L’Allemagne face à la récession
L’Allemagne est tombée en récession en 2023. L’élève modèle de la classe euro est devenu l’an dernier l’homme malade de l’Europe. Comment Berlin peut retrouver son élan ?
Trois ans après la grosse récession provoquée par le Covid-19, l’économie allemande boit à nouveau la tasse. Le PIB a reculé de 0,3%. Il s’agit de la plus mauvaise performance du G7, comme l’avait prédit le Fonds monétaire international (FMI). L’inflation a laminé le pouvoir d’achat des ménages et a donc cassé le moteur de la consommation.
L’autre moteur de la croissance allemande, une industrie orientée vers l’exportation est, lui aussi, en rade, parce que la demande s’essouffle. Et parce que la guerre en Ukraine a privé les industriels allemands de l’un des atouts de leur compétitivité, une énergie bon marché, en l’occurrence, le gaz russe. Très énergivores, la chimie et la métallurgie allemande ont vu leur production chuter de 20% en deux ans.
Modèle solide
Malgré ce trou d’air après deux ans de reprise robuste, le modèle allemand est encore solide. Les entreprises de taille intermédiaire, qui constituent la force de l’industrie allemande, sont réputées pour leur capacité à s’adapter. Et grâce à leurs performances passées, les grandes entreprises ont augmenté massivement leurs salariés. Cela pourrait profiter à la consommation des ménages.
Mais il n’y a pas de parade contre la diffusion du protectionnisme, ni contre l’affaissement de la demande, notamment de celle de la Chine, le plus gros débouché de l’Allemagne après les États-Unis. Pour conserver leur avantage en coût, et donc leurs clients, des industriels allemands pensent à quitter leur pays. Par exemple, les chimistes investissent là où l’énergie est dorénavant bon marché, et où l’État soutient financièrement la construction de nouvelles usines, c’est-à-dire aux États-Unis.
Orthodoxie budgétaire
La limitation du déficit est inscrite dans la loi fondamentale, c’est pourquoi en novembre la cour constitutionnelle a retoqué 17 milliards d’euros de dépenses publiques prévues en 2024 pour relancer la machine. Le chancelier a dû faire machine arrière avec un mini plan d’austérité. D’où la grogne sociale actuelle, celle des agriculteurs qui viennent de perdre des avantages fiscaux.
Selon l’économiste Peter Bofinger, ces mesures d’économies sont totalement contre productives en situation de crise. Cet ancien conseiller du gouvernement allemand s’interroge : son pays, à nouveau qualifié d’homme malade de l’Europe, n’est-il pas aussi devenu complètement idiot en s’interdisant de s’endetter ?
Il n’y a pas que les États-Unis qui soutiennent massivement l’industrie. C’est aussi ce que la Chine est en train de faire à grande échelle pour redresser son économie. Si l’Allemagne veut rester dans le peloton de tête des grandes nations industrielles, elle doit retrouver une capacité à emprunter pour investir dans la restructuration de son économie. C’est la conviction du chancelier Olaf Scholz et du ministre écologiste de l’Économie. Mais pas celle de l’autre partenaire de la coalition, le parti libéral, et encore moins celle des électeurs, en grande majorité partisans du frein à l’endettement.