheté.”
“Lors du prochain sommet de l’OTAN, nous en entendrons probablement déjà parler et cela deviendra alors concret pour notre pays. Si le prochain gouvernement n’augmente pas le budget de la défense de manière significative, il devra se préparer. Le problème est que le fédéralisme belge, tel qu’il a été créé en 1993, est un produit de l’après-guerre froide, où les Régions et les Communautés ont été largement financées”, poursuit le professeur de politique international.
En d’autres termes, la baignoire fédérale se vide et il faut reconsidérer le financement des Régions et des Communautés pour pouvoir dégager un budget de défense adéquat. Pendant la guerre froide, 3% du PIB étaient consacrés à la défense. Si c’était possible à l’époque, cela devrait l’être aujourd’hui. »
“Nous allons ressentir les effets de son modèle économique”
Donald Trump veut entrer dans l’histoire avec le statut d’artisan de la paix. Étrange, puisque les États-Unis souhaitent notamment “reprendre” le canal de Panama. Autre cible déclarée: le Groenland. “Apparemment, le Danemark a proposé de négocier” commente David Criekemans, mais pas un mot sur l’archipel dans son discours.
“Même le conflit en Ukraine n’a pas été littéralement mentionné”. Mais Trump avait une raison stratégique pour cela, selon l’expert. “Pendant sa campagne, il a affirmé que sous son règne, le robinet de l’argent serait fermé, mais entre-temps, il semble que pour des raisons stratégiques, c’est le contraire qui se produira.”
Le fait que les étrangers paieront des impôts aux États-Unis pourrait simplement conduire à plus d’inflation aux États-Unis mêmes. “En Belgique, nous allons ressentir les effets du modèle économique défendu par Trump. Les entreprises américaines investiront beaucoup moins dans notre pays. Dans l’industrie pétrochimique, les nouveaux investissements se feront à Houston et non plus à Anvers.”
“Le prix de l’énergie est déjà trois fois plus élevé et pourrait encore grimper. Ce sera donc un gros problème. Paradoxalement, nous pouvons aussi obtenir une part du gâteau: lorsque Trump investit davantage dans le pétrole et le gaz, les prix pourraient baisser dans le monde entier. Nous pourrions en tirer profit, alors que la Russie s’abstiendra de le faire. Peut-être serons-nous tout de même reconnaissants aux États-Unis pour cela, d’un point de vue économique en tout cas.”
Tourisme
Sera-t-il bientôt plus difficile de se rendre aux États-Unis en tant que touriste, et y serons-nous encore les bienvenus sous la bannière “America First”? “Nous n’avons que peu d’informations à ce sujet pour l’instant, mais je ne serais pas surpris que les choses se compliquent un peu. Pour le Belge moyen, je ne pense pas que cela change grand-chose.”
Marc Coppens -7/7.BE