Macron s’adresse aux Français
Emmanuel Macron va s’expliquer jeudi soir devant les Français sur les enjeux du soutien à l’Ukraine, après ses propos controversés sur le possible envoi de militaires occidentaux, face à une Russie de plus en plus « menaçante » selon lui en Europe.
A trois mois des élections européennes, son entretien aux « 20H » de TF1 et France 2 marquera aussi de facto son entrée dans la campagne, après le premier meeting de son camp dimanche à Lille.
Il prendra d’ailleurs la parole dans la foulée du premier grand débat des Européennes, sur Public Sénat, avec toutes les têtes de liste à l’exception de Jordan Bardella (Rassemblement national) représenté par Thierry Mariani, un eurodéputé réputé proche de Moscou.
La majorité présidentielle a notamment prévu d’axer sa campagne sur le soutien à l’Ukraine, accusant le Rassemblement national, largement en tête dans les sondages, et La France insoumise, d’entretenir des positions prorusses.
« Le président va rendre compte de la situation de manière pédagogique », résume un proche, après la signature de l’accord bilatéral de sécurité avec Kiev et le débat au Parlement sur le soutien à l’Ukraine.
L’Assemblée nationale mardi, tout comme le Sénat mercredi, ont largement approuvé l’accord de sécurité, loin toutefois du consensus généralement observé sur les questions internationales.
« Il est légitime et naturel qu’il puisse s’adresser aux Français (…) pour leur dire, les yeux dans les yeux, quel est l’état de la situation et comment organiser les choses dans les semaines à venir », ajoute le proche.
« Ambiguité stratégique »
Le chef de l’Etat est surtout attendu sur ses déclarations autour de l’envoi possible de troupes en Ukraine, qui ont semé le trouble dans une bonne partie de l’Europe, même s’il a bien souligné qu’aucun consensus n’existait « à ce stade » parmi les alliés et qu’il assumait avant tout une « ambiguïté stratégique » vis-à-vis de la Russie.
Son ministre des Armées Sébastien Lecornu a depuis déminé le terrain en précisant que l’envoi de « troupes combattantes » n’était pas sur la table et que la question portait plutôt sur la présence de formateurs militaires occidentaux en Ukraine.
Il s’agit de « soutenir à fond l’Ukraine pour empêcher la Russie de gagner », pas de « rentrer dans le combat », a renchéri l’ex-ministre de la Défense et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian jeudi sur France Info. « Nous ne sommes pas des cobelligérants et n’allons pas l’être demain », a-t-il ajouté.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est aussi voulu rassurant lundi. « Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine », a-t-il lancé.
Mais l’ambiguïté s’est surtout instillée dans les esprits. Les deux-tiers (68%) des Français considèrent qu’Emmanuel Macron a eu tort d’afficher cette position, selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting réalisé fin février pour Le Figaro.
Deux ans après le début de l’offensive russe, le 24 février 2022, son impact sur les économies européennes, les craintes d’extension du conflit vers l’ouest et une certaine lassitude des opinions se font aussi sentir.
– « Rassurer et dramatiser » –
Début mars, 39% des Français (-11 points par rapport à juin 2023) considéraient que la France devait continuer de soutenir économiquement et financièrement l’Ukraine comme elle le fait actuellement, selon un sondage Elabe pour La Tribune.
Même tendance concernant le soutien militaire, 79% s’opposant en outre à l’envoi de troupes combattantes au sol et même 47% à celui de formateurs.
« Emmanuel Macron va devoir d’abord rassurer les Français quant à l’inquiétude sur les risques de propagation du conflit », pointe Bernard Sananès, président de l’institut Elabe.
Le président russe Vladimir Poutine alimente lui-même ce sentiment en agitant en permanence la menace d’un conflit nucléaire.
Parallèlement, Emmanuel Macron et son Premier ministre multiplient les mises en garde alarmistes en cas de victoire russe.
« Des puissances devenues inarrêtables » sont « en train d’étendre la menace chaque jour, de nous attaquer nous-mêmes davantage », a estimé début mars le chef de l’Etat, appelant à être à « la hauteur de l’Histoire et du courage qu’elle implique ».
Gabriel Attal prédit quant à lui un « cataclysme pour le pouvoir d’achat » des Français si la Russie venait à l’emporter, avec une « inflation alimentaire puissance dix, une explosion des prix de l’énergie puissance dix ».
« Ce sera toute la difficulté de l’exercice présidentiel jeudi soir, rassurer tout en continuant à dramatiser l’enjeu », anticipe Bernard Sananès.