Rwanda: Paul Kagame balaie la polémique sur les propos d’Emmanuel Macron sur le génocide des Tutsis
Au lendemain des commémorations du 30e anniversaire du génocide perpétré contre les Tutsis en 1994 au Rwanda, le président Paul Kagame a tenu lundi 8 avril au matin une conférence de presse dans la capitale Kigali. Il a réagi aux propos du président français Emmanuel Macron, qui, lors d’une vidéo, a insisté sur la nécessité de « regarder le passé en face », sans pour autant revenir sur la citation transmise par la présidence à la presse, indiquant que la France « aurait pu arrêter le génocide ». Ce changement ressemble de plus en plus à un couac dans la communication de l’Élysée.
Même s’il n’a pas fait le déplacement à Kigali dimanche 7 avril pour les événements, le président français Emmanuel Macron s’est joint aux commémorations des 30 ans du génocide des Tutsis via un message vidéo. Ce message s’est inscrit dans la droite ligne de celui prononcé dans la capitale rwandaise le 27 mai 2021, lorsqu’il avait reconnu une responsabilité « accablante » de la France dans le génocide contre les Tutsis. Il y a insisté sur la nécessité de « regarder le passé en face »,
Mais cette communication de dimanche ne fait aucune mention de la citation transmise par l’Élysée jeudi dernier à la presse.
Jeudi 4 avril, les services de communication de l’Élysée envoient aux médias un texte qui est censé refléter la teneur du message que le président français Emmanuel Macron doit prononcer à l’occasion de la commémoration du 30ème anniversaire du génocide perpétré contre les Tutsis. « Le chef de l’État rappellera que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés, n’en a pas eu la volonté. » Ce sont des mots forts qui marquent un pas supplémentaire dans la reconnaissance de la responsabilité française et les médias ne se privent pas d’en faire un large écho.
Que s’est-il passé ? Peut-on parler d’un véritable rétropédalage ou d’une simple erreur de communication ? Une source à l’Élysée commence à invoquer deux jours plus tard « une surinterprétation » de ses propos : effectivement, Emmanuel Macron ne les a pas repris dans sa vidéo diffusée lors des commémorations, le dimanche 7 avril. Il y déclare « avoir tout dit » lors de son discours à Kigali en 2021 : il y avait reconnu les « responsabilités » de la France, dans l’abandon de « centaines de milliers de victimes ».
Paul Kagame veut « se concentrer sur les bonnes choses » sans accorder d’attention à la polémique
Dans sa conférence de presse lundi 8 avril au matin, le président rwandais Paul Kagame a réagi à la polémique en la balayant d’un revers de main : « La relation entre le Rwanda et la France a été bonne ces derniers jours, (…) je me concentre sur les bonnes choses qui peuvent arriver si on fait des progrès. »
Polémique du côté de l’Institut François Mitterrand et des associations
L’Institut François Mitterrand, gardien de la mémoire de celui qui était le président français lors du génocide, est monté au créneau. Il dénonce dans un communiqué « une communication hasardeuse, ainsi que l’absence de démenti clair » des propos attribués au président Emmanuel Macron. Le communiqué assure également que l’action de la France a été guidée depuis 1990 par « sa volonté de prévenir une catastrophe » au Rwanda et appelle Emmanuel Macron à clarifier rapidement sa position : « Il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale », tranche-t-il.
De son côté, l’association française Survie a fustigé une vidéo qui reste figée, selon elle, « sur les mots prononcés du bout des lèvres en 2021 » : « Pour la rafle du Vel d’hiv, il a fallu 50 ans pour que l’État reconnaisse officiellement que la France s’est rendue complice de génocide. Pour le génocide des Tutsi, là aussi, la reconnaissance est inéluctable », a-t-elle commenté.
Enfin, l’Historien Vincent Duclert, qui a présidé une commission ayant rendu un rapport historique sur les responsabilités « lourdes et accablantes » de la France dans ce génocide, estime lui qu’il n’y a « pas de recul » entre les deux messages. Il parle d’« une nouvelle avancée dans l’étude sans concession du passé » et « se félicite de voir Macron appeler à la poursuite de la recherche » sur la question.
SOURCE RFI