Des revendications légitimes autour du Nouvel An malgache
La bataille fait rage depuis une dizaine d’années entre les gens du Trano kolotoraly, prosélytes d’une antiquité du fin fond des âges dits période des Vazimba et les héritiers d’Anosimanjaka, gardiens des traditions royales en matière de Fanandroana depuis cinq cents ans, remontant à une période de reconstruction des États royaux dans tout Madagascar avec l’adoption du calendrier musulman.
Le problème s’est intensifié avec les autres affirmations des Malagasy des Basses Terres qui adoptent plutôt un Asaramanitra au cours de la période de l’équinoxe du printemps (octobre-novembre) ou Volambita. Qui croire, que faire ? » C’est l’introduction d’une Communication que présente, en 2022, l’historienne Ramisandrazana Rakotoseheno, directeur de recherche associée au Centre national de recherche environnementale, à l’Académie malgache dont elle est membre titulaire.
Le 31 mars 2022, Ny Fikambanana Taranaka Ambohitrabiby invite un certain nombre de personnes pour fêter le Taombaovao Malagasy 2022 sur le Rovan’Ambohitrabiby, Hasin’Imerina qui est parmi les Douze collines sacrées de l’Imerina. Quand Ralambo, fils d’Andriamanelo, règne sur les terres de son beau-père Rabiby- « probablement un Zafitsimeto du Sud-Est qui lui enseigna le calendrier et l’astrologie arabe »- il accole à la colline d’Ambohitrabiby le qualificatif d’Ihasin’Imerina pour marquer un nouveau territoire arraché de haute lutte aux Sihanaka et Bezanozano et en faire un nouveau « toko ». Pourtant, il ne faut pas oublier que, dans l’histoire merina, chaque capitale -les anciennes (Fanongoavana, Ambatondrakoriaka, Ampandrana, Imerimanjaka, Alasora) comme les nouvelles (Antananarivo, Ambohimanga etc.)- possède sa charge de « hasina » particulière quand le royaume s’agrandit et que chaque colline acquiert de nouvelles assignations de « sanctité ». Ainsi, Alasora est terre des rois.
En 1995, d’autres gens organisent le Nouvel An à Ambohimanga, une autre colline sacrée. Anosimanjaka « gardien des traditions » et donneur d’épouses royales, de son côté, organise toujours une célébration de Nouvel An, « même pendant l’intermède colonial», suivant le calendrier lunaire, le second jour de l’Alahamady Be, le 2 mai 2022, pour que la nouvelle lune soit visible par tous en souvenir de l’ancien Fandroana royal, date de démarrage de l’année.
Tous ces sites sont des hauts lieux de l’histoire merina. Tous suivent globalement le même protocole de célébration. D’abord, une veillée du « dernier jour de l’année » suivie de bénédictions, nouveau feu allumé, feux de joie (arendrina) et Bain fandroana. Et le lendemain, « Jour de l’An», bénédictions, sacrifice et abattage de zébus, discours de remerciements et autres kabary d’usage.
« Tous revendiquent la volonté de faire revivre l’histoire et la culture et une certaine malgachitude dans le monde de la globalisation. Mais il nous semble que, dans tous les cas de figure, et devant les positions irréductibles des deux groupes traditionnalistes, chaque partie a oublié que l’histoire était toujours en mouvement et, sur une très longue durée, elle a incorporé et synthétisé plusieurs apports étrangers pour en faire une culture originale à Madagascar.»
Dans sa Communication qu’elle intitule « Les calendriers malgaches et nouvelle considération sur les célébrations du Nouvel An », l’historienne spécifie, à partir d’études d’auteurs (J.-P. Domenichini, J.C. Hebert, le Firaketana, Kasanga, Rombaka, Beaujard) que chaque calendrier est la conception d’une époque, d’une culture et d’un peuple. Chaque revendication du Nouvel An, a donc sa légalité et sa légitimité à travers les âges et, particulièrement, à travers les différentes migrations des Malgaches.
Elle donne alors la définition du Focus de Bordas (1976) sur le calendrier. C’est « la division du temps utilisant trois unités naturelles : le jour, durée de la rotation de la terre sur elle-même ; le mois, fondé sur la révolution de la lune autour de la terre ; l’année, durée de la révolution de la terre autour du soleil. Ces trois grandeurs n’ayant entre elles de commune mesure, l’établissement d’un calendrier pose des problèmes délicats dans toutes les civilisations et cultures et ont reçu des solutions différentes ».
Ainsi, un calendrier est un système élaboré par les hommes pour recenser les jours, c’est-à-dire pour mesurer le temps. « Chez bon nombre de peuples, l’unité la plus importante est le mois lunaire. Les calendriers qui tiennent comptent à la fois de la lune et du soleil, comme le calendrier juif, corrigent l’inconvénient du surplus de jours en ajoutant un treizième mois certaines années… »
Pela Ravalitera – Provided by SyndiGate Media Inc.