À la Une: le réveil de l’État islamique
Revendication par des canaux authentifiés, diffusion d’une vidéo des assaillants en train de faire un carnage : l’implication directe dans l’attentat de Moscou de l’État islamique ne fait guère de doutes…
« L’organisation terroriste, et notamment sa filiale État islamique au Khorassan, en l’espace de deux mois et demi, a frappé deux fois à l’international. Et fort, constate Libération à Paris. Début janvier, le groupe djihadiste a revendiqué l’attentat qui a fait près de 100 morts et 300 blessés à Kerman en Iran. Deux explosions qui ont fauché une foule de pèlerins près de la tombe du général Qassem Soleimani. Une attaque perpétrée par pure haine sectaire, les chiites iraniens n’étant pas considérés par les djihadistes sunnites comme de véritables musulmans. La seconde tuerie a (donc) eu lieu vendredi soir près de Moscou, soupire Libération. Cette attaque est d’ores et déjà considérée comme la plus meurtrière jamais revendiquée par l’EI sur le sol européen. Sa configuration nous fait dire, depuis la France, que le peuple russe a vécu son Bataclan. »
Après la Russie, l’Europe ?
Pourquoi cet attentat ? « L’État islamique au Khorassan fait une fixation sur la Russie depuis deux ans », explique Colin Clarke dans les colonnes du New York Times. Il est analyste dans une société de conseil en sécurité basée à New York. « L’État islamique accuse le Kremlin d’avoir du sang musulman sur les mains, poursuit-il, faisant référence aux interventions de Moscou en Afghanistan, en Tchétchénie et en Syrie. Une grande partie des membres de cette organisation sont originaires d’Asie centrale, et il y a un grand contingent d’Asiatiques centraux qui vivent et travaillent en Russie. »
Et selon plusieurs spécialistes de la lutte contre le terrorisme, poursuit le New York Times, « les attentats perpétrés à Moscou et en Iran pourraient inciter l’État islamique à redoubler d’efforts pour frapper en Europe, en particulier en France, en Belgique, ou encore en Grande-Bretagne. »
D’ailleurs, à la suite de l’attentat de Moscou, la France a décidé de rehausser le plan Vigipirate à son niveau le plus élevé, à savoir « urgence attentat ».
Le déni de Poutine
Malgré tout, Poutine ignore la piste islamiste et accuse indirectement l’Ukraine… En effet, précise Die Welt à Berlin, cet attentat « constitue une humiliation pour le dictateur russe. Il lui a fallu 19 longues heures avant de s’asseoir devant un mur beige samedi après-midi pour expliquer à son peuple comment l’attaque la plus meurtrière qu’a connu la Russie en 20 ans avait pu se produire. Bien entendu, il n’a rien fait de tel. D’une voix monocorde, il a exprimé ses condoléances aux proches des victimes et a blâmé l’Ukraine. Cela n’est guère surprenant. »
Commentaire sans appel du Corriere Della Sera à Rome : « Poutine tente désormais de compenser son terrible échec par des mensonges. La tentative de lier d’une manière ou d’une autre l’État islamique à l’Ukraine est ignoble et insoutenable. (…) Cette fois encore, le tsar fera payer ses erreurs aux autres. »
« Malgré la rhétorique de Poutine cherchant à impliquer l’Ukraine, l’attentat de Moscou souligne les vulnérabilités du régime de guerre de Poutine, souligne aussi le Washington Post, des vulnérabilités qui étaient également évidentes lorsque Evgueni Prigojine a tenté de renverser le pouvoir en juin dernier. »
Vers une conflagration générale ?
Et Poutine « devra peut-être rendre compte de sa paranoïa devant l’opinion, pointe Le Figaro à Paris, ses propres forces de sécurité s’étant révélées spectaculairement défaillantes pour un État policier qui fiche tous ses citoyens et traque la moindre parole de travers. On voit bien la tentation de Vladimir Poutine de s’en tenir à cet unique et commode ennemi, l’Occident antirusse et son bras armé, le régime ukrainien “nazi“. Mais le chef du Kremlin va devoir prendre une décision fatidique pour l’avenir de son pays, relève encore Le Figaro : rester dans cette fantasmagorie ou bien accepter la réalité, plus complexe, dans laquelle Moscou se retrouve à la même enseigne que Paris ou New York. »
Et, attention, conclut le journal, « si Poutine entraîne la Russie toujours plus avant dans un monde qui n’existe pas, nous ferons tous un pas de plus vers une conflagration générale, avec un adversaire qui n’entend plus raison. »
Par : Frédéric Couteau – RFI