L’OTAN est en train de construire sa “plus grande base militaire en Europe”: une menace pour la Russie?

En Roumanie, les travaux ont débuté pour ériger ce qui est projeté comme étant la plus vaste base militaire de l’OTAN en Europe. Il s’agit d’une ville entièrement aménagée, capable d’accueillir jusqu’à 10.000 militaires et leurs familles. À quoi ressemblera cette nouvelle base? Les troupes belges y seront-elles également stationnées? Et la Russie devrait-elle déjà s’inquiéter? L’ancien colonel Roger Housen fait le point.

Où se situera cette nouvelle base ?

La future base de l’OTAN sera située dans l’est de la Roumanie, plus précisément à Mihail Kogălniceanu, où une base de l’armée de l’air roumaine est déjà établie. Positionnée à 10 kilomètres du littoral de la mer Noire et à 100 kilomètres de la frontière ukrainienne, elle se trouve en face de la Crimée annexée, où la Russie déploie activement sa flotte de la mer Noire et dispose d’une base logistique pour ses opérations militaires. Il s’agit donc d’un emplacement stratégique de premier ordre.

À quoi ressemblera la base?

La nouvelle base s’étendra sur environ 2.800 hectares, ce qui équivaut à plus de 4.000 terrains de football, devenant ainsi la plus vaste base militaire de l’OTAN en Europe en termes de superficie. Elle pourra accueillir en permanence 10.000 soldats et leurs familles. Outre les installations militaires, des crèches, des écoles, des magasins, des installations sportives et un hôpital seront également construits. Le coût total du projet est estimé à 2,5 milliards d’euros.

Les travaux d’infrastructure sont en cours, comprenant notamment le développement des routes d’accès et le déploiement des réseaux électriques. Prochainement, commencera la construction d’une nouvelle piste parallèle à celle déjà existante. Des aménagements sont également prévus pour inclure des voies de circulation supplémentaires, des aires de stationnement, ainsi que des installations adaptées à divers types d’aéronefs, incluant des hangars pour l’entretien des avions, des simulateurs, et des entrepôts de carburant et de munitions.

L’ancien colonel Roger Housen souligne l’importance stratégique de cette nouvelle base. “Dans le cadre du déploiement renforcé de l’OTAN en Europe de l’Est, la base constituera un point d’appui important”, explique-t-il. “L’OTAN renforce considérablement sa présence en Baltique, en Pologne et en Roumanie. La région de l’Europe du Sud-Est, particulièrement la zone de la mer Noire, prend une importance croissante, étant donné son rôle dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine.”

Selon Roger Housen, il est faux de dire qu’il s’agira non seulement de la plus grande base militaire de l’OTAN en Europe, mais aussi de la plus importante, comme le laisse entendre le gouvernement ukrainien. “Prenons par exemple la base aérienne américaine de Ramstein en Allemagne, qui est également utilisée par l’OTAN. En considérant le nombre d’installations — casernes, champs de tir, zones d’entraînement — ainsi que les quartiers généraux présents sur ce site, Ramstein apparaît clairement comme étant plus importante que la future base en Roumanie. Quant au quartier général de l’OTAN à Naples, bien qu’il soit plus petit en superficie, son importance pour la région méditerranéenne est sans aucun doute au moins aussi grande.”

“Les zones d’entraînement américaines de Grafenwöhr en Allemagne et le camp d’entraînement allemand de Bergen-Hohne sont bien plus vastes. Cependant, pour ce qui est de l’OTAN en elle-même, il s’agira effectivement du plus grand site en termes de superficie”, précise Roger Housen.

Inquiétude pour Moscou?

“Oui et non”, tempère d’entrée l’ancien colonel. “Non, parce que l’OTAN n’a pas l’intention d’attaquer la Russie. La présence accrue de l’Alliance en Europe de l’Est n’est pas non plus une indication de cette intention. Ce que l’OTAN veut, c’est dissuader et décourager Poutine de toute action qui pourrait menacer la stabilité de l’Europe de l’Est.”

Un élément essentiel de la dissuasion est de montrer à l’adversaire que l’on dispose des capacités nécessaires. “Il doit voir que vous disposez de bases, d’unités, d’avions et de navires pour réagir si nécessaire. Vous devez également communiquer clairement vos lignes rouges et faire comprendre à votre adversaire que vous êtes sérieux. Si l’OTAN ne déploie rien en Roumanie, elle perdra une partie de sa crédibilité. »

En d’autres termes, Moscou n’a rien à craindre. À moins qu’elle ne franchisse une ligne rouge et n’attaque un pays de l’OTAN. Dans ce cas, la base de l’OTAN prouvera sa valeur.

Des soldats belges seront-ils également stationnés sur la nouvelle base ?

“La décision n’a pas encore été prise. C’est une option envisagée, mais nous en sommes loin. Cela relève d’une décision politique, mais le gouvernement actuel semble s’en écarter », estime Roger Housen.

En ce qui concerne le logement du personnel militaire, deux approches se dégagent. “Il y a des pays comme l’Allemagne qui veulent déployer une grande formation en Europe de l’Est. Ils envoient également les familles des soldats et construisent une communauté complète sur place, avec des maisons, des écoles, des magasins, des salles de sport et un cinéma, etc.”

Le gouvernement allemand a récemment décidé de loger une brigade entière avec ses familles en Lituanie. Les soldats et leurs familles y resteront quelques années et effectueront ensuite une rotation. D’autres pays, comme les États-Unis, choisissent de n’envoyer que des unités sans famille.

Par ailleurs, 300 soldats belges sont déjà déployés en Roumanie dans le cadre de l’EFP de l’OTAN. Il s’agit de 150 troupes de combat et de 150 troupes de soutien. Ils constituent un sous-groupe de combat qui est relevé tous les quatre mois et opère au sein d’un groupe de combat complet, placé sous le commandement de la France.

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